La professionnalisation
Sous le prtexte fallacieux qui consiste dire que
lâUniversit produit des chmeurs, on voit aujourdâhui sâoprer
uneĘ professionnalisation des diplmes qui vise adapter
les diplmes aux besoins des entreprises. Cependant, comme le soulignentĘ
les donnes sociales de lâINSEE (septembre 1998) Ç si le chmage
des titulaires de diplmes gnraux de niveau bac +3
atteintĘ 7,2 % pour lâanne [1997], ceux-ci jouissent cependant
dâun accs plus grand (42 % contre 17,7 %) aux contrats de travail
dure indtermine que les titulaires de
diplmes spcialiss de type DESS ou DUT Č.
Ainsi, dans le cadre de sa rforme, Claude Allgre
propose une nouvelle organisation des cursus : Ç A bac + 3 : une
licence professionnelle incluant des stages en entreprises; bac
+5 : un mastaire vocation professionnelle; bac +8 : une
initiation la recherche et une insertion professionnelle des diplmes
Č. Officiellement le DEUG et la matrise sont maintenus, mais
ils ne seront pas reconnus au niveau europen, et risquent,
terme, purement et simplement de disparatre.
La volont de professionnalisation tout prix fait
peu peu office de seul projet ducatif. Câest le passage
de lâenseignement dâun savoir celui dâun savoir-faire, dâune culture
critique une culture dâentreprise : Ç Lâuniversit
doit mettre en place des formations professionnalisantes en nombre suffisant
pour rpondre aux attentes de lâconomie Č (Contrat
dâtablissement type 1999-2002). La consquence immdiate
en est la hirarchisation des filires en fonction de leur
intrt conomique. Ainsi en 1998-1999, les tudiants
ont du se mobiliser et se battre contre la volont de certaines
universits de voir disparatre des filires telles
que lâHistoire de lâArt Nantes et Montpellier, la philosophie,
lâethnologie, lâespagnol et la gographie Bziers,
...
En France, le diplme câest la reconnaissance nationale garantie
par lâEtat dâun certain niveau de connaissance. Ce niveau de connaissance,
calcul en fonction du nombre dâheures tudies fait
lâobjet de ngociations entre les syndicats et les employeurs au
niveau des diffrentes branches professionnelles : câest ce quâon
appelle les conventions collectives. Dans le cadre de sa rforme,
le ministre projette Ç la fin de la validit permanente
des diplmes Č (CPU, 20 septembre 98), câest--dire
lâobligation pour les salaris de revenir graduellement faire des
stages de remise niveau lâUniversit. Il sâagit
de la destruction des conventions collectives et du Code du Travail qui
garantit la valeur permanente des diplmes et le financement des
formations par les entreprises.
Lâharmonisation europenne
Lâharmonisation des diplmes lâchelle europenne
a un intrt purement conomique. En effet, par la
remise plat de tous les diplmes tels quâils existent
lâheure actuelle, lâEurope cherche avant tout rduire le
cot de lâEducation. On rduit le nombre de diplmes,
on cre des licences professionnelles, on instaure un systme
de formation Ç tout au long de la vie Č o câest le
travailleur lui-mme qui devra payer pour se remettre niveau
et pouvoir esprer garder une place dans son entreprise.
Cette harmonisation europenne sâest concrtise
la confrence de Bologne (juin 1999), o le ministre
C. Allgre a donn le coup dâenvoi du diplme bac +
5 (ÇĘ mastaireĘ Č).
Par la force des choses une concurrence dangereuse va se crer
entre les universits europennes et franaises. La
mise en place dâun organisme dâvaluation (Agence Suprieure
dâEvaluation du rapport Attali) permettra dâoctroyer les moyens en fonction
des rsultats des universits et de leur adaptation aux besoins
des entreprises. Lâaboutissement de ce processus se concrtise par
la cration de ples dâexcellence, Ç les Ples
Universitaires Provinciaux Č du rapport Attali (p. 29). Et sâil y
a des ples dâexcellence, il y a aussi des universits au
rabais. Câest un pas de plus vers la slection et la remise en cause
de lâgalit de tous face aux tudes.
Etant donn que Ç le dfi de cette rforme
est dâharmoniser lâenseignement suprieurĘ lâchelle
europenne et de marcher sur les traces des Etats comme lâAngleterre
ou lâAllemagne Č (Le Parisien, 3 octobre) et que dans ces pays les
frais dâinscription ont augment dans des proportions considrables
(Ł 1 000 en Angleterre, + 300 % lâuniversit de Milanˇ),
il y a de quoi sâinquiter, sans compter que le 7 octobre 1998,
la Confrence des Prsidents dâUniversits rajoutait
quâil Ç faudra envisager une participation accrue des tudiants
au financement de leur universit Č. Il y a ainsi fort
parier que, pour les tudiants et leurs parents, la rforme
Allgre de lâEnseignement suprieur sera synonyme dâune forte
hausse des frais dâinscription lâuniversit.
Casse du service public
Câest par lâaffirmation selon laquelle Ç lâuniversit
ne doit plus tre gre comme avant Č et Ç
quâil est ncessaire de la rendre comptitive et de lâadapter
aux ncessits vitales de la comptition europenne
et mondiale Č, (dclaration officielle la CPU du
20 octobre), que Claude Allgre prsente sa rforme
de lâUniversit. Il poursuit en indiquant que Ç les universits
doivent devenir des lieux dâinitiatives conomiques o les
acteurs de lâtablissement joueront le rle quâont les dcideurs,
les cadres et les travailleurs dans lâindustrie Č.Câest au nom de
la rentabilit que le ministre sâapprte sacrifier
le service public de lâenseignement suprieur, seul garant de lâgalit
de tous les tudiants. Le plan Universit 2000 avait inaugur
le mode de financement rgional des universits, Ç
le futur plan U3M sera ngoci entre lâEtat et chaque rgion
Č (Reuters, 15 septembre 98). Toutes les acadmies ont dores
et dj mis sur pieds des Ç Groupes de travail sur
U3M Č dont le rle est de Ç dgager les voies
de financement et de stratgie locale des tablissements
Č.
En persistant dans la voie du financement rgional des universits,
lâEtat se dsengage du service public. Des disparits gographiques
apparaissent de plus en plus entre les zones gographiques, remettant
en cause le cadre national des diplmes et lâgalit
des tudiants. Avec la rforme Allgre, les rgions
gagnent de fait un pouvoir dcisionnel dans la pdagogie
et la stratgie des universits.
Les contraintes budgtaires ne font que renforcer le mouvement
dj sous-jacent de dsengagement financier de lâEtat.
Les critres de convergence dfinis lors du trait
de Maastricht par la directive 129B et renforcs par le trait
dâAmsterdam en 1997 sont bien connus (dficit budgtaire
limit 3 % du PIB avec sanction en cas de dpassement,
3 % dâinflation annuelle maximum, dette publique infrieure
60 % du PIB). Ce sont eux qui poussent la privatisation de lâUniversit.
Car qui dit dsengagement financier de lâEtat dit appel aux financements
extrieurs câest--dire aux tudiants, aux collectivits
locales et aux entreprises.
Mais ce projet europen ne sâarrte pas des
questions purement financires. Sous prtexte de contraintes
budgtaires, il sâattaque surtout au contenu et aux missions de
lâenseignement. Qui paie, commande. Puisquâil sâagit de dmanteler
le service public, lâharmonisation europenne sâoriente vers la
destruction du cadre national de financement, de formation et des diplmes
avec, terme une privatisation des universits. Deux grands
axes sont utiliss pour atteindre cet objectif : lâautonomisation
et la rgionalisation. Ainsi, pour le plan U3M, Claude Allgre
affirme Ç les rgions seront nouveau mises
contribution pour financer la moiti du nouveau programme Č.
Voil la reproduction du schma : rgion
riche, fac riche, rgion pauvre, fac pauvre, mais cette
fois-ci lâchelle europenne.
La dimension europenne de lâattaque contre le service public
dâEnseignement suprieur nâa dâailleurs pas chapp
aux tudiants. La Commission europenne, dans un rapport
sur lâEnseignement suprieur prcise, ds 1991 quâ
Ç une universit ouverte est une entreprise industrielle et
lâenseignement suprieur distance est une industrie nouvelle.
Cette entreprise doit vendre ses produits sur le march de lâenseignement
continu, que rgissent les lois de lâoffre et de la demande. Č
Successivement lâAllemagne (dcembre 1997), lâEspagne (8 000 manifestants
Madrid le 26 octobre), lâItalie (manifestation nationale
Rome en novembre), la Grce, la Belgique se sont mobilises.
Face lâampleur de lâattaque, une euro-grve sâavre
de plus en plus ncessaire.
Le ministre a dcid de donner lâexpression
Ç harmonisation europenne Č une signification trs
particulire : celle de retour en arrire, de dveloppement
des ingalits, de recul des acquis, des droits et des liberts
dans tous les domaines de lâEnseignement suprieur. Nous ne pouvons
accepter de voir notre avenir hypothqu de la sorte. Nous
voulons que le sicle qui vient soit celui du progrs, de
la science, mais dâune science et dâun progrs avant tout humains
et galitaires.
Câest pour cela que des syndicats de lutte ont dcid
de sâunir lâchelle de tout le pays contre les rformes
Allgre sur les mots dâordre suivants :
- Un vritable service
public de qualit
- Le rengagement financier
total de lâEtat dans lâEnseignement
- Lâgalit de
tous les tudiants quelle que soit leur origine gographique,
sociale, ou leur nationalit
- Une Universit garantissant
la transmission et le dveloppement de tous les savoirs
Premiers syndicats signataires:
UNEF-ID Amiens,Ę SEUL Bziers-Duguesclins, SEUL Jean
Moulin (Bziers), UNEF Caen,
AGEG-SE (Grenoble), SUD-Etudiants Grenoble, AGEL-SE
(Limoges), SEUL Montpellier II, SEUL
Montpellier III, CEN-UNEF
(Nantes), USEP-SE (Pau), AGER-UNEF (Rouen),
AGET-ASL (Toulouse I), AGET-SE
(Toulouse II) ˇ
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