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[discussions] On leur a coup[e accent grave] la t[e accent circonflexe]te aux cap[e accent grave]tiens, non ?

Posté par Vincent Charbonnier le 28/2.

piece jointe : TEXT/HTML
J'avoue ne pas avoir eu, ni avoir le courage de lire les 66 pages du
laïus de Lang, mais j'ai lu la petite synthèse proposée par Emmanuel à
ce propos. Puisque sa contribution lance le débat, je voudrais apporter
une brève contribution relativement à quelques points soulevés par
Emmanuel, et pour insister sur un regard déglobalisant sur le CAPES, ou
si l'on préfère, un regard plus nuancé qui ne prenne pas les choses trop
en bloc, passant sur les nuances entre les disciplines, par rapport
auxquelles le CAPES est un dispositif récent. Autrement dit, il ne faut
pas oublier le fait que chaque discipline est pétrie de contradictions,
dont le CAPES qui y est lié se ressent inévitablement.

Concrètement, je ne suis pas opposé, par principe, à une réforme des
programmes du CAPES. tout dépend de quelle réforme il s'agit, sachant
qu'une réforme unilatérale est un non-sens. Pour prendre l'exemple de la
philosophie, je ne suis absolument pas défavorable à une refonte du
programme actuel du CAPES, qui est en fait un non-programme (le
programme me rétorque t-on souvent dans l'élysée philosophique
universitaire "c'est le programme de toutes notions de Terminale", dont
tout le monde sait qu'il n'est jamais épuisé, y compris par le plus
masochiste ou le plus autoritaire des enseignants). Bref, il serait
temps que le cimetière-sanctuaire politico-philosophique de l'Inspection
générale de Philosophie au MEN, tré-passe au Musée de l'Homme et
apprenne que Alain est mort, que la IIIe république n'existe plus, etc.,
etc. "Qui saura leur dire..."

De manière plus générale, je partage assez cette idée apparemment
défendue par Lang ópar tactique ou par conviction, je ne sais pasó que
les futurs enseignants ne doivent pas être des faux savants, ie
ignorants des autres disciplines que celle de leur spécialité. Là ou je
ne suis pas d'accord en revanche, c'est avec cette vieille rengaine,
réhabilitée en ces temps troublés de croissance et de baisse du chômage
(apparente-s ou simulée-s, on ne sait plus trop), de la fameuse
bivalence. Sous l'élégant prétexte de promouvoir la culture des
enseignants au-delà de leur spécialité d'origine, de formation
universitaire vaudrait-il mieux dire, on re-tente le coup de diviser les
besoins par deux. Si vous savez faire de l'électro-charcuterie et du
français, eh bien vous gagnez un demi-poste en sus. C'est la non moins
vieille rengaine de l'unité dialectique de la théorie et de la pratique
et réciproquement (sûrement une réminiscence mélenchienne de jeunesseÖ).
Qui plus est, on en parle principalement pour les enseignants du
technique, comme si la dialectique sus-nommée, et tout à fait pertinente
s'il est n'est pas académiquement figée, en balancier abstrait-concret),
n'avait pas de valeur pour l'histoire ou la philosophie etc. Pour être
complet, j'ajouterai deux choses

1. Que la grande force des CPGE (Prépas), cette fumeuse élite
républicaine qui truste majoritairement les postes aux concours de
l'Agrégation, c'est précisément de ne pas s'enfermer dans un carcan
disciplinaire, bien au contraire. Débarrassées de leur funeste
vernis-alibi pseudo-républicain, réintégrées dans les universités (voila
une vraie et forte revendication unifiante, dans tous les sens de ce
terme), et moyennant quelques ajustements, celles-ci seraient tout à
fait acceptables et répondraient aux exigences actuelles du métier
enseignant.

2. Qu'aujourd'hui, je prends le cas exemplaire de la philosophie, la
plupart pour ne pas dire la totalité des enseignants avec le turn-over
du baby-boom qui assurent les préparations théoriques aux concours, sont
issus des ENS et n'ont jamais mis les pieds à la fac ou dans un amphi,
sauf peut-être en 3e cycle. Et ce sont eux qui forment des étudiants à
une réalité qu'eux-mêmes ont pris soin d'éviter de fréquenter.
Attention, je ne défends pas ici le principe démagogique et
crypto-ouvriériste selon lequel il faut passer par "la rude mais
nécessaire école du travail" (Marx, La Sainte Famille) pour avoir droit
à la parole. Je remarque simplement cette asymétrie problématique.

Dernière chose concernant l'épreuve de pré-professionnalisation qui n'a,
tout le monde en convient, de pré-professionnel que le nom. Les
propositions de Lang de ce point de vue ajoutent à la confusion. Mais il
ne me semble pas impertinent d'évaluer la capacité des candidats à
d'exprimer correctement en public, et a fortiori devant une classe. On
conviendra simplement du fait que, comme élément d'évaluation d'une
compétence professionnelle, disciplinaire bien sur mais aussi et
indissolublement, didactique, celle-ci est radicalement insuffisante et
pour tout dire inappropriée. La question en filigrane, derrière
celle-ci, est de savoir comment définir la professionnalisation de
manière correcte et non prévenue. c'est la pierre de Sisyphe du
syndicalisme étudiant, sa tarte à la crème, depuis des lustres. Il
faudra bien un jour, quand même, mettre cette question à plat et la
traiter sans tomber dans le galimatias verbeux du radicalisme facile.

Dernière dernière chose, à propos d'une phrase pêchée au vol sur le
forum du SEUL, dans un message de Olivier (du Cotentin) qui parlait, à
propos du métier enseignant, d'instruction. Pour ma part je récuse ce
terme, car enseigner n'est pas édifier, c'est éduquer et former, et non
être quelque faux démiurge d'esprits neufs et dociles. On enseigne
contre, toujours. C'est la beauté du métier.

Vincent Charbonnier, Nantes



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                          Vincent Charbonnier
            Ingénieur d'études délégué à la diffusion (Région
       Centre-Ouest)>CID-Maison des sciences de l'homme de Paris
        Chargé d'enseignement en Informatique et technologies de
         l'information>département de Sciences de l'éducation &
                    Sociologie-Université de Nantes
      Doctorant en Philosophie>Université de Nice-Sophia Antipolis
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