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[discussions] =?iso-8859-1?Q?pour_d=E9battre_vraiment_il_faut_des_arguments_...?=

Posté par Anthony Whitney le 8/4.

piece jointe : TEXT/HTML
Je ne surprendrais pas certains lecteurs du forum (après deux mandats au Cneser pour l'UID de 1996 à 2000, et ayant participé à l'élaboration puis à la mise en oeuvre de la réforme pédagogique de 97 nationalement et localement) en écrivant que je ne partage pas l'analyse faite par E. Lyasse du Manifeste que je vous ait fait suivre pour essayer de relancer les débats sur ces thématiques sur le forum...
Je ne considère d'ailleurs pas tant qu'il s'agisse d'une analyse véritable que d'un dénigrement facile qui ne rentre pas dans le contenu proprement dit du Manifeste, pourtant dense en quantité et contenu ... le débat il se fait sur du fond, pas sur des procès d'intentions ! 

*Non, mes camarades ne veulent pas monter les étudiants contre les enseignants. Sachez qu'aux Rencontres des élus où le Manifeste avait été adopté (vous en aviez eu un compte rendu dans la Lettre des élus de l'UID) un atelier débat avec des représentants des syndicats enseignants avait permis de constater de larges convergences d'analyse avec eux !

* Oui, il faut réformer notre système et bousculer l'enseignement magistral qui plombe chaque année de trop nombreux étudiants, complétement largués, et plusieurs dizaines de milliers quittent notre système d'enseignement supérieur sans aucun diplôme ! quel est leur avenir en terme personnel et professionnel ...

* Non, on ne peut opposer les revendications quantitatives et qualitatives, elles sont indissociables. Bien sûr les moyens budgétaires (dotations en crédits et en emplois) sont notoirement insuffisantes, des mobilisations récentes sont venues le rappeler au Ministère. Mais cela ne retire en rien la nécessité de réformes qualitatives : sur le contenu des enseignements (cf mobilisation des économistes face à la place excessive des maths), pour le développement de la lutte contre l'échec en 1er cycle, etc.

*Oui, une équipe pédagogique, serait un élément nécessaire, ainsi que bien d'autres, utiles pour permettre de recentrer notre système sur l'étudiant. D'ailleurs les syndicats enseignants sont les premiers demandeurs d'une réforme des statuts des enseignants afin de prendre en compte leur participation à d'autres missions que la seule recherche (exemples : tutorat, implication dans la vie de l'université etc., pour qu'elle ne soit pas pénalisante dans le déroulement de leur carrière ce qui est le cas aujourd'hui) 
Je vous renvoie sur le "palmarès" des universités établi par Le Point de cette semaine en terme de taux de réussite par facs et par filières. On constate, pour nous qui sommes les défenseurs du cadre national, que les inégalités de fait entre étudiants face à la (non) réussite, à la (non) obtention des diplômes dans telle université ou telle formation sont très fortes. On constate également les résistances des universités à communiquer (quelle transparence !) sur ce point. 
   
*S'agissant de la réforme pédagogique de 97 dite "Bayrou", l'UID en a établi des bilans à plusieurs reprises et encore dernièrement cf  la dernière Lettre des Elus de mars "Nos propositions, Pour une révolution pédagogique, Pour la réussite de tous"

J'arrête là pour ne pas être trop long, je vous renvoie juste ci dessous à la contribution que ma tendance syndicale (Egalité) avait déposé au CLP du 3 novembre 2000 : "Pourquoi une révolution en matière de pédagogie ?" qui me semble la meilleure "réponse" à certains  arguments (s'ils en sont) que j'ai lu ...
syndicalement
anthony
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    -----Message d'origine-----
    De : Emmanuel Lyasse 
    À : discussions@unef.org 
    Date : dimanche 8 avril 2001 00:34
    Objet : [discussions] De la Revolution telle que certains l'affichent
    
    
    J'avais, au moment du CNESER, donné une analyse du manifeste révolutionnaire qu'Anthony nous rappelle opportunément. La voici, pour ceux qui ne l'auraient pas eu, coupées les remarques liées au contexte de cette élection (pour ceux qu'elles intéressent, voir sur la page 2 des archives du forum)
    N.B.: le texte de tendance "Tous ensemble" que des camarades naguère à l'UNEF, et pour certains même sur notre liste au CNESER se prononce exclusivement pour la dite révolution.
    EL
    
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    De : "Emmanuel Lyasse" 
    À : discussions@unef.org
    Objet : [discussions] Il etait une fois la Revolution
    Date : Sam 24 juin 2000 7:32
    
    
    
        Une petite question à tous ceux qui s'apprêtent à voter pour la liste U-ID / Marion Brun / Lise Pastor :
        Avez-vous lu le "Manifeste pour une révolution pédagogique" dont son insipide profession de foi ? Non ? Vous devriez.
        [Š]
        Commençons par sa conclusion:
        "pour que l'autonomie intellectuelle permette à toute la jeunesse de croire qu'il n'y a pas de rêve impossible'.
        Fichtre ! A les lire, on se demande ce que prévoient de nous faire fumer à tous l'U-ID, Marion Brun et Lise Pastor, pour nous donner une telle conviction, et on entrevoit à quelles importations serviront les moyens qu'elles réclament.
        Mais au vu de ce qui précède, on constate qu'il ne s'agit (encore une publicité mensongère) que de chiquer du Claude Allègre / Philippe Meirieu mal réchauffé.
        Evidemment, il n'est absolument pas question des réformes précédentes, et de la façon dont elles ont été reçues par les étudiants. Il serait mesquin de croire que c'est parce que l'U-ID ne tient pas à faire un bilan de l'application de cette "grande victoire du mouvement étudiant" (Pouria dixit) qu'a été la réforme Bayrou, et Marion Brun et Lise Pastor encore moins, qui y trouveraient la meilleure raison de ne pas renier les analyses du 78e congrès de l'UNEF (Toulouse, 1997) au moment où l'immense majorité des étudiants ont tous les éléments pour en reconnaître la pertinence.
        Non, si on ne parle pas de réforme, c'est sans doute que de toute façon, seule compte la révolution. D'ailleurs, on vous a déjà dit qu'il n'était pas question de partir de la situation concrète ici et maintenant des étudiants et de l'Université, mais de rêver.
        Malheureusement, les rêves de nos révolutionnaires ressemblent aux pires cauchemars des étudiants qui s'intéressent plus à la défense de leurs études qu'à la mythique "réunification du mouvement étudiant".
        L'idée directrice en est Pour lutter contre l'échec, supprimons les études !. dans le très vieux but de tous les savant pédagogues, bien connu: empêcher les étudiants d'étudier et les enseignants d'enseigner. Pour occuper les profs à autre chose qu'à nous transmettre un savoir, rien de tel que le vieux bobard de "l'équipe pédagogique". Qu'est-ce que c'est ? Mystère. A quoi ça sert ? Ne répondez tout de suite à rien. Ça ne sert certes à rien aux étudiants et aux enseignants mais ça sert grandement à tous ceux qui veulent leur nuire.
        Cette idée est fortement argumentée, par la découverte d'un scandale majeur:
        "Quel enseignant connaît le cours que ses étudiants suivront à la prochaine heure ?"
        Vous n'êtes pas scandalisés ? Vous pensez que ça ne vous servirait à rien que votre prof soit capable de vous dire où vous irez quand il aura fini de vous causer ? Vous osez considérer qu'il y a des scandales plus grands, réduction du nombre d'heures d'enseignements; augmentation des effectifs des groupes, hausse exponentielle des droits d'inscription, obligation de plus en plus fréquente de se salarier et casse du statut des salariés par la semestrialisation, discrimination contre les étudiants étrangers... ? Votre attitude est typiquement contre-révolutionnaire.
        On voit en tout cas sur quoi reposera l'"évaluation pédagogique" des enseignants que le Manifeste réclame: un jury assermenté leur fera réciter l'emploi du temps de première année de DEUG.
        Et pendant que les enseignants s'appliqueront, sous la surveillance de l'U-ID, de Marion Brun et de Lise Pastor, à "la coordinations des contenus, à la construction d'une méthodologie et d'une pédagogie globale qui s'applique à l'ensemble des champs disciplinaires étudiés", où seront les étudiants ?
        En stage, bien sûr, "une insertion professionnelle correspondant à ses qualifications". Vous vous dîtes qu'il y a un truc, puisqu'avec la "révolution pédagogique", ils risquent fort de ne plus être qualifiés du tout. Ce n'est pas un truc. C'est le but de l'opération.
        Peut-être après tout cela êtes-vous convaincus de l'excellence de ce manifeste et vous apprêtez-vous à voter dans l'enthousiasme pour la liste qui s'en revendique.
        Il sera encore plus difficile, en tout cas, de convaincre de son aspect novateur. Les âneries de ce genre, sur la pédagogie et la méthodologie conçues sans rapport avec le contenu enseigné, sur la nécessité d'en finir avec le cours magistral, dont on sait bien dénoncer les défauts,  mais qu'on ne sait toujours pas par quoi remplacer, fleurissent depuis un siècle et règnent depuis trente ans. 
        Lisez le dernier livre, posthume, de feu Alain Peyrefitte, où il évoque son passage au ministère de l'Education nationale en 1968: vous trouverez présentées comme sorties directement de son esprit génial les mêmes idées neuves que dans le manifeste de l'U-ID, de Marion Brun et de Lise Pastor.
        Ces vieilles idées neuves ont fait bien du mal. La "révolution" consisterait-elle simplement à ce qu'elles continuent à faire ? Les révolutionnaires s'occupent surtout en tout cas à brandir ces vieux mensonges et à essayer de tourner les étudiants contre les enseignants, pour laisser le champ libre aux ministres qui cassent l'Université publique.
        C'est parce qu'à Paris IV nous refusons aujourd'hui comme hier de cautionner cela que nous ne pouvions envisager de voter pour la liste de l'U-ID. C'est pour cela que nous participons à une liste qui reprend la vieille revendication de l'UNEF, qui a rassemblé très largement autour d'elle: une Université publique, de qualité, ouverte à tous. 
        Le débat semble clair.
        [Š]
        EL
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        Pourquoi une révolution en matière de pédagogie ?


        " la pédagogie est l’art de transmettre les savoirs "


        La sémantique du terme " révolution pédagogique " mérite une explication : en effet tantôt elle fait sourire, tantôt elle est brandie par les nostalgiques des révolutions. Pourtant les mots ont leurs sens. 


        La révolution pourrait modestement se définir comme la volonté d’abattre ou de remettre en cause de manière profonde des schémas établis et installés, pour en imposer de nouveaux. L’enseignement universitaire est connu pour ses cours en amphis, ses profs qui sont parfois encore en toge, qui nous narguent du haut de leur chaire et lorsqu’ils dirigent l’UFR se font appeler doyen... Vous les aurez reconnus ce sont les mandarins. Ces mêmes sont convaincus, fort de leur doctorat (bac+8) de leurs multiples citations scientifiques, que le savoir est un moyen de dominer de façon autoritaire ceux qui sont en formation. A l’inverse, nous considérons que le savoir est fait pour être partagé, confronté.... et non pour dominer. La conception mandarinale de l’enseignement trouve sa genèse dans la création de l’université médiévale, où lors les premiers cours magistraux du XIIIème siècle, les élèves apprenaient attentivement leurs leçons et étaient les très fidèles disciples de leurs maîtres. Les rares enseignants qui cherchèrent à instaurer une confrontation avec leurs étudiants furent pour la plupart chassés des universités, comme le fut le célèbre Abélard. 


        Aujourd’hui qu’en est il ?


        Le monde a changé, les étudiants aussi, mais l’université est restée la même. Son enseignement y reste magistral et l’enseignant qui consacre du temps à ses étudiants (disponible en fin de cours, prompt à répondre et poser des questions...) n’a que peu de chance de se voir gratifié dans sa carrière. Seul l’intêret que les profs portent à leurs recherches leur permet d’être reconnus.


        Le cours magistral demeure la règle, il est le cache sexe du manque de moyens de l’université française. Celui ci devrait être l’exception lors de l’intervention d’enseignants sur des thèmes précis, et dont les compétences oratoires permettent d’assurer l’intêret d’un cour magistral.


        Ainsi, les amphis doivent tomber, il faut les remplacer par des petites salles, où les étudiants en petit groupe peuvent se confronter avec l’enseignant, où ce dernier peut répondre aux attentes des étudiants. Nous voulons rompre avec une pédagogie linéaire qui vise à recracher un cours, pour faire place à une pédagogie individualisée en direction des étudiants. C’est en cela que nous voulons une révolution. L’enseignement tel qu’il se pratique majoritairement à l’université depuis 800 ans doit radicalement changer !


        Cette révolution est d’autant plus nécessaire au regard de ce qu’est aujourd’hui la réalité sociale des étudiants. Les inégalités économiques qui existent doivent être corrigées à travers la mise en place d’une allocation d’études. Les inégalités culturelles, que Bourdieu et Passeron ont avec justesse mises en lumière, doivent être combattues par une pédagogie individualisée. S’attaquer aux inégalités culturelles est aussi un acte révolutionnaire. Notre société, dans sa timide volonté de résorber les inégalités, se voile souvent sur la réalité de celle ci.


        Individualiser la pédagogie, cela signifie reconnaître que les étudiants ont des parcours différents qui n’ont pas été choisis de la même façon. Certains ont été plus libre de choisir (les fils de profs, de cadres), d’autres ont subi. Le milieu, le niveau de la famille conditionne clairement le devenir des jeunes. En effet, certains ont l’information, des perspectives. Pour certains le bac est un aboutissement, pour d’autre une simple étape... C’est cette diversité des parcours qui doit être prise en compte dans le cadre de l’enseignement à l’université mais aussi en amont, dès le primaire et dans le secondaire, ce dernier devant aussi effectuer sa révolution.

        L’Enseignement supérieur à travers la diversité de ses formations est une étape ultime mais quasi-obligée pour la jeunesse. La maîtrise des savoirs conditionnera la place de chacun dans notre société. Cette étape, si on souhaite qu’elle soit synonyme de réussite et non d’échec, comme c’est le cas aujourd’hui pour beaucoup d’étudiant, impose donc à l’université de faire impérativement sa révolution.


        Lors de la rencontre des élus étudiants de Grenoble en mai 2000, 400 élus ont adopté un " manifeste en faveur d’une révolution pédagogique ". Ce manifeste résonne aujourd’hui dans les amphis. Nous avons mis le doigt là ou ça fait mal. Le débat s’instaure entre les enseignants qui pour leur part mesurent l’enjeu, tandis que le ministère, loin d’être à la hauteur de cet enjeu de société en reste au stade " des mesurettes " en proposant un prof réferent en première année, tout en se refusant à rendre de nouveau obligatoire le tutorat, à prendre les dipositions nécessaires pour former à la pédagogie les quelques enseignants recrutés cette année. La révolution au delà de l’incantation doit trouver sa réalisation par des mesures concrètes: arrêt de la construction d’amphis au profit de salles de petites tailles, modification des critères de recrutement et d’évaluation des enseignants-chercheurs, formation à la pédagogie que ce soit dans l’obtention du doctorat que dans le cadre du recrutement, obligation pour un enseignant à l’université d’enseigner au moins une année dans le secondaire, formation à la docimologie (évaluation des étudiants), constitution d’équipes pédagogiques pour chaque niveau d’études...


        Individualiser la pédagogie à l’université ce n’est pas secondariser le supérieur, c’est au contraire permettre à l’étudiant de construire avec l’aide des enseignants son propre savoir. Ainsi il convient d’apprendre l’auto-évaluation, de savoir mobiliser et " connecter les connaissances " par le développement de la pluridisciplinarité avec la mise en place du projet pluridisciplinaire de fin du Deug... Cette liste est loin d’être exhaustive, mais elle constitue quelques pistes sur lesquelles il convient de mener une réflexion.


        La révolution pédagogique doit être un élément à part entière du combat que l’UNEF refondée devra mener car notre ambition est, et restera de faire reculer les inégalités et de faire avancer l’Autonomie. Tout comme l’allocation d’études nous permet d’envisager l’autonomie sociale et la justice sociale, la révolution pédagogique nous permettra de faire disparaître les inégalités culturelles et de conquérir pour chaque étudiant l’autonomie intellectuelle. Il est maintenant temps que la grande UNEF fasse tomber les bastilles du savoir.