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[discussions] Une critique des positions de Nantes

Posté par =?iso-8859-1?Q?Jo=EBl?= Pascal le 21/4.

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Une critique des positions de Nantes

Nantes a donc décidé de participer au congrès dit de « rassemblement »
de l’Unef-ID sous la bannière « Tous Ensemble ». La décision a été
(volontairement) prise à l’unanimité. Le congrès de l’Unef-ID a eu lieu
selon les modalités issues des CLP nationaux, modalités rejetées par
l’Unef lors de son 80ème congrès national à Orsay, au motif notamment
que le processus n’impliquait pas assez les étudiants.

La décision de Nantes me semble mauvaise à plusieurs niveaux :
1) prendre une décision impliquant l’Unef sans prendre en compte l’avis
des autres AGE ne me paraît pas pertinent. Dans la mesure où la
quasi-totalité des AGE de l’Unef ne participera pas au congrès de
l’Unef-ID, il me semble que pour conserver un semblant de crédibilité
interne aux positions de l’AGE de Nantes, dans l’Unef, il n’eut pas
fallu s’impliquer autant. Le message envoyé aux autres AGE, de faire
cavalier seul sans même avoir pris leur avis, me semble mauvais, et le
procédé maladroit. Comment se faire encore entendre des autres étudiants
syndiqués à l’Unef après une telle manœuvre ? Là encore, si l’unité
interne de l’AGE (unanimité exigée et respectée pour la décision prise)
a été réfléchie et garantie, il me semble que telle réflexion aurait dû
être également menée sur un plan national. On ne peut pas plaider pour
l’unité à tout prix, quitte à abandonner ceux avec qui on travaillait.
2) une chose n’est pas claire dans les derniers messages de Nantes :
leur position actuelle. Sont-ils encore à l’Unef ? Sont-ils devenus
adhérents de l’Unef-ID ? Sont-ils devenus adhérents d’une nouvelle
organisation à l’initiative de l’Unef-ID ? Sont-ils sortis du
syndicalisme national étudiant ? Il me paraît incohérent de prétendre
rester dans l’Unef, participer aux organes de gestion interne
(collectifs nationaux, bureaux nationaux), et de participer à un
congrès, qui, aux dernières nouvelles, est le congrès d’une organisation
concurrente sur un plan national. La participation d’individus qui il y
a quelques temps n’étaient pas membres de cette organisation ne me
paraît pas significatif d’un renouveau particulier ; et encore une fois,
l’Unef en tant qu’organisation étudiante nationale ne s’y est pas
associée. Pour finir sur ce point, la direction de l’Unef-ID a tout de
même accepté la participation des membres du collectif « Tous ensemble »
à la condition que ses membres quittent leur organisation d’origine.
3) la position de Nantes ne me paraît pas correcte vis-à-vis de
l’Unef-ID : pourquoi vouloir influer sur les positions des étudiants
syndiqués à l’Unef-ID ? Les considère-t-on comme imbéciles sur la
question de la refondation du syndicalisme étudiant ? Serait-ils
incapables de réfléchir tout seul ? Il me semble qu’un minimum de
respect et d’honnêteté intellectuelle envers l’Unef-ID consiste certes à
leur faire part de nos critiques quand il y en a, mais également de ne
pas tenter d’influencer leurs choix par des manœuvres qui confinent à de
l’entrisme. Il me paraît essentiel de rester extérieur à leur
fonctionnement interne afin, également, de garder une crédibilité dans
les critiques qu’on leur adresse. Il me paraît peu cohérent d’adhérer à
leur congrès et, dans le même temps, de le critiquer, ce qui me semble
néanmoins nécessaire (c’est ce qu’a fait l’Unef lors de son 80ème
congrès national à Orsay -sans forcément suffisamment argumenter
autrement qu’en regrettant l’implication insuffisante des étudiants, ce
qui est certes dommage).
4) Il me semblait donc beaucoup plus cohérent d’adopter la position du
bureau de l’Unef-Orsay, à savoir demander à l’Unef-ID la possibilité
d’assister en tant qu’observateurs / invités à leur congrès (réponse
vraisemblablement positive dans le courant de la semaine prochaine). Il
y a en effet eu débat entre les tenants de la participation comme Nantes
et les tenants de l’invitation ou de l’indifférence. La position de
l’Unef-Orsay a en outre été prise après consultation de l’Unef-Paris 4,
de l’Unef-Evry et de l’Unef-Clermondt par l’intermédiaire de leurs
présidents respectifs qui n’ont pas émis d’objections. (Brice n’est pas
cohérent lorsqu’il va voir ailleurs parce qu’il veut l’unité du
syndicalisme étudiant).
5) La décision de Nantes repose également sur la considération que
l’Unef n’est plus une organisation nationale étudiante, ou en tout cas
que son fonctionnement n’est plus viable à très court terme. L’Unef
peut-elle encore être considérée comme une organisation nationale
étudiante ? Réponse : oui et non. Sur le terrain, nous disposons encore
d’un élu au CNESER (et Lise fait son boulot honnêtement), d’une bonne
vingtaine de sections syndicales, d’un certain nombre d’élus souvent
concentrés géographiquement. Sur le terrain, et comparativement aux
autres organisations, l’existence de l’Unef est indéniable. Evidemment,
dans l’absolu, nous ne sommes pas une organisation nationale étudiante.
Mais dans l’absolu, l’Unef-ID ne l’est pas non plus (quels étudiants
syndiqués dans les IUT ?), et la FAGE, l’Uni ou PDE encore moins. Reste
le plus important à mes yeux : l’Unef existe encore nationalement dans
les consciences de ses militants (il y a encore, avis aux juristes, un «
affectio societatis »). Ce qui est méritoire vu les secousses qui ont
traversées, depuis presque deux ans, notre organisation. Au vu de cet
élément, là encore, il me semble que la position de Nantes est
maladroite ou mauvaise.
6) J’arrive néanmoins à peu près à comprendre la position de Nantes si
je l’interprète comme l’expression d’une double insatisfaction, devant
le fonctionnement de l’Unef, d’une part, et devant l’apparent enlisement
des discussions et des perspectives sur la question de l’unité du
mouvement étudiant (quelle organisation ? etc.) d’autre part. Il me
semble ici que le raisonnement de Nantes est le suivant : « il est plus
facile de changer l’Unef-ID que de changer l’Unef ; de toutes façon,
l’Unef-ID est une structure syndicale plus solide ». Nantes, en voulant
participer au congrès de l’Unef-ID, souhaite donc afficher son désir de
renouveau. Encore une fois, il me semble que si je suis d’accord avec
l'objectif, le moyen employé est mauvais. D’abord parce que le
fonctionnement interne de l’Unef-ID ne me semble pas plus viable que le
nôtre, et que je ne crois pas à la remise en cause de l’Unef-ID par
l’Unef-ID dans le cadre normal de leur fonctionnement. Par ailleurs, on
sait ce que je pense de la responsabilité de certains dirigeants de
l’Unef – que je considère incompétents – dans le délabrement de notre
organisation (cf sur le forum, mon texte « quelques interventions en
Bureau National »). Mais au-delà de ces considérations d’appareil, je
pense plus largement au problème qui se pose à tous les syndicalistes
étudiants (mais également à tous les étudiants, même si ceux-ci en sont
peut-être moins conscients) : comment créer une nouvelle organisation
nationale étudiante (qui implique et qui soit donc ouverte à plus
d’étudiants que les 0,5 % actuellement syndiqués) ? Comment démocratiser
réellement l’Université ?
Et je renvoie directement Nantes à ses responsabilités : je n’ai pas
l’impression qu’ils aient eu une activité nationale écrasante dans
l’animation des discussions sur la question de l’unité du mouvement
étudiant, qu’un travail réel ait été fait par Nantes en direction des
autres AGE, voire même que des propositions ait été faites sur la
nouvelle organisation. J’avoue : je ne me souviens pas de tous les
textes diffusés à l’occasion de notre 80ème congrès et ma critique est
peut-être excessive (encore que si on réfléchit seulement lors des
congrès…) ; j’ajoute que je me souviens parfaitement de la participation
constructive de Nantes à la réunion à l’initiative de Paris I, Paris 4,
Evry (etc.) à la Sorbonne puis à Antony, à 3 semaines du Congrès d’Orsay
et que j'apprécie les interventions de Vincent Charbonnier sur le forum
de discussion de l'Unef-Evry.
Je sais bien que je me suis petitement contenté de m’exprimer (auprès,
il est vrai, de nombreux interlocuteurs) et de rappeler les positions
des uns et des autres, sans formaliser de propositions concrètes sur la
nouvelle organisation. J’ai néanmoins une vision positive de nos débats
internes. Certes, l’Unef lors du congrès d’Orsay n’a pas pris de
décisions extraordinaires et n’a pas été à l’origine (ce qui aurait été
beaucoup mieux) de propositions concrètes en terme de « nouvelle
organisation » (encore eut-il fallu que la commission de contrôle nous
laissât débattre). Mais on a assisté à un adoucissement spectaculaire du
discours de certaines AGE. En 6 mois de débats internes, nous étions
passé du « l’Unef-ID c’est des PD » à « l’unité nous la voulons, mais
pas à n’importe quel prix ». Là où le débat a plutôt été foiré, c’est
sur la question de la direction de l’Unef. On ne peut pas tout avoir.

Et je peux affirmer, parce que j’ai eu pas mal de confrères au
téléphone, qu’aujourd’hui, les copains dans l’Unef sont prêt à mettre
des choses en place, à travailler nationalement à construire une
véritable organisation syndicale. La volonté est là. Après 6 mois
d’attentisme, l’Unef peut et se doit d’aborder les chaînes d’inscription
avec dynamisme. Et ma conviction profonde est qu’on ne réussira pas à
créer une nouvelle organisation syndicale si on ne se décide pas à
travailler, au-delà des questions de structures qui peuvent rester
telles qu’elles ou évoluer comme elles le veulent sans que cela ne soit
gênant, en allant chercher les compétences et les idées, dans toute
l’Unef, dans toute l’Unef-ID, à la FSE, dans Sud-étudiants ou à la Fage,
plus largement dans la totalité du corps étudiant.

Alors, ne nous leurrons pas. Ce qui manque aujourd’hui dans le
syndicalisme étudiant, c’est des actes pas des discours. Il ne faut pas
abandonner les discours, il faut passer aux actes (ça fait 30 ans que le
syndicalisme étudiant est noyé dans du verbiage abstrait. De la vrai
politique ?) La non-reconnaissance collective du syndicalisme étudiant
pousse au mépris  (plus ou moins camouflé), des étudiants par les
syndicalistes. Elle encourage une propension naturelle à
l’avant-gardisme, la petitesse des ambitions collectives et
l’hypertrophie des ambitions individuelles.

Conclusion : nous avons besoin 1) d’une vision réaliste et pragmatique
de ce qu’est le syndicalisme étudiant (à nous de faire l’autocritique
complète du système, déjà commencée et bien entamée depuis 2 ans) 2)
d’une vision réaliste et ambitieuse de ce que pourrait être le
syndicalisme étudiant (et là, il y a encore beaucoup à faire) 3)
d’écrire une partition jouable et un scénario réaliste pour la
refondation du Mouvement étudiant (quelles modalités pour transformer le
syndicalisme étudiant, un bon exercice pour tous ceux qui veulent
changer la société) et de 4) jouer le morceau (ce qui est en principe,
l’étape la plus simple si les préliminaires ont été correctement
effectués).

En matière de propositions, je développerais (notamment) dans un autre
mail la question de l’utilisation des nouvelles technologies, matière à
une réflexion transversale et inter-organisationnelle.

Dernier point, par souci de précision : si Nantes participe au congrès
de l’Unef-ID, (ce qui va être le cas), je ne vois pas d’objection à leur
présence en CN et en BN. En revanche je manifesterai mon opposition à
leur participation à des votes (ce qui est valable aussi pour Jussieu et
Nanterre). On ne peut pas à la fois avoir le beurre, l’argent du beurre
(et la jolie crémière). Mais encore une fois, je ne vois pas
d’inconvénients à travailler avec ces sections syndicales.

Joël PASCAL
Membre du Bureau National de l’Unef
Président de l’Unef-Orsay
Elu au Conseil d’Administration de l’Université Paris Sud