[discussions] RENOVER L'UNEF 4
Posté par Jihadwachill@aol.com le 7/5.
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Pédagogie : défendre la qualité de nos études
Depuis 1992, avec les réformes Lang puis Bayrou, nos diplômes universitaires
connaissent une déconstruction de plus en plus inquiétante. La
semestrialisation intégrale qui se profile après la déclaration de Jack Lang
au CNESER (esquissant une nouvelle réforme de l'Enseignement supérieur en 3
ans) apparaît comme un nouveau coup d'accélérateur dans cette volonté de
déliter la cohérence des cursus au nom de d'une volonté d'harmonisation
européenne (il est question d'un nécessaire "Maastricht de l'éducation") qui
frise bon le modèle anglo-saxon.
Il ne s'agit nullement ici d'opposer semestrialisation et annualisation, et
de décider que la semestraisation, "ce n'est pas bien". De fait, il existait
depuis longtemps des filières fonctionnant de manière semestrialisée (surtout
les filières scientifiques) sans que celà n'ait provoqué de gêne particulière
pour les étudiants, voire des universités qui fonctionnaient entièrement sur
ce modèle (comme Saint-Denis, avec néanmoins un bilan mitigé en fonction des
filières). Néanmoins, ce n'était pas le cas de nombre d'autres cursus dont
les enseignements et la notation était annualisés : d'une manière générale,
la réforme Bayrou s'est ici heurtée à des difficultés d'application sérieuses
lorsqu'il s'est agi de semestrialiser ces cursus, et pas seulement du fait
d'une présumée mauvaise volonté des professeurs (comme l'a longtemps prétendu
l'UID) car celà signifiait destructurer les cursus et donc réduire leur
cohérence pédagogique.
Pour résumer le problème, dans un certain nombre de filières, ce n'est pas
pour rien que les enseignements étaient annualisés : il s'agissait souvent de
laisser suffisamment de temps aux étudiants pour emmaganiser les connaisances
et apprendre à les utiliser efficacement dans les types d'exercices qui leur
sont proposés. Or, la semestrialisation a ici souvent posé la question de la
notation du premier semestre, qui se termine bien souvent avec des notes
catastrophiques et irratrappables simplement car les épreuves ont lieu avant
que la plupart des étudiants aient réellement assimilé les exercices et les
connaisances qu'on exige d'eux. De plus cette semestrialisation a nettement
renforcé dans ces matières la tendance au bachotage au détriment de la
réflexion et dénaturé le contrôle continu.
Cette réforme a certes généralisé la capitalisation et la compensation, mais
force est de constater aujourd'hui que le ministère souhaite retirer d'une
main ce qu'il avait accordé de l'autre sur la compensation inter-UE : en
effet, le projet de Jack Lang ne laisse aucune place à cette compensation.
Que dire de la session de septembre déjà fragilisée par la réforme Bayrou du
fait de l'inflation d'épreuves de ratrapage à organiser en septembre avec la
semestrialisation ? Aujourd'hui, c'est son maintien qui risque d'être une
nouvelle fois mis en cause.
Enfin, la dévalorisation des diplômes est quasi-inévitable : ce système de
validation des UE risque de conduire à des diplômes artificiels et bricolés
où le cadre national des diplômes ne sera plus qu'une illusion d'optique,
bref à un supermarché du savoir . Tout ceci au nom paraît-il des étudiants,
qui réclament une "Révolution pédagogique", des Universités...
L'absence de réaction de la Communauté universitaire à ces réformes peut
sembler des plus étonnantes : chacunes de ses composantes donne depuis bien
trop longtemps de se préoccuper uniquement de ses intérêts particuliers sans
plus rechercher l'intérêt de tous. Les professeurs, d'abord, toujours les
premiers à pester contre ces réformes, mais aussi toujours les premiers à les
avaliser dans les Conseils par défaitisme et au nom de la politique du
moindre mal. Le personnel IATOSS ensuite qui n'analyse ces réformes qu'en
terme d'augmentation de la masse de travail. Les étudiants enfin,
infantilisés par le premier syndicat de France (sur le thème "faites-nous
confiance, on s'occupe de tout") et incapable de réagir, se complaisant dans
les discours démagogiques anti-"mandarins", projection totalement
artificielle et des plus contestable de la dialectique marxiste
patron-ouvrier à l'Université.
Sauf qu'à l'Université, le patron, c'est l'Etat... Il s'agit donc à
l'ensemble de la Communauté universitaire de définir un projet pédagogique
alternatif concerté dans le sens d'une Université publique de qualité ouverte
à tous et de se donner les moyens de créer un rapport de force permettant sa
prise en compte par le ministère.
Les étudiants ont ici un rôle essentiel à jouer pour, tout en évitant
évidemment de se mettre à la remorque des uns ou des autres, peser sur les
choix en matière de pédagogie en permettant un vrai dialogue et une meilleure
compréhension entre les composantes de la Communauté universitaire pour que
les réformes en matière de pédagogie ne se fassent pas "en haut", au
ministère avec ensuite trop souvent aucun autre choix que de les accepter
comme un fait accompli ou de les négocier à la marge.