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Posté par phillipe lieutaud le 24/5.

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Réponse à Stéphane

Cher Stéphane,
je t'aime bien mais il y a des moments où tu perds une occasion de parler et ton dernier courrier sur le collectif national était une de ces fameuses occasions manquées. Tout d'abord, lorsque tu annonces que tu n'es "ni partisan ni antidémocratique", j'ai déjà un problème. N'es-tu pas trésorier national, membre du secrétariat national ? Ne soutiens-tu pas systématiquement Karine  dans les grandes occasions, comme les CN par exemple ? Tu sais, les blindages auxquels tu fais référence ne datent pas de hier : il me semble même que c'est vous qui les avez inventés. Par exemple ? Au congrès d'Orsay, faire venir Christophe pour l'AGE du CNED, Cécile pour celle de St-Etienne (pour les plus connus), c'était de la provocation pure, car tu sais comme moi qu'ils n'ont pas dû organiser ou participer (et pour cause ces AGE n'existent pas ou plus) à une seule réunion dans leur AGE. Et être étudiante à temps plein à Paris I dans le cas de Cécile ne doit pas trop l'aider dans son souci de réimplanter l'UNEF à St-Etienne. Stéphane, c'est paradoxal de te voir devenu aujourd'hui un zélé défenseur de la démocratie, alors qu'on ne t'a jamais trop entendu par le passé lorsque certaines libertés étaient prises (tu sais, Camille n'a pas toujours été opposée à Karine dans ses votes, Il y a encore peu, par exemple ...).

Je ne reprendrai pas les arguments de Jihad pour rappeler que la quasi-totalité des camarades qui se sont opposés à vous représentent des AGE qui existent ou qui veulent revivre, à condition qu'on leur donne la possibilité de le faire dans un cadre organisationnel clair. Et tu m'excuseras, les grands qui nous dirigent ont changé je ne sais combien de fois de chemises : un jour c'est tout sauf l'UID (cf. la LMDE : qui a fait en sorte que l'U-ID rejette notre participation ?), un autre jour c'est l'amour fou, et on fait n'importe quoi, alors que quelques semaines avant la chanson c'était "un congrès de rassemblement en juin ? pourquoi pas en août ?", dixit Karine. Pourquoi toi, chantre de la démocratie, n'es-tu pas intervenu pour assurer une bonne tenue au débat en exigeant que les paramètres de celui-ci ne changent pas en fonction de ce que souhaitent certains, comme Marie-Pierre V ? (même si à mon avis sa stratégie est restée la même, les atermoiements dans les positions de Karine venant de considérations tactiques : comment négocier avec l'U-ID quand on est mino toute seule ?). Pourquoi n'es tu pas intervenu sur le fonds, sur les questions mutualistes ou autres ? Serait-ce parce que tu sais que sur ces points, tu n'es pas d'accord avec Tous Ensemble, et que ce qui vous lie, c'est un accord d'appareil né d'un rapprochement de circonstances, et que vos fiançailles, récentes, ne dureront pas très longtemps (pourquoi par exemple ne défends tu pas l'idée que tes copains rejoignent la tendance Tous Ensemble dans l'UNEF-ID ?).
Alors les leçon sur la démocratie et sur la pureté de ceux qui se sont sentis bafoués tu repasseras. Et pour enfoncer définitivement le clou, j'ai déjà assisté, quand j'étais jeune militant, à des scènes post-CN, avec Karine et d'autres qui sont encore ici, sur le thème, "les gauchistes, on leur a mis profond". Alors tu m'excuseras mais nous assimiler à de méchants sectaires, politicards et calculateurs, qui mettent des battons dans les roues des gentils responsables nationaux qui, eux, agissent en toute indépendance politique, c'est un peu trop gros.

Par rapport aux décisions des vilains bureaucrates responsables d'AGE qui refusent le débat, et qui, pire, le confisquent aux adhérents en refusant de les associer au processus voté, je tiens à te rappeler que tu oublies quelques détails. Primo, si les représentants de ces AGE au CN ont affirmé que le processus que tu proposais était inacceptable, c'est sans doute que dans leurs AGE les militants sont assez d'accords avec cette ligne. C'est à dire, pour mettre les points sur les I, que les adhérents, réunis en AG, ont soutenu ou soutiendront cette position. Ou alors, les délégués au CN de ces AGE ont des soucis à se faire. Bref, je peux te garantir que si je ne remonte pas les cartes ce week-end (suspense, suspense...), c'est en total accord avec mon AGE. Je trouve ce discours assez gros quand même, mais comme disais l'autre, "plus c'est gros, plus cela passe", et faire passer les animateurs locaux de l'UNEF pour des bureaucrates est assez pitoyable, surtout quand on sait toi et moi que depuis quelques années, nous subissons une crise des vocations, et que prendre de telles responsabilités est devenu un véritable sacerdoce pour beaucoup. Surtout, en tant que membre du secrétariat national, tenir ce discours est gonflé quand vous êtes sourds et aveugles aux critiques qui remontent depuis des années. Tout le monde peut constater que les membres du secrétariat national (que toutes les organisations étudiantes mondiales nous envient) élus pour la plupart en 1998 au congrès de Pantin,n'ont pas remis à aucun moment leur mandat en jeu... En tant que démocrate, tu sais que la démocratie se caractérise par le respect de la durée des mandats... L'esprit de nos statuts est de ne pas dépasser les 18 mois, et on en est loin, ne serait-ce que par souci de renouvellement, de faire des bilans réguliers des directions. Sauf si tu considères que le 23 juin, à la fin des partiels, le truc que vous voulez organiser sera un congrès démocratique qui demandera vraiment aux adhérents de l'UNEF ce qu'ils pensent... 

Le fond du problème, c'est que tu sembles persuadé que la réunification, c'est un vrai débat de fond, même tel qu'elle est posée, et que les militants devraient être partagés sur cette question. J'ai l'impression que tu considères que toute AGE homogène sur cette question et opposée au processus est stalinienne dans sa direction car le débat devrait faire cliver les à l'intérieur des équipes. C'est oublier plusieurs choses : primo, les deux seules forces politiques de l'UNEF à soutenir cette démarche (les JCR et les communistes proches de Marie-Pierre), ne sont pas présents partout, loin s'en faut. De facto, le positionnement tactique n'a pas pu être relayé dans l'ensemble des AGE. Secondo, vu que le débat sur l'unité a été merdoyé, l'ensemble des adhérents neutres a quitté l'organisation ou ont rejoints notre camp. N'oublions pas qu'au débat, le positionnement de l'U-ID, et notamment de la GS (mais pas seulement), c'était "absorbons / éradiquons l'UNEF, cela fera un problème de moins". Ce discours a trouvé un relais favorable dans l'UNEF après les CROUS car la direction nationale, était à bout de souffle, ses dirigeants sans perspectives et souhaitant se retirer (Karine n'a-t-elle pas annoncée au CN de juin 1999 qu'elle souhaitait quitter ses responsabilités de présidente de l'UNEF, surtout après son entrée à la direction nationale du PCF ?). Alors, à titre transitoire, en fin de carrière, une place dans l'appareil de l'UNEF-ID, en tant qu'alliée de la majorité, pourquoi pas ? Rappelles-toi, ce n'est que lorsque la réunification a été enterrée que l'idée d'une recomposition étudiante a été avancée, pas avant, ou pas clairement. Le débat sur la refondation est récent, posé ainsi pour des raisons tactiques, et tu le sais très bien. C'est pour cela que les AGE qui soutiennent cette position correspondent à trois portraits-robots assez précis.
1-) je suis une AGE dont la direction est JCR depuis des années (ce qui n'est pas honteux, alors que l'affirmer c'est mal), je n'ai plus de perspectives dans l'UNEF depuis des années, surtout depuis qu'elle se plante électoralement, alors autant développer la TUD en recrutant des camarades en qui je n'ai pas confiance (normal, ils ne sont pas JCR) mais avec qui je suis assez d'accord sur quelques points, notamment sur la nécessité de pouvoir réaliser de grandes ambitions nationales.
2-) je suis une AGE qui n'existe que très peu ou plus, les réunions, si on les faisait, ce serait barbant, on serait de 1 à 4. De plus, on est assez feignants et on n'a aucune volonté de se mettre au boulot sur le terrain et de repartir à 0. Si en plus je suis un peu ambitieux, cela arrive, et que l'U-ID me fait un pont d'or (pour les 6 prochains mois), il faut que j'accepte.
3-) je suis une AGE qui existe ou qui se développe, mais la ligne c'est la ligne, et même si c'est de la merde et que je me casse l'an prochain, tant pis, un ordre c'est un ordre...

Dans ces conditions, Stéphane, quel intérêt de participer au congrès du 23 juin ? Renflouer vos caisses en utilisant les 60 000 Francs dont je dispose sur un de nos comptes en Suisse ? Où participer à une réunion dont l'ordre du jour et les débats ressembleront à ce pastiche (inspiré du dernier CN)  : 

Ordre du jour du congrès du 23 juin :  
9 heures à 11 heures 30 : accueil des délégués (prions pour qu'ils ne soient pas plus de 60 parce que sinon on risque de devoir sauter le repas).
11 heures 30 à 12 heures 30 : discours introductif  (rapide) de Karine : pourquoi dissoudre. Si vous êtes entre personnes de bonne compagnie, le rapport précisera combien la Majorité de l'U-ID vous propose de places au BN (et pour qui ?). Sinon, il faudra attendre plus tard.
12 heures 30 à 14 heures, repas.
14 heures à 19 heures : débat en pleinier sur le thème de l'unité. Imaginons les interventions : 
Cécile C de St-Etienne : "moi, l'unité, je trouve ça plus facile à faire avec l'U-ID qu'avec les étudiants de St-Etienne, parce que les étudiants de St-Etienne, je ne les vois que pendant les vacances quand je vais au cinéma, alors vous savez... Et puis de toute façon, pourquoi je suis venue aujourd'hui ? Il n'y a pas de méchants sectaires..."
Un copain de Marseille : "moi, avec l'U-ID, je ne partage rien, mais pour être élu, je suis prêt à signer n'importe quoi. Mieux vaut être élu sur une liste de l'U-ID avec un programme que je ne partage pas, que ne pas être élu du tout".
Un copain Tunisien : "nous en Tunisie, on est tous unis, alors faites comme nous, fondez une seule organisation : après tout, les divergences de fond et de pratiques, c'est pas bien grave. Vous pouvez avoir confiance en Karine, elle saura obtenir une représentation honorable dans le prochain BN".
Une copine du Mans : "j'ai pas vu, hors période d'élections, un étudiant depuis des mois ; mon AGE n'existe pas ; mais c'est pas grave, ce qui sera le plus dur, ce sera, dans la nouvelle organisation, de débattre alors qu'on sera minoritaires. Les copains, c'est pour cela qu'il faut rejoindre la tendance Majorité, car tous seuls, on pèse moins que "S'entraider", on sera minoritaires, et on a pas l'habitude. Comment on pourra continuer à faire tout ce qu'on voulait si on ne tient plus l'appareil ? Pour continuer à faire ce genre de choses, même si ce sera moins rigolo, il faudra obéir aux ordres de la tendance Majorité nationale". Etc, etc. 
19 heures : proclamation des résultats de la consultation : 67 réponses nous sont parvenues : 52 pour la dissolution, 2 contre, et 13 blancs et nuls. Karine pourra alors avec joie annoncer que l'UNEF est dissoute et que demain elle s'occupe de la nouvelle organisation. 

C'est pour cela que les contributions que je reçois, je ne les conserve que pour mes archives, car ces réflexions, torchées à la va-vite, ne sont qu'un alibi et veulent servir votre thèse qui est de dire, "regardez, on est des démocrates, on écrit des textes et on les fait circuler, c'est cool, non ? Bon, d'accord, il n'y a pas 50 adhérents qui en discuteront, et on s'en fout que les AGE n'en parlent pas, mais ils existent quand même nos textes, hein...". Il faut dire qu'une charte qui dit que l'enjeu du syndicalisme étudiant est de gagner des droits pour que les étudiants actuels, génération de la massification, réussissent leurs études, c'est novateur. Rappeler que le service public, c'est bien, était aussi nécessaire : cette idée est pertinente, surtout lorsqu'on fait abstraction de toute réflexion sur les licences pro... Rappeler le souci de la solidarité, c'est pas mal, ainsi que le souci d'une "démocratie participative" (maintenant vous allez faire des congrès où les directions pourront être remises en cause ?). Ce qui est novateur, surtout vis-à-vis des positions anciennes de l'UNEF, c'est la phrase "Construire l'Enseignement supérieur de la réussite pour tous s'inscrit dans le cadre de la construction d'une société progressiste, juste pour chacun d'entre nous". Cette phrase est intéressante car  elle sous-tend que vous défendez l'idée d'un syndicat facteur de transformation sociale, thèse que vous avez rejetés pendant des années (et d'ailleurs sous des prétextes fallacieux). Rien que cette phrase mérite un débat, mais va à l'encontre des positions que vous défendez depuis 5/6 ans : il faut rassembler et syndiquer le plus d'étudiants possible, sur n'importe quel thème, sans se préoccuper de leurs conceptions politiques et philosophiques. A mon avis, n'essayez pas d'expliquer votre retournement de position, ce sera compliqué. 

Il y a des phrases assez drôles : considérer que la clé de la réussite de la nouvelle organisation est "la participation active de l'ensemble des étudiants", c'est admettre que ce n'était pas le cas jusque là, où alors cette phrase sert à remplir du papier, et dans ce cas il n' y a pas de raison de considérer que le reste du texte n'est pas du même acabit. De même, le petit paragraphe sur la sécurité sociale est assez intéressant. Primo, il est de saison (même si on m'a expliqué à un CN qu'il était difficile de partager le projet de l'U-ID sur le mutualisme car trop dirigiste). Secondo, la suite est intéressante, car pour atteindre cet objectif  (le maintien de la LMDE ?), il faut "que chaque étudiant puisse apporter ses analyses, ses réflexions et ses propositions à l'ensemble des étudiants et des jeunes afin que chacun puisse y réfléchir, en débattre et en faire une revendication adoptée par chacun d'entre nous, une proposition d'action, ou une initiative" ; c'est de l'UNEF tout craché. Voici un beau résumé du néo-stalinisme : donner soi-disant à tous les moyens de débattre, dans le cadre de discussion le plus flou possible, en évitant les questions de direction (c'est mal, cela n'intéresse que les bureaucrates et les ambitieux ; de plus c'est bien connu que les individus qui composent les directions sont capables sans problème de mettre en place les orientations votées par la majorité lorsqu'ils ne les partagent pas). Le néo-stalinisme, c'est l'UNEF depuis quelques années, et le projet que l'on voudrait nous proposer : une direction indéboulonable, sans culture de l'alternance, qui s'appuie sur un débat sans cadre intellectuel, qui marginalise ou diffame tous ceux qui posent des questions sur les questions de direction, et qui peut "gouverner" sans se remettre en cause (je dois avouer que cela me rappelle d'autres organisations...). C'est une belle organisation que tu nous proposes : les militants débattent de tout et de rien, la direction fait ce qu'elle veut, et les opposants sont paresseux, sectaires et ambitieux.

Je passe sur les voeux pieux et les phrases cafés du commerce du style "En tant qu'individu en formation, l'étudiant a le droit aux meilleures conditions d'études et de vie, pour pouvoir se former et garantir le libre exercice des droits syndicaux et associatifs [...] . Nous nous engageons donc à ce que chaque étudiant puisse acquérir la meilleure formation possible pour s'intégrer dans le monde du travail au moyen d'un emploi stable qui reconnaît ses qualifications". C'est beau, qui n'est pas d'accord ? Bon, on ne précise pas comment on va arriver à ce résultât, mais c'est émouvant comme tout... De même, par la suite le texte affirme qu' "en tant qu'acteur de la société dans laquelle il vit (et en priorité à l'université), l'étudiant a le droit à la recherche de la vérité, de la justice, et à la liberté d'expression et d'action qui en est la première condition", (et si on commençait pas la démocratie dans son syndicat).

Le reste du texte est du même acabit : beaucoup de voeux pieux, aucune analyse sérieuse, pas de propositions concrètes, pas de stratégie syndicale clairement énoncée. Je conseille à tous la lecture de ces textes : cela nous permettra de définir ce qu'il ne faut pas faire.

Philippe Lieutaud
Président de l'AGEPS