[discussions] D'une scission a l'autre
Posté par Emmanuel Lyasse le 24/6.
piece jointe : TEXT/HTML
Je viens de trouver sur le site de Transfac cet article de Robi Morder (un
ancien de l'UNEF-ID qui, à ma connaissance appartient toujours à la LCR.
C'est un gage relatif d'objectivité) qui me semble de nature à éclairer
certains aspects du débat actuel, en particulier les questions que se posent
certains camarades sur la possibilité et les moyens de garder le nom UNEF.
EL
1971 : LA SCISSION DE L'UNEF La scission de 1971, qui donne naissance aux
deux organisations se référant au sigle Unef, ne constitue pas le début de
la division syndicale étudiante. Elle clôt au contraire une période de
division et de désyndicalisation que l¹on pourrait dater de la fin de la
guerre d¹Algérie. Retour sur un épisode souvent évoqué mais bien peu connu.
En effet, c¹est pour " punir " l¹Unef de sa prise de position algérienne,
qu¹en 1961 le gouvernement De Gaulle-Debré soutient la scission Fnef. Il lui
attribue trois sièges au Centre national des ¦uvres. Ces sièges sont enlevés
à l¹Unef dont, d¹ailleurs, la subvention d¹État est suspendue. Dès lors,
l¹unité de représentation syndicale étudiante est brisée, processus qui ne
fera que se poursuivre en s¹accentuant. Privés de " grain à moudre " - le
ministère refuse de recevoir l¹Unef et de discuter avec elle des
revendications étudiantes [1] - les militants syndicaux s¹orientent de plus
en plus vers l¹action politique contre le régime gaulliste. D¹ailleurs,
l¹offre politique est diverse à gauche : le PSU s¹est créé en 1961, l¹UEC,
qui réunissait des sensibilités diverses et à laquelle étaient d¹ailleurs
adhérents nombre de dirigeants syndicaux, éclate en 1965/1966. Ces départs
donnent naissance à des organisations comme l¹UJCML (maoïste) et à la JCR
(trotskiste) [2]. Parallèlement, la JEC, les étudiants protestants,
connaissent également crises et départs. La guerre d¹Algérie avait montré
que les étudiants pouvaient être acteurs, non seulement dans le champ
universitaire, mais dans le jeu politique national. Les étudiants, leur
mouvement, leurs organisations, devenaient dès lors un enjeu pour divers
forces et partis. Ainsi, privée de plus en plus de l¹efficacité de la
fonction syndicale (la responsabilité en incombe au gouvernement au premier
chef), l¹Unef allait connaître des débats politiques qui ne pouvaient plus
se mener au sein d¹organisations politiques traditionnelles " reprises en
main ". Elle était devenue par la force des choses le seul lieu possible de
confrontations. Mai 68 pouvait lui donner une nouvelle chance, le sigle Unef
était encore populaire et fédérateur aux yeux non seulement des étudiants,
mais de la population [3]. Mais - crise sociale et politique plus que simple
crise universitaire - Mai 68 va (malgré l¹existence de commissions d¹étude,
de réflexion, de réforme) accentuer la politisation de la partie la plus
active et militante des étudiants, pour qui le problème n¹est pas tant la
revendication immédiate et la réforme, mais le changement politique. C¹est
dans ce contexte qu¹intervient la scission de l¹Unef en 1971 [4].
De mai 68 au dernier congrès "unitaire" d'avril 1970
La direction de l¹Unef, qui échoit au PSU depuis 1967, a la volonté de
conserver à l¹Unef un caractère de masse mais explicitement à gauche. Elle
convoque à Grenoble en 1968 des assises en invitant les comités d¹action à y
participer. À l¹ordre du jour, un projet de nouvelle Charte (et le lieu des
assises, Grenoble, est symbolique), ainsi qu¹une discussion sur la réforme
des structures de l¹organisation étudiante. Il s¹agit en quelque sorte d¹une
refondation permettant de revivifier l¹Unef par l¹apport de nouveaux
militants issus de l¹expérience de Mai 68. Certes, débattre publiquement de
sa restructuration est dangereux car " son existence [de l¹Unef] peut être
remise en cause (...), mais cette procédure permet de mobiliser à la fois
les hommes et les idées du mouvement " [5]. Il en sera de même pour le
congrès qui se réunit à Marseille en décembre 1968. Ces modalités sont
critiquées par les courants UEC et AJS [6] qui, largement minoritaires et à
contre-courant dans le mouvement de mai préfèrent sans doute s¹en tenir au
fonctionnement régulier de l¹Unef dans lequel les rapports de force entre
appareils de tendances leur sont évidemment plus favorables. Ils dénoncent "
l¹entrée d¹éléments étrangers au syndicat ". Ainsi, Clarté [7] de décembre
1968 dénonce " la participation envisagée des comités d¹action aux côtés
d¹AGE régulièrement élues ". Le congrès de Marseille est d¹abord l¹occasion
d¹exclure les dernières AG " majos " qui restaient à l¹Unef : Paris
sciences, Paris médecine, pharmacie, Sciences-Po et Institut catholique qui,
en effet, " s¹étaient abstenues depuis plusieurs années de payer leurs
cotisations à l¹Unef " [8]. Quand l¹UEC quitte la salle du congrès pour
protester contre l¹invalidation de trois (9) de ses huit AGE, il reste alors
une quasi unanimité de délégués qui se prononcent pour le boycott étudiant
des élections aux conseils d¹université, instaurés par la toute récente loi
Faure. Pour le bureau national, le bilan du congrès est " positif sur
plusieurs plans : éviction hors de l¹Unef d¹associations qui n¹avaient plus
rien à voir avec l¹organisation, quasi unanimité sur la loi Faure, processus
amorcé de transformation de l¹Unef " [10]. L¹assemblée générale de l¹Unef
qui se réunit à Dauphine les 4 et 5 mai 1969 adopte la transformation
statutaire de l¹Unef [11]. Entre-temps, le paysage politique de l¹Unef s¹est
transformé. La plupart des comités d¹action, les étudiants de Rouge [12],
les maoïstes qui vont constituer la Gauche prolétarienne ont décidé de
quitter l¹Unef. Le bureau national PSU est désormais confronté, au sein d¹un
mouvement dont le nombre d¹adhérents baisse, à deux courants. Dès le 14
janvier 1969, Benoît Monier, au nom des huit AGE animées par l¹UEC, annonce
la décision prise de présenter " partout des listes de ³défense des intérêts
étudiants² et la création de ³Comités pour le renouveau de l¹Unef² " [13].
La rupture de la discipline syndicale pose le problème de l¹appartenance du
courant " Renouveau " à l¹Unef. Lors du collectif national de janvier, une
motion majoritaire indique qu¹un " choix devra être imposé aux élus
participationnistes, et si nécessaire leur exclusion prononcée " [14], alors
que les AGE AJS (Clermont-Ferrand, Beaux-Arts) y sont opposées car "
l¹exclusion est contraire au principe du droit de tendance dans le syndicat
". Mais quelques mois plus tard, lors de l¹assemblée générale de Dauphine,
la motion d¹exclusion présentée par Amiens, Rouen, Bordeaux, Caen est
minoritaire, le bureau national estimant " nécessaire de tenir compte de la
masse des étudiants trompés ou rejetés dans les bras du réformisme par nos
erreurs " [15]. Il est vrai que malgré l¹appel au boycott de l¹Unef, le taux
de participation aux élections avoisine les 50 %. Le congrès d¹Orléans, en
avril 1970, voit à nouveau un bureau homogène PSU s¹intitulant lui-même "
bureau de gestion de la crise " porté à la tête de l¹Union. Bien que
minoritaire (le rapport moral est rejeté par 597 voix pour et 1 099 contre),
il conserve la direction du syndicat car il est le seul point d¹équilibre
acceptable par toutes les fractions du congrès. Les mandats validés donnent
824 voix à la liste Chassine (PSU), 610 voix à la liste Sérac (AJS) et 304
voix à la liste Konopnicki (UEC). Quatre membres sont élus à la commission
de contrôle à l¹unanimité : Cascarano et Gentes (PSU), Sérac et Konopnicki.
Ces résultats du dernier congrès de l¹encore (relativement) unitaire Unef
seront ultérieurement au centre du débat politico-juridique. Deux ans après
Mai 68, l¹Unef compte donc 18 000 adhérents [16]. On est loin des 150 000
membres que souhaitait la direction du syndicat après Mai 68 [17].
La marche vers la scission
Le 18 octobre 1970, le collectif national réuni à Cachan blâme le bureau
national qui n¹a pas convoqué un collectif national en septembre ni édité
les nouvelles cartes Unef 1970/1971. Le collectif national condamne même le
bureau qui " se permet dans une conférence de presse de distinguer les bons
et les mauvais militants " [18]. Les cartes n¹étant toujours pas là le 19,
l¹AJS envoie une " délégation massive " occuper le siège de l¹Unef, rue
Soufflot. Le 20 octobre, c¹est au tour du courant Renouveau de venir
protester... mais il trouve porte close. En effet, le bureau national a
décidé de fermer les bureaux jusqu¹à nouvel ordre. Il faut dire que le PSU
sait qu¹il est minoritaire dans ce qui reste de l¹Unef, et sa direction
penche vers un abandon du syndicat. " L¹ensemble de ces difficultés avait
conduit les militants PSU restés au bureau national de l¹Unef et décidés à
maintenir la conception d¹une ³organisation de masse² étudiante, à retarder
la reprise des cartes Unef en octobre 1971. D¹où une situation totalement
incompréhensible de l¹extérieur et qui facilitait la propagande de
l¹Unef-Renouveau (PCF) et de l¹AJS " [19]. Le 22 octobre, l¹Unef-Renouveau
annonce qu¹elle va " informer les syndicats des enseignants, des
travailleurs de la situation qui existe à l¹Unef et qui est un frein à la
convergence des luttes ". Le bureau national accepte finalement de délivrer
les cartes par la poste, mais " nouvelle man¦uvre, ces envois se firent au
compte-gouttes " [20]. Michel Sérac, le 3 novembre, écrit au bureau national
: " Depuis deux mois vous maintenez fermés les bureaux de l¹Unef, vous
refusez la délivrance de cartes, plus exactement vous les délivrez aux
étudiants PSU ". Le 30 novembre, une réunion d¹étudiants du PSU semble
s¹orienter vers une exclusion de l¹Unef-Renouveau. Guy Konopnicki réagit et
demande la réunion de la commission de contrôle. Michel Sérac fait de même
se " réservant, en cas de refus, le droit d¹agir par tous les moyens
existants ". Le 5 décembre, plusieurs centaines de militants réunis à
Dauphine à l¹initiative de l¹AJS créent la " tendance Unité syndicale " pour
" préparer un congrès d¹unité et de lutte (...), combattre pour une nouvelle
direction dans l¹Unef " [21]. Le 15 décembre, la commission de contrôle est
finalement réunie par le bureau national, et un collectif national est
convoqué. Déjà le 10 décembre, dans Tribune socialiste (hebdomadaire du
PSU), Jean-Marie Vincent avait annoncé : " Il ne peut être question de
s¹accrocher à une ombre de pouvoir au sein de l¹Unef ou de s¹épuiser dans un
vain combat dans ses structures parlementaires ". Devant le collectif
national réuni le 10 janvier 1971, le bureau national annonce sa démission.
Une " délégation permanente " est mise en place pour remplacer le bureau
national démissionnaire et préparer un congrès annoncé pour les 21-22-23
février. Pluritendanciel, cet organisme provisoire est composé sur la base
des mandats... du congrès d¹Orléans : deux " Unef-Renouveau ", trois " Unité
syndicale " et quatre PSU. Mais le départ du PSU ne laisse plus en
face-à-face que deux tendances dont aucune ne peut symboliquement accepter
d¹être minoritaire par rapport à l¹autre.
1971 : LA SCISSION DE L'UNEF La scission est consommé: les deux UNEF à la
recherche de légitimation
Rouge peut ironiser : " Deux plaideurs trouvèrent un jour une huître sur
une plage... Ils se la disputèrent, nous raconte La Fontaine. Les étudiants
français voient aujourd¹hui deux plaideurs devant eux se quereller. L¹huître
dans l¹affaire, c¹est un hypothétique mouvement étudiant que les Unef -
l¹Unef-UEC et l¹Unef-AJS - veulent accaparer. Comme dans la fable, c¹est sur
un terrain formel et juridique que s¹affrontent les deux ennemis. ³Je l¹ai
vue le premier - Non ! elle est à moi². " Les statuts ne prévoyaient pas la
démission du bureau national. Dès lors, Unité syndicale allait se fonder sur
la légitimité du collectif national dans lequel elle était désormais
majoritaire, et sur sa décision de tenir le 59e congrès à Dijon (fief de
l¹AJS) du 21 au 23 février. Le courant Renouveau, de son côté, tente de
jouer la carte de la base. Une assemblée des comités d¹action est convoquée
par " un membre sur deux de la commission de contrôle [Konopnicki] et 69 CA
représentatifs de plus du tiers des structures ". Le 14 février, 125 comités
d¹action sur 230 représentant la " majorité des CA et des adhérents de
l¹Unef " convoquent à Paris le 59e congrès de l¹Unef. Parallèlement, une
autre assemblée de 140 comités d¹action avait de son côté, le 10 février,
ratifié la " légitimité " de la délégation permanente présidée par Michel
Sérac. Sur le plan institutionnel, de toute façon, la situation était
inextricable et la lecture du Journal officiel des mois précédents nous
apprend à chaque livraison la création de nombreux comités d¹action par les
uns ou les autres. Ainsi, deux congrès ont lieu qui se tiennent chacun dans
une ambiance sérieuse, de travail, sans longues séances de validations de
mandats puisque désormais séparés, chacun est tranquille chez soi. À Dijon,
la FEN, Force Ouvrière et la CFDT sont présentes, tandis qu¹à Paris, c¹est
la CGT et le Snesup. La CFDT se mettant hors de ce conflit [22], chacune des
deux Unef dispose d¹une légitimation propre du côté du syndicalisme de
salariés : Force Ouvrière et FEN [23] appuieront l¹Unef-Unité syndicale
comme contrepoids au Parti communiste, tandis que la CGT et le Snesup
soutiendront l¹Unef-Renouveau. Ce dernier front est d¹autant plus visible
dans les élections où ces organisations se présentent dans leurs collèges
respectifs. Vis-à-vis des pouvoirs publics, il s¹agit également d¹obtenir
une reconnaissance. L¹Unef-Renouveau appelle pour le 24 mars à une " journée
nationale d¹action pour l¹ouverture de négociations d¹ensemble " et demande
aux étudiants " d¹appuyer des délégations qui se rendront dans les rectorats
et à Paris au ministère " [24]. De son côté l¹Unef-Unité syndicale écrit une
lettre ouverte à M. Guichard (ministre de l¹Éducation nationale) pour se
plaindre : " Depuis plus d¹un mois, l¹Unef vous demandait une audience sur
les problèmes essentiels des étudiants ". L¹extrême gauche et le PSU avaient
quitté le syndicalisme étudiant. Un petit courant de militants de l¹Alliance
marxiste révolutionnaire tente bien de faire émerger un pôle " syndicaliste
révolutionnaire " qui prône l¹unité de l¹Unef et la participation aux
élections " pour le contrôle étudiant " ; mais la scission intervenue, cette
tendance refuse de choisir l¹une ou l¹autre des Unef malgré les avances qui
lui sont faites. Un courant socialiste " Unité, indépendance et démocratie "
se crée dans l¹Unef-US, tandis que l¹Unef-Renouveau rassemble les
communistes, certains socialistes du CERES (Chevènement), des radicaux de
gauche et les étudiants de la " Convention des institutions républicaines "
(club d¹un certain François Mitterrand qui prendra quelques mois plus tard
la tête du nouveau Parti socialiste). Ainsi, sur le plan politique, on a
l¹impression qu¹un an avant la signature du programme commun de l¹union de
la gauche, le découpage se fait chez les étudiants entre partisans et
adversaires du programme commun. La scission aura des prolongements
internationaux, l¹Union internationale des étudiants reconnaît
l¹Unef-Renouveau, l¹Unef-Unité syndicale interdite d¹UIE tentera de
regrouper un pôle d¹unions nationales (elle convoque une conférence
internationale avec la NSA américaine en mai 1971). La bataille pour la
légitimité se mènera aussi sur le front judiciaire. En réalité, on a deux
affaires qui se superposent. L¹ACES (corpo Paris sciences exclue en 1968)
avait engagé le 5 mai 1970 une action en justice pour que l¹Unef soit mise
sous administration judiciaire. Le 10 février 1971, le Tribunal de Grande
instance de Paris charge trois experts de l¹éclairer. Mais qui représentera
l¹Unef dans l¹affaire qui l¹oppose à l¹ACES ? Le 25 mars 1971, Konopnicki
(désormais président de l¹Unef " Provence " [25] demande au TGI de Paris de
prononcer l¹expulsion des " occupants " de la rue Soufflot. Le 2 avril,
Sérac (président de l¹autre Unef, dite " Soufflot ") demande au TGI
d¹interdire l¹utilisation du sigle Unef par Konopnicki et ses amis. Tous
deux se prévalent des statuts modifiés de 1969. Le 7 juillet 1971, le
Tribunal joint toutes les affaires et constatant que " ni l¹un ni l¹autre
des demandeurs n¹apporte au Tribunal les justifications lui permettant de
lui reconnaître la qualité juridique de représentant de l¹Unef ", rejette
les demandes respectives et sursoit à statuer dans l¹attente du rapport des
experts. Ces derniers avaient déposé un prérapport le 30 avril 1971 qui
constate : " L¹Unef, bien avant sa scission, était depuis fort longtemps
déjà en situation irrégulière ". En effet, reconnue d¹utilité publique en
1929, toutes modifications statutaires devaient recevoir l¹aval des
autorités de tutelle. Depuis, aucune modification n¹avait été agréée. La
dernière tentative en date, en avril 1967, avait abouti à un accord du
ministre de l¹Éducation nationale sous réserve de la suppression de
l¹article 2 réformé par le congrès de l¹Unef concernant " l¹organisation
d¹actions revendicatives " qui ne paraissait pas " relever de la compétence
d¹une association reconnue d¹utilité publique ". L¹Unef n¹ayant pas répondu,
elle " ne reçoit depuis plus de subventions ". Les experts notent ensuite
que " la vocation de l¹Unef a changé depuis l¹origine, et particulièrement
depuis la Libération et la guerre d¹Algérie. Les buts qu¹elle s¹est donnés,
l¹action qu¹elle a poursuivie ont évolué en même temps que la société
française et avec l¹augmentation du nombre des étudiants. C¹est un cadre
syndical que semble, en général, réclamer les étudiants ". Évidemment,
modifier les statuts supposerait de partir de... ceux de 1929 en convoquant
les AG affiliées de 1929 à 1967, de voter de nouveaux statuts et de les
soumettre ensuite aux associations membres et à l¹approbation du ministère.
Or, les statuts de 1929 prévoient une représentation en nombre égal par AG.
Cette procédure est difficile à suivre " d¹autant que les passions suscitées
par la loi Faure rendent difficile une telle régularisation ". Bien souvent,
ce prérapport a été présenté comme un jugement sous une forme tronquée. Les
experts concluaient bien " en droit et en fait il n¹y a plus d¹Unef ",
précisant toutefois " telle que l¹avaient voulu les membres fondateurs de
cette union d¹associations ", ce qui relativise évidemment le propos. C¹est
finalement en février 1978 que le rapport définitif est déposé. " Les deux
Unef sont des organisations distinctes, existant de fait l¹une et l¹autre,
selon des statuts identiques, poursuivant parallèlement mais par des voies
distinctes des objectifs de même nature (...). Maintenant ces deux
associations ont une représentativité reconnue, en particulier à l¹occasion
des consultations universitaires générales qui ont lieu de temps à autre ".
Les deux Unef ayant renoncé dès le 27 janvier 1977 à poursuivre leur action
en justice, et l¹ACES faisant de même peu après, c¹est le 29 juin 1979 que
la Cour d¹appel de Paris " constate l¹extinction des instances engagées
faute d¹objet ". Judiciairement, la scission est consommée.
Les conséquences de la scission
Ainsi donc, pendant plusieurs années, on assistera à un travail
revendicatif et syndical mené par des courants se réclamant de l¹Unef,
pendant que d¹un autre côté les grandes grèves seront animées en dehors des
syndicats, sous la forme de coordinations (1973, 1976...). Par ailleurs, la
scission aura des conséquences sur la mutuelle étudiante, la MNEF, qui
demeure unitaire mais s¹autonomise vis-à-vis de son organisation fondatrice
désormais éclatée. Il faut attendre la décennie 1976-1986 pour que
l¹ensemble des courants se " resyndicalise ". Les deux Unef abandonnent de
plus en plus une apparition et un langage de type politique et s¹ouvrent
au-delà de leurs fractions constitutives. Parallèlement, la création en 1976
du Mouvement d¹action syndicale est l¹occasion pour le PSU, puis pour la LCR
et ce qui reste de l¹extrême gauche, de revenir dans le champ syndical [26].
En retour, les syndicats ont admis - certes avec des nuances et des
pratiques diverses - que les luttes ne pouvaient plus être dirigées comme
autrefois par les simples organisations syndicales. En 1986, du moins
officiellement, l¹ensemble des syndicats étudiants reconnaît la légitimité
de la coordination contre Devaquet comme seule habilitée à organiser la
lutte et à discuter avec le ministère. De même, depuis 1981 [27], l¹ensemble
des organisations étudiantes participe aux élections universitaires, affirme
la nécessité de services (polys, maisons de l¹étudiant, " coop ", etc.). Si
en une vingtaine d¹années le mouvement syndical étudiant s¹est divisé et
sous-divisé, toutefois tous adoptent désormais un même répertoire d¹actions
- pétitions, élections, coordinations, services, négociations - et des
revendications qui vont dans le même sens : refuser la sélection, appuyer la
démocratisation. Ce sont donc d¹autres débats et d¹autres divergences qui
apparaissent, et qui paraissent plutôt liés à l¹opportunité d¹utiliser tel
ou tel mode d¹action, d¹avancer telle ou telle revendication. Mais là, nous
passons à l¹actualité.
Robi MORDER Chargé d¹enseignement à l¹Université Versailles-St-Quentin en
Yvelines, chercheur à la Bibliothèque de documentation internationale et
contemporaine (BDIC Nanterre). Président du Germe.
(1) Le 19 février 1963, l¹Unef organise grèves et manifestations contre le
refus du gouvernement de la recevoir. (2) Sans oublier les individus qui,
désormais " sans parti ", n¹en maintiennent pas moins la volonté d¹agir sur
le champ politique. (3) Sur l¹Unef en Mai 68, voir Alain Monchablon, "
L¹Unef et Mai 68 : le chant du cygne " in " 1968, exploration du mai
français ", L¹Harmattan, 1992, reproduit dans la Revue de l¹Université, n°
4, 1995. (4) Il s¹agit ici des résultats d¹une première recherche s¹appuyant
sur les documents d¹archives et de presse, ainsi que sur les actes de
procédure que nous avons pu consulter. Une étude plus développée fera
l¹objet d¹une publication ultérieure dans les " Cahiers du Germe ". (5) "
Unef¹Inform ", 20 juin 1968. (6) Alliance des jeunes pour le socialisme,
organisation de jeunes se réclamant de la tendance " lambertiste " du
trotskisme. (7) Journal de l¹Union des étudiants communistes. (8) Olivier
Nicot, " Les communistes et le 57e congrès de l¹Unef Est-Ouest ", n° 419,
1-15 février 1969. (9) Toulouse, Lille, Saint-Étienne. (10) Conférence de
presse du 15 janvier 1969. (11) La base sera désormais le comité d¹action
qui sera directement représenté au congrès, des coordinations locales de
ville désignant toutes les six semaines un délégué au collectif national qui
contrôlera un bureau national aux pouvoirs renforcés. Cette transformation
est adoptée 121 voix contre 28 abstentions, 11 refus de vote et 20 absents.
(12) Journal édité par la JCR dissoute par le gouvernement en juin 1968, et
qui sera l¹organe de la Ligue communiste. (13) " L¹Humanité ", 15 janvier
1969. (14) " Unef¹Inform ", n° 8, 17 avril 1969. (15) Rapport du bureau
national. (16) Il y a un mandat pour dix adhérents. Malgré les
invalidations, ce chiffre peut être retenu puisqu¹on peut estimer que les "
gonflements " de comités d¹action ou d¹AG validés compensent les invalidés,
et certainement pas les 30 000 adhérents revendiqués par le bureau national
à la veille du congrès (" Le Monde ", 3 avril 1970). (17) " Unef¹Inform ",
20 juin 1968. (18) " Unef¹Inform ", n° 1, 21 octobre 1969. (19) PSU
Documentation, " Mouvement révolutionnaire et université ", n° 42/44, 15
décembre 1972. (20) Alain Burgonde, " Les communistes, l¹Unef-Renouveau et
l¹Unef Est-Ouest ", n° 460, janvier 1971. (21) " Tribune syndicale ", n° 2,
janvier 1971.
(22) Elle continuera à appuyer le MARC (Mouvement d¹action et de recherche
critique) qui sera la colonne vertébrale du Mouvement d¹action syndicale en
1976. (23) La Commission administrative de la FEN qui se tient le 18 février
1971 donne d¹ailleurs lieu à un débat sur la question et approuve la
participation au congrès de Dijon. (24) " Unef informations ", nouvelle
série n° 1, 12 mars 1971. (25) Ses locaux sont situés rue de Provence. (26)
En 1980, le MAS et l¹Unef-US organisent un congrès de réunification qui
donne naissance à l¹Unef-ID. (27) Le boycott est abandonné par l¹Unef-US en
1975 pour les élections aux CROUS, et en 1982 par l¹Unef-ID, toutes
composantes confondues, en ce qui concerne les conseils d¹université et le
CNESER).