[discussions] POUR UN NOUVEAU BLOC HISTORIQUE SYNDICAL =?ISO-8859-1?B?yQ==?= TUDIANT
Posté par Vincent CHARBONNIER le 5/5.
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Militant « retraité » de l'UNEF, j'ai plaisir à constater l'émergence, par
courriels interposés, d'une discussion généralisée sur la situation de
l'organisation. C'est une nouveauté qu'il faut signaler et qui tient autant
à l'évolution technologique qu'à un changement objectif dans la culture
organisationnelle de la direction nationale de l'UNEF qui me paraît
symptomatique de la situation de crise qui prévaut actuellement. Cette
ouverture de la discussion est totalement inédite, et je n'ai aucun souvenir
d'une liberté de parole aussi large par le passé. C'est assurément un point
positif dont il faut immédiatement souligner la limite : toutes les AGE et
encore moins les syndiqués n'ont un égal accès à la toile et donc à la liste
de discussion, ce qui limite fortement la discussion à un cercle d'initiés,
qui peut toujours s'agrandir. Le point négatif, symptôme de l'actuelle
situation de crise de l'UNEF, réside dans le fait que cette ouverture de la
parole se lie à une déliquescence, non pas tant organisationnelle (on en a
l'habitudeŠ) que proprement politique : quelle orientation ? Ironie de
l'histoire, c'est aux élections du CROUS de 1998, dont les résultas furent
très mauvais que l'on peut assigner le début de cette déliquescence.
Cette absence d'orientation syndicale tient moins à son inconsistance qu'à
son inconstance, l'UNEF donnant l'impression de partir dans toutes les
directions. Exemple emblématique à cet égard, est le rapprochement avec
l'UNEF-ID, dont la MNEF devait constituer la dot implicite. À l'encontre des
ayatollahs de la pureté syndicale révolutionnaire, je ne récuse nullement
une réunification syndicale avec l'UNEF-ID, au contraire Tout dépend sur
quelles bases. Et il est certain, de ce point de vue, que la démarche qui
fut engagée l'an passé était largement improvisée et guidée par des
motivations extra-syndicales (Je renvoie sur ce point à mon texte L'amour du
mensonge diffusé sur la liste de discussion l'an dernier et que je vais
renvoyer pour rafraîchir la mémoire des plus jeunes).
Si on revient au présent, les résultats catastrophiques de l'UNEF aux
élections du CROUS doivent être véritablement compris, au pied de la lettre.
A cet égard, les critiques envers la campagne de l'UNEF-ID occultent le vrai
problème : balayons d'abord devant notre porte. Les résultats de l'UNEF aux
élections du CROUS attestent que :
1. L'UNEF ne représente plus auprès des étudiant-e-s les plus sensibles à
son discours syndical (ou pour le dire d'une expression que je n'aime pas
trop, les plus conscients politiquement) notamment axé sur la justice
sociale. Et ceci est d'autant plus paradoxal que, finalement, le discours de
l'UNEF-ID était tout entier fondé sur l'idée de la démocratisation de
l'accès à l'université, mais avec des propositions dont il aurait fallu
démasquer les approximations le caractère contre-productif. Ils ont certes
fait une campagne marketing, mais celle-ci a marché auprès des étudiants.
2. Le succès de l'UNEF-ID n'est donc pas uniquement lié aux gros moyens
qu'elle a pu déployé, qu'à la pertinence auprès du public étudiant
d'aujourd'hui de ses propositions. Et de cela il faut en tenir compte. On ne
peut, ni ne doit prendre les étudiants pour des idiots, et on doit au
contraire s'interroger pour comprendre pourquoi ce discours résonne aussi,
ou plus positivement que celui de l'UNEF auprès des étudiants, lesquels ne
se sont d'ailleurs pas massivement déplacés pour voter. Le meilleur
contre-exemple à ce propos est Nantes, où les camarades du CEN-UNEF ont fait
un vrai travail de terrain qui s'est notamment traduit par une progression
du CEN-UNEF, l'UNEF-ID restant majoritaire, mais en baisse. Attention, c'est
seulement un contre-exemple qui n'infirme ni ne confirme aucune
pseudo-règle.
3. L'enjeu pour l'UNEF et le mouvement syndical étudiant est donc, en
priorité de reconquérir l'hégémonie (Gramsci) (1) dans un milieu qui s'est
considérablement transformé depuis les glorieuses années de la grande UNEF.
Le principal problème (et enseignement) que je retire des élections aux
CROUS est toujours le plafonnement de la participation étudiante (valable
également pour les autres élections universitaires). Les conditions
matérielles de ces élections sont certainement à améliorer, la communication
sur les élections de la part des CROUS ayant déjà fait quelques efforts de
visibilité.
L'essentiel me paraît être ailleurs, dans la capacité à construire une
nouvelle hégémonie, active dans le milieu étudiant, qui finisse par faire
pièce à cette hégémonie passive qu'est le pseudo-consumérisme associatif des
corpos (Tonus, etc.). Cette reconquête passe par la reconquête d'un certain
nombre de prérogatives syndicales en milieu étudiant, que la (grande) UNEF a
abandonné et parfois perdu (Loi Faure) après 1968, particulièrement les
services de reprographie de cours. Alors que le milieu étudiant est
largement plus hétérogène qu'il y a trente ans, que le nombre d'étudiants
salariés a considérablement cru, faute d'aide sociale à la hauteur, ces
services deviennent vraiment primordiaux pour tous ces étudiants qui ne
peuvent poursuivre leurs études sans activités salariées, sont sous la coupe
des boîtes privés ou des corpos. Dans le même ordre d'idée, un grand débat
national, public et intersyndical (UNEF, UNEF-ID, SNESup, etc.) est à bâtir
au plus vite sur la question des formes d'enseignement universitaires
aujourd'hui.
Sur un plan organisationnel, je partage très largement le point de vue du
camarade d'Orsay (Joël Pascal), qui propose, non des règles, mais des
réflexions, qui rendent perplexes les camarades du SEUL, perplexité que
moi-même ne comprends pas, à moins qu'ils n'aient pas compris le texte de J.
Pascal, ce qui est au demeurant fort possible. J'y ajoute les excellentes
propositions et réflexions des camarades de Nantes (CEN-UNEF), qui ont
entrepris et entreprennent un vrai travail de rénovation syndicale, lequel
passe, je finirai ma contribution sur ce point, par une redéfinition des
rapports entre appartenance politique et travail syndical.
Autrement dit, il faut maintenir l'autonomie (auto-nomos, se donner ses
propres lois) du syndical par rapport au politique. Cela ne signifie
nullement, comme certains esprits pressés veulent l'entendre, qu'il faille
les cloisonner étroitement. Au contraire, cela signifie qu'il faut les
articuler, mais dans le respect de la spécificité de chacun, et donc ne pas
les mélanger. Concrètement, le problème est connu de tous, on est souvent
confronté à des équations malheureusement classiques : UNEF=PC et UNEF-ID=
PS lesquelles sont partiellement vraies et fausses. Cela suppose alors que
l'accès à tous les responsabilités au sein de l'Union, ne soient plus
subordonnées à des considérants politiques fâcheux d'appartenance à telle ou
telle organisation. Au reste, ce doit être l'un des éléments majeurs, le
noyau même de toute véritable réunification syndicale, dont l'urgente
nécessité s'impose encore plus aujourd'hui.
Car le renouveau mythifié en référence à la scission de 1971, est un cycle
qui vient de s'achever, c'est un fait, indéniable, dans la douleur. Il faut
sortir des ornières du passé, des divisions politiciennes dont la
préoccupation est d'élargir sa zone d'influence au sein du milieu étudiant,
espérant ainsi pourvoir à ses futurs cadres. Point n'est besoin de préciser
ce point, chacun trouvera des exemples récents ou non dans chacune des deux
UNEF. Comme quoi la parité cela existeŠ
Dernière chose enfin, ce fait de la discussion au sein de l'UNEF, dont j'ai
souligné la nouveauté, doit être institutionnalisé dans le fonctionnement
même de l'organisation, si on ne veut pas que la démocratie et la discussion
n'existent qu'en période de crise. Il doit être possible, comme cela se fait
très bien dans le syndicalisme enseignant depuis le choix de « l'autonomie »
en 1948, que les divergences des points de vue et des orientations
syndicales soit débattues, non pas au café en interruption de séance, non
pas en CN par exemple en improvisant une intervention orale, non pas en
griffonnant un amendement à la va-vite sur un coin de table dans l'urgence,
mais en prenant le temps de rédiger un point de vue argumenté, seule base
d'une discussion valable et cohérente : pas de démocratie sans
argumentation.
Bien qu'ancien militant d'active j'espère avoir positivement contribué à la
discussion. Je guette donc avec impatience vos réactions
Vincent Charbonnier
Contractuel & doctorant en Philosophie
(1) Ne pouvant développer ce point ici je renvoie au Dictionnaire critique
du marxisme, sous la direction de G. Labica. Paris : PUF, 1985,
particulièrement aux entrées suivantes : « Hégémonie » et « Bloc historique »