Répondre à ce message - retour au sommaire de la page  

[discussions] =?iso-8859-1?Q?Le_Soir_de_Bruxelles_du_7_novembre_:_La_d=E9ception_des_?= =?iso-8859-1?Q?d=E9mocrates_tunisiens_vis_=E0_vis_de_l'Europe?=

Posté par Anthony Whitney le 7/11.

piece jointe : TEXT/HTML
Date : mercredi 7 novembre 2001 13:18
Objet : Le Soir de Bruxelles du 7 novembre : La déception des démocrates tunisiens vis à vis de l'Europe




http://www.lesoir.be/articles/A_01DAB6.asp

Le Soir du mercredi 7 novembre 2001  





La déception des démocrates tunisiens

ANALYSE

BAUDOUIN LOOS
Les Quinze avaient choisi le paradigme tunisien pour servir de vitrine au processus de Barcelone. Habilement, le régime du président Zine el-Abidine Ben Ali avait saisi la perche : dès 1995, l'accord d'association était signé, le premier du genre, et, depuis, l'Europe vante le « modèle tunisien ». Seulement voilà, outre que les résultats économiques satisfaisants ne font, selon des opposants, pas l'unanimité, un petit détail pose problème : la Tunisie - qui s'enorgueillit d'œuvrer à une cadence soutenue en vue de faire progresser sans cesse le processus démocratique et consolider les droits de l'homme (dixit Ben Ali, le 20 mars) - se révèle l'un des pays méditerranéens où ces droits de l'homme sont constamment bafoués avec le plus grand zèle 

Après les islamistes et les gauchistes, le régime s'en était pris avec férocité aux défenseurs des droits de l'homme ces dernières années. Mais deux épisodes viennent d'ébranler la superbe du pouvoir. Ce fut d'abord l'affaire Yahiaoui, nous raconte Sihem Bensédrine, journaliste elle-même récemment sortie de prison et qui, contre toute attente, a pu sortir de Tunisie et se rendre à Bruxelles. Mokhtar Yahiaoui est ce juge qui s'est soudainement dressé, l'été dernier, pour clamer que l'indépendance de la justice n'existait pas en Tunisie, défiant la « vérité » officielle. Un coup dur car il venait de l'intérieur du système. Puis, tout récemment, voilà que même un Kamel el-Taïef - avant sa disgrâce de 1993, l'un des plus proches de Ben Ali avec qui il avait fait le « coup d'Etat en douceur » qui fête ses 14 ans ce mercredi - a fait des déclarations tonitruantes au « Monde », à Paris le 29 octobre. Rentré à Tunis lundi, il a é té arrêté.

« C'est une mafia, liée à la famille du chef de l'Etat, qui dirige le pays »
Les déclarations d'el-Taïef valaient leur pesant d'or, venant d'un « expert » : Je suis contre toute la clique au pouvoir à Tunis, avait-il dit. C'est une mafia, liée à la famille du chef de l'Etat, qui dirige le pays et Ben Ali laisse faire. Les Tunisiens sont mécontents du manque de liberté. Le développement de la corruption les scandalise.

Aucune révélation, là-dedans, bien sûr, mais l'apparition d'un gêneur car el-Taïef avait auparavant été l'hôte de l'ambassadeur des Etats-Unis... après quoi des « inconnus » avaient saccagé sa voiture sous ses yeux, un genre d'intimidation banal. Son procès a déjà été fixé au 14 novembre.

Cette nouvelle affaire confirme une détérioration du climat mal venue pour le pouvoir, assure Sihem Bensédrine : elle survient alors que, tous les jours, la presse tunisienne publie des pages entières d'appels divers pour que Ben Ali soit candidat à un quatrième mandat présidentiel en 2004, qui serait anticonstitutionnel car seuls trois mandats sont autorisés. Mais les Tunisiens savent qu'une constitution, cela se modifie. Ben Ali s'est en tout cas dit très touché par l'appel de son parti, le RCD, pour qu'il se représente...

Notre consœur se réjouit toutefois que, depuis plus d'un an, une certaine société civile montre les signes d'une renaissance, avec le refus grandissant de se taire (plusieurs pétitions ont circulé cette année, avec la signature de nombreux intellectuels, par exemple). Le monde culturel, universitaire, économique même, bouge, dit-elle. Des manifestations estudiantines aux cris de « Treize ans de dégâts, Ben Ali dégage-toi » ont d'ailleurs été réprimées il y a peu à Tunis et à Monastir, selon nos sources.

Il s'agit en effet de s'accrocher : voici quelques cas de harcèlement typiques. Mohamed Moadda, qui avait cru pouvoir faire de l'opposition réelle et non de façade, s'est une nouvelle fois retrouvé embastillé, la liberté conditionnelle dont il bénéficiait depuis... 1996 ayant subitement été annulée. Lassaad al-Jouhri, dont un frère ex-dirigeant de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) décéda en détention en 1995, a été agressé le 19 octobre par des « inconnus » en pleine rue, alors que de précédentes tortures subies en prison l'avaient déjà laissé handicapé. Me Béchir Essid, bâtonnier de l'ordre national des avocats, a vu, lui, son cabinet mis à sac le 26 octobre. Enfin, le médecin Moncef Marzouki, ex-président de la LTDH, est interdit de travail depuis un an. Empêché de se rendre à Paris, où un poste l'attend à l'université, il vit en permanence avec deux policiers aux basques.

Et l'Europe ? Elle constitue la grande déception des démocrates tunisiens. Ben ali ne réussit même pas à sauver les apparences, mais Bruxelles ne lâche pas sa dictature, juge Sihem Bensédrine. L'Europe sauvegarde ses intérêts, sa vitrine de Barcelone, et pourtant, les Européens savent très bien ce qui se passe. Même les ambassades européennes se désintéressent de nous. Certaines, comme la belge, nous invitaient souvent, mais depuis quelques mois, c'est le silence radio. Pourquoi ?·

Retour au début de l'article

© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2001



--------------------------------------------------------------------------------
Téléchargez MSN Explorer gratuitement à l'adresse http://explorer.msn.com