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Posté par Anthony Whitney le 9/11.

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Le Monde, 08/11/01
Le chef de l'Etat tunisien annonce une réforme "fondamentale" de la Constitution 
Dans un discours prononcé, mercredi 7 novembre, pour le 14e anniversaire de son arrivée au pouvoir, le président Zine el-Abidine Ben Ali a annoncé une réforme "fondamentale" de la Constitution pour "consacrer le pluralisme" lors de l'élection présidentielle de 2004. Une modification de la Constitution pour permettre au chef de l'Etat de briguer un quatrième mandat est quasi certaine, selon l'opposition. 

Dans le discours qu'il a prononcé mercredi 7 novembre, à l'occasion du 14e anniversaire de son accession au pouvoir, le président Zine el-Abidine Ben Ali n'a pas soufflé mot de ses intentions pour 2004, l'année de la prochaine élection présidentielle. Il n'a notamment pas évoqué le projet, que lui prête l'opposition, de modifier la Constitution, pour lui permettre de solliciter un quatrième mandat, possibilité qui lui est actuellement interdite.

Le chef de l'Etat, qui s'exprimait devant quelque 5 000 personnes enthousiastes, s'est contenté, à la fin de sa longue intervention, de dire combien il avait été "profondément impressionné et touché" par les "expressions de fidélité que les Tunisiennes et les Tunisiens, toutes sensibilités et catégories confondues, m'ont manifestées tout au long de la période écoulée, et dans l'appel qu'ils m'ont lancé pour que je continue d'assumer les hautes charges du pays".

En revanche, le chef de l'Etat a annoncé une prochaine réforme "fondamentale" de la Constitution avec, pour objectif, de "consacrer le pluralisme lors des prochaines élections présidentielles". Il s'agira, a-t-il ajouté sans davantage de précision, "d'accomplir un bon en avant qualitatif dans notre système politique (…) et de préparer la voie de la République de demain." Depuis plusieurs jours, la presse pro-gouvernementale se fait l'écho d'appels au président Ben Ali, 63 ans, pour qu'il présente sa candidature en 2004. Tout ce que la "Tunisie profonde" compte d'associations sportives, professionnelles ou folkloriques se retrouve dans les colonnes des journaux pour presser le chef de l'Etat de briguer un nouveau mandat "dans la mesure où il représente le seul garant de la pérennité du climat de sécurité et de stabilité" dont jouit le pays. Le comité central du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti du président, avait fait de même, fin septembre et parlé de "mandat de reconnaissance". Seule l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), le syndicat unique du pays, ne s'est pas encore joint à l'appel. Ce devrait être chose faite en février, à l'occasion de son prochain congrès.

La réforme constitutionnelle annoncée mercredi par le chef de l'Etat s'inscrit probablement de sa part dans une stratégie préélectorale. A l'heure actuelle, en effet, la Constitution barre la route à tout adversaire du président Ben Ali dans la mesure où, pour faire acte de candidature à la magistrature suprême, il faut réunir trente signatures de parlementaires ou de maires. Or, personne n'est en mesure de les réunir : éparpillée entre différentes chapelles, l'opposition légale, toutes étiquettes confondues, dispose de 31 sièges au total et ne contrôle pas une seule municipalité. Déjà confronté à ce problème en 1999, lors de l'élection présidentielle précédente, le chef de l'Etat avait tourné la difficulté : une modification de la Constitution avait, à titre exceptionnel, assoupli la procédure et autorisé les secrétaires généraux des formations politiques représentés au Parlement à se présenter. Du coup, le président sortant avait "affronté" deux autres opposants. Sans grand risque puisque le chef de l'Etat l'avait emporté avec plus de 99 % des suffrages.

Il est probable que la modification de la Constitution annoncée mercredi visera à élargir le nombre des candidats à la présidentielle de façon à crédibiliser un tant soit peu le scrutin de 2004. D'ores et déjà, Mounir Béji, le président d'une petite formation politique, le Parti social-libéral (PSL), s'est porté candidat, tout comme avant lui l'un des opposants les plus tenaces au régime, le docteur Moncef Marzouki. Mais ce dernier ne pouvant s'appuyer sur aucun parti reconnu n'a pas la moindre chance de pouvoir se lancer dans la course à la présidentielle.

Outre un assouplissement des règles qui encadrent les candidatures à la présidentielle, la réforme constitutionnelle annoncée par le chef de l'Etat pourrait, selon certaines sources, s'accompagner de l'adjonction d'un préambule consacré aux droits de l'homme et aux libertés. Il faut accorder "aux droits de l'homme et aux libertés, dans l'universalité et la globalité de leurs principes, et dans la complémentarité et l'interdépendance de leurs dimensions, une place particulière dans le texte de la Constitution", a dit le président dans son intervention.

Mais l'essentiel est ailleurs, dans l'abrogation indispensable de l'article 39 de la Constitution, qui, à l'heure actuelle, interdit au président de solliciter un nouveau mandat. Plutôt que de consulter le peuple par référendum, la voie parlementaire, dénuée de tout risque pour le régime, sera sans doute retenue.

Jean-Pierre Tuquoi