Historique du mouvement syndical Žtudiant ˆ Lyon et en France
Sommaire
PRESENTATION DU MILIEU ET DU SYNDICALISME ETUDIANT A LYON
Chapitre I. De lA.G.E.L. affiliŽe ˆ lU.N.E.F., ˆ lA.G.E.L.-U.N.E.F. en passant par lU.N.E.F.- Renouveau : le temps des recompositions du syndicalisme Žtudiant ˆ Lyon 1968-1971.
I. De la crise ˆ la scission de lU.N.E.F. : le cadre national 1965-1971.
III. Une fondation sur des bases syndicales et sur lacceptation de la cogestion.
Chapitre 2. Milieu Žtudiant et syndicalisme Žtudiant face ˆ la " massification " de lEnseignement SupŽrieur et ˆ la crise de lUniversitŽ : 1971-1994.
I. Une UniversitŽ en proie ˆ la " massification " de lEnseignement SupŽrieur.
II. Des rŽformes nombreuses sources de conflits et de mouvements Žtudiants.
III. La place de lA.G.E.L-U.N.E.F au sein du mouvement Žtudiant.
La scission de lUnion Nationale des Etudiants de France en fŽvrier 1971 cl™t, pour lU.N.E.F, une pŽriode de division et de fractionnement engagŽe depuis la fin de la guerre dAlgŽrie. En effet, ds 1961, le gouvernement DebrŽ encourage, puis reconna”t, la dissidence et la crŽation de la F.N.E.F (FŽdŽration Nationale des Etudiants de France). Il souhaite ainsi " punir " lU.N.E.F pour ses prises de position trs engagŽes et progressistes sur le problme algŽrien.
Cependant, la scission de 1971 ne met pas un terme ˆ lŽclatement de la reprŽsentation syndicale Žtudiante. De 1971 ˆ 1996, un phŽnomne dŽmiettement toujours plus prononcŽ du mouvement Žtudiant se poursuit sans que rien ne vienne lentraver. Le Plan Social Etudiant de Lionel Jospin, alors ministre de lEducation Nationale, favorise au contraire le regroupement des multiples associations Žtudiantes locales au sein de nouvelles structures nationales.
Lopposition entre les conceptions opposŽes du syndicalisme Žtudiant, entre les visions diffŽrentes de la reprŽsentation Žtudiante (P.D.E refuse de se concevoir comme un syndicat Žtudiant et revendique une vision corporatiste de la reprŽsentation Žtudiante), entre les clivages politiques favorise un Žclatement du mouvement Žtudiant :
á 1971 : Scission de la " grande U.N.E.F " et crŽation de deux branches distinctes et rivales, cest ˆ dire lU.N.E.F-Renouveau (qui redevient dŽs 1971 lU.N.E.F) et lU.N.E.F-UnitŽ Syndicale.
á 1975 : CrŽation du CLEF (ComitŽ de Liaison des Etudiants de France) rassemblant surtout des corpos de Droit et de MŽdecine, et du CELF (ComitŽ des Etudiants LibŽraux de France) ˆ forte obŽdience giscardienne.
á 1976 : La C.F.D.T investit le syndicalisme Žtudiant en soutenant la crŽation du Mouvement dAction Syndicale, qui se veut une passerelle entre les deux U.N.E.F. Dans le mme temps, le Parti Socialiste, rŽunifiŽ depuis peu, tente lui aussi de rŽintŽgrer le terrain du syndicalisme Žtudiant avec le C.O.S.E.F (ComitŽ dOrganisation pour un Syndicat des Etudiants de France), mais Žchoue rapidement.
á 1980 : LU.N.E.F-UnitŽ Syndicale et le M.A.S fusionnent dans une nouvelle entitŽ : lU.N.E.F IndŽpendante et dŽmocratique.
á 1989 : La fondation de la F.A.G.E (FŽdŽration des Associations GŽnŽrales dEtudiants) au congrs de Strasbourg en 1989 est une consŽquence du Plan Social Etudiant de L. Jospin. Plus gestionnaire que revendicative, elle simplante rapidement dans 25 villes universitaires et demeure desprit plut™t conservateur, puisquelle dŽfend le maintien des traditions estudiantines comme la faluche.
á 1990 : CrŽation du Renouveau Etudiant par Carl Lang, secrŽtaire gŽnŽral du Front National. Appendice du F.N ˆ lUniversitŽ, il demeure ˆ lŽtat de groupuscule.
á 1994 : Scission de la F.A.G.E : des Žtudiants de Droit, de Sciences Economiques et Politiques quittent la F.A.G.E et fondent P.D.E.
á 1996 : CrŽation de Sud-EtudiantEs, issu du mouvement de novembre-dŽcembre 1995.
La scission de lU.N.E.F en 1971 appara”t comme une pŽripŽtie parmi les autres dans lhistoire agitŽe du syndicalisme Žtudiant. Le paysage syndical Žtudiant est en recomposition permanente. Pourtant, la scission de lU.N.E.F en 1971 reste lobjet de lattention des historiens . Plusieurs raisons expliquent cet intŽrt : la plupart des crŽations, cest le cas du CELF, du CLEF, du C.O.S.E.F, du Renouveau Etudiant sont des structures ŽphŽmres et/o sans grand impact sur le milieu Žtudiant. De plus, la scission marque la fin dune Žpoque, dun symbole, voire mme dun mythe pourtant dŽjˆ bien ŽbrŽchŽ : la " grande U.N.E.F ". Enfin, en dŽpit de laffaiblissement consŽcutif ˆ la scission, les deux branches de lU.N.E.F vont dominer le paysage syndical Žtudiant jusquˆ nos jours.
A Lyon, jusquau milieu des annŽes 80, un syndicat Žtudiant puissant rena”t de ses cendres. Il va dominer le mouvement Žtudiant lyonnais pendant une quinzaine dannŽes avant de pŽricliter. Issu de lU.N.E.F-Renouveau, il influence le milieu Žtudiant lyonnais de sa crŽation en 1971 ˆ sa disparition en 1994. Le syndicalisme Žtudiant possde dŽjˆ ˆ Lyon ses lettres de noblesse et une riche histoire. En effet, lA.G.E.L, affiliŽe ˆ lU.N.E.F, joue un r™le considŽrable dans la rŽnovation de lorganisation Žtudiante, moribonde et discrŽditŽe, issue de la guerre. Forte de 7200 adhŽrents en 1946 (soit les 2/5 des effectifs de lU.N.E.F, qui compte 18 000 adhŽrents), elle est ˆ lorigine de la Charte de Grenoble de 1946, texte constitutif de lU.N.E.F. Fortement inspirŽe par la Charte dAmiens, texte fondateur du syndicalisme ouvrier franais, elle donne trois dimensions ˆ lŽtudiant : jeune, travailleur, intellectuel et transforme lU.N.E.F en syndicat. AppuyŽe par les A.G.E de Toulouse et de Paris-Lettres, elle est ˆ lorigine du projet dAllocation dŽtudes adoptŽ en 1950 au congrs dArcachon. Enfin, lA.G.E.L est ˆ lorigine de la " minos ", groupe minoritaire de lU.N.E.F au dŽbut des annŽes 50 et de lengagement anticolonial de lU.N.E.F adoptŽ en 1950.
Mais, si un certain nombre de recherches nationales ou locales ont ŽtŽ consacrŽes ˆ la scission et surtout aux pŽriodes prŽcŽdant la scission, trs peu se sont penchŽes sur lŽvolution des deux ramifications de lU.N.E.F aprs 1971. Comment expliquer labsence, ou presque, de travaux sur lhistoire de lU.N.E.F ou de lU.N.E.F-UnitŽ Syndicale aprs 1971 : pŽriode jugŽe trop contemporaine ? dŽdain des historiens envers une pŽriode qui appara”t bien p‰le par rapport ˆ celle de la " grande U.N.E.F " ? difficultŽs pour trouver de la matire exploitable et accessible ?.
PRESENTATION DU MILIEU ET DU SYNDICALISME ETUDIANT A LYON
En dŽpit de sa prŽsence quotidienne sur les campus, le syndicalisme Žtudiant est trs mal connu des Žtudiants. Peu nombreux sont aujourdhui les Žtudiants qui connaissent la vŽritable signification du sigle U.N.E.F. ou du simple terme dA.G.E . Cest pourquoi il convient de sattarder quelque peu sur le syndicalisme et le milieu Žtudiant.
De par limportance prise par la scission de lU.N.E.F. en 1971 dans le paysage syndical lyonnais, nous devons dŽcrire, assez succinctement malheureusement, les ŽvŽnements qui aboutissent ˆ la crŽation de lA.G.E.L-U.N.E.F en fŽvrier 1971. Avant 1971, le mouvement Žtudiant demeure, en dŽpit de la scission de la F.N.E.F., relativement uni sous lŽgide de lU.N.E.F. En lespace de trois ans, le paysage syndical Žtudiant se recompose compltement et aboutit ˆ la naissance de trois organisations syndicales Žtudiantes : lA.G.E.L., lA.G.E.L-U.N.E.F. et lU.G.E.L-U.N.E.F. Il convient donc de sinterroger sur les particularitŽs de la " scission " de lU.N.E.F. ˆ Lyon et des bases sur lesquelles se fait la crŽation de lA.G.E.L-U.N.E.F.
Cependant, le syndicalisme Žtudiant ne peut pas tre coupŽ artificiellement du milieu Žtudiant, duquel il est issu. En effet, des interactions existent entre le milieu et le syndicalisme Žtudiant. Tous deux sont confrontŽs de 1971 ˆ 1994 ˆ deux phŽnomnes : la " massification " de lEnseignement SupŽrieur et la crise de lUniversitŽ. Le monde Žtudiant conna”t, durant ces 24 annŽes, une progression numŽrique continue. Cette croissance ne se fait pas sans difficultŽs, crises, qui se traduisent par des mouvements Žtudiants auxquels participe activement lA.G.E.L-U.N.E.F. Une attention particulire doit donc tre accordŽe ˆ lŽtude des diverses crises qui secouent le monde Žtudiant et ˆ la place de lA.G.E.L-U.N.E.F. au sein des mouvements Žtudiants.
Chapitre I. De lA.G.E.L. affiliŽe ˆ lU.N.E.F., ˆ lA.G.E.L.-U.N.E.F. en passant par lU.N.E.F.- Renouveau : le temps des recompositions du syndicalisme Žtudiant ˆ Lyon 1968-1971.
I. De la crise ˆ la scission de lU.N.E.F. : le cadre national 1965-1971.
Le congrs de Bordeaux en 1965 fait Žclater au grand jour la faillite de la gauche syndicale et de lorientation syndicaliste-rŽvolutionnaire. Cette orientation, pr™nŽe par les Statutaires (Tendance de la gauche syndicale, elle-mme tendance de la mino), estime possible lexistence dun syndicalisme Žtudiant rŽvolutionnaire ayant sa propre stratŽgie et indŽpendance vis ˆ vis des partis de gauche. Cependant, aucune autre orientation ne se dŽgage et ne prend la relve. Les statutaires (tendance du courant mino au sein de lU.N.E.F.), tirant les leons de leur Žchec, tentent dimposer leur projet ˆ lU.N.E.F., tout en renonant ˆ la diriger. A linverse, les A.G.E. de Province demeurent silencieuses et ne prŽsentent pas de projet alternatif. Cest en particulier le cas des quelques A.G.E. dirigŽes par des militants communistes : Lille .Face ˆ cette situation de blocage, le congrs sŽternise et perdure bien au-delˆ de ses dates initiales, sans trouver un compromis ou une solution. Finalement, les dirigeants de la FŽdŽration GŽnŽrale des Etudiants de Lettres (F.G.E.L.) ouvrent une porte de sortie en proposant un " plan de travail ", cest ˆ dire un " catalogue " de revendications ˆ la fois universitaires, sociales et culturelles. Mais surtout, le nouveau bureau restreint volontairement son r™le et se cantonne dŽsormais ˆ un simple r™le de coordination, en particulier dans le domaine de la propagande. Les projets thŽoriques de la gauche syndicale (renouveau offensif du syndicalisme, rapport de force direct avec lEtat, politique visant ˆ pousser au maximum les contradictions qui traversent le systme universitaire ) sont provisoirement gelŽs en prŽvision de jours meilleurs.
Le Bureau National prend comme principal objectif la " reconstruction technique " de lorganisation. En effet, lŽtat de lU.N.E.F., en particulier dans le domaine financier, est inquiŽtant et problŽmatique : dettes importantes ( elles atteignent les trois-quarts de son budget annuel), non-paiement des cotisations par des A.G.E., affaiblissement numŽrique (moins de 50 000 adhŽrents selon A.Monchablon), dŽclin des publications, renouvellement difficile des dirigeants, perte dA.G.E. minos au profit des majos (AGEMP, Sc Po Paris, Institut catholique).
La nouvelle politique, considŽrŽe et assumŽe comme un " retour ˆ droite " par le nouveau bureau, offre un bilan contrastŽ : certes, une indŽniable diminution de lendettement permet de pŽrenniser, dassurer la survie de lorganisation. Mais le bilan politique sonne davantage comme un Žchec : incapacitŽ ˆ lancer des campagnes revendicatives contre les rŽformes gouvernementales de 1965, ˆ gŽnŽrer au sein mme du syndicat une nouvelle gŽnŽration de militants et de responsables (un certain nombre de postes demeurent inoccupŽs au BN), exacerbation des divisions politiques (lors de lA.G. de fŽvrier 1966, six textes dorientation contradictoires sont proposŽs). Enfin, le score rŽalisŽ par F.Mitterrand ˆ lŽlection prŽsidentielle de 1965 met en accusation ce qui reste de lorientation syndicaliste-rŽvolutionnaire du bureau national. En effet, seule lU.N.E.F. refuse ˆ gauche en mars 1965 dappuyer lidŽe dune candidature unique face ˆ De Gaulle aux Žlections prŽsidentielles, et donc de soutenir F.Mitterrand. La situation de lU.N.E.F. ˆ la veille du congrs de Grenoble est celle dune organisation en dŽclin : baisse du nombre dadhŽrents, effacement du programme syndical, isolement politique ˆ gauche.
Le congrs de Grenoble, en avril 1966, ouvre une pŽriode, un intermde qualifiŽ de " centriste ". Le congrs est tout dabord marquŽ par deux Žvolutions internes :
Toutefois, cette Žvolution est momentanŽment contrecarrŽe par la naissance dune coalition du " centre " dŽcidŽe ˆ poser sa candidature ˆ la direction de lU.N.E.F. ElaborŽe difficilement, elle se compose principalement de lA.G.E. de Lille et du cartel des ENS. Elle dŽveloppe une orientation modŽrŽe dans ses objectifs et ses formes daction, et pr™ne un rapprochement avec les " forces dŽmocratiques ". Il sagit donc dun vŽritable retour du syndicalisme Žtudiant dans son r™le traditionnel : les luttes universitaires sans heurter lEtat centralisateur. Elle rompt dŽsormais avec les idŽes du syndicalisme-rŽvolutionnaire, et en particulier avec celle dun syndicalisme Žtudiant rŽvolutionnaire autonome dans ses stratŽgies. LU.N.E.F. rŽaffirme cependant son indŽpendance dans son domaine privilŽgiŽ, cest a dire le terrain universitaire. Cette orientation, difficilement adoptŽe par le congrs, doit rechercher la " neutralitŽ bienveillante de la gauche syndicale ", qui accepte en participant au bureau national.
Cependant, la nouvelle orientation Žprouve des difficultŽs ˆ franchir le cap de la rentrŽe universitaire 1966-1967. LU.N.E.F. conna”t ˆ nouveau des difficultŽs financires, tandis que le B.N. savre incapable dassurer la rentrŽe revendicative. Les Žchos de la rŽvolution culturelle chinoise achvent le fragile Ždifice issu du congrs. En effet, les responsables de lENS se convertissent au marxisme-lŽninisme, fondent lU.J.C.M.L., et renoncent ˆ lutter contre le plan Fouchet, ˆ dŽvelopper des objectifs revendicatifs. En janvier 1967, le B.N. dŽmissionne.
La dŽmission du B.N. en janvier 1967 va permettre une prise de pouvoir par le P.S.U., et ouvrir une nouvelle re : la prise de contr™le du syndicat Žtudiant par des groupes politiques.
A lorigine, le P.S.U. ne dispose pas vŽritablement de ligne directrice dans lU.N.E.F. : ses adhŽrents se rŽpartissent entre toutes les tendances de lorganisation. Cependant, durant lŽtŽ 1966, le P.S.U. pressent leffondrement de la coalition de Grenoble et commence ˆ investir le syndicat Žtudiant. Les E.S.U. (organisation du PSU dans le monde Žtudiant) prennent le contr™le de quelques A.G.E. de province. Lors de lA.G. des 28 et 29 janvier 1967, le PSU acquiert le contr™le de lU.N.E.F. avec une trs faible majoritŽ. Son texte est adoptŽ par 190 mandats pour, 110 abstentions, 57 refus de vote et 36 mandats contre. La nouvelle orientation est trs influencŽe par le contexte de son Žlaboration et de son adoption : elle est une compilation de thmes empruntŽs aux structuristes et aux statutaires. Pour le P.S.U., lessentiel rŽside dans les " acquis de Dijon ", cest ˆ dire le maintient de lU.N.E.F. ˆ lextrme-gauche et lidŽe dun r™le spŽcifique des Žtudiants dans la lutte des classes.
Toutefois, le nouveau bureau est rapidement confrontŽ ˆ lŽpreuve du congrs de Lyon en juillet 1967. La situation interne ˆ lU.N.E.F. est alors peu favorable aux E.S.U. : le B.N., occupŽ ˆ rŽtablir le contact avec les A.G.E. de province et ˆ stabiliser la dŽroute financire de lorganisation, renonce ˆ lancer des campagnes revendicatives et se contente de gŽrer les affaires courantes. Cest avec ce maigre bilan que les E.S.U. doivent affronter lU.E.C. lors du congrs. Cependant, appuyŽs par la F.G.E.L., ils gardent le contr™le de lU.N.E.F. en faisant adopter de justesse leur motion.
La rentrŽe universitaire 1967-1968 ouvre de nouvelles perspectives plus encourageantes pour le B.N.. En effet, la conjonction entre lapplication de la rŽforme Fouchet dans le deuxime cycle et laccroissement des effectifs avec son cortge de difficultŽs matŽrielles est ˆ lorigine dun rŽveil du mouvement Žtudiant. Une journŽe daction, organisŽe le 9 novembre avec le S.N.E.Sup contre les conditions de la rentrŽe, rŽunit au quartier Latin 5000 Žtudiants. Or, elle navait pas ŽtŽ correctement prŽparŽe en raison du manque de moyens. La manifestation du 9 novembre apporte deux changements : elle donne au B.N. P.S.U. loptimisme nŽcessaire pour continuer ˆ gŽrer lU.N.E.F. et ramne vers le terrain universitaire les groupes gauchistes. Une certaine agitation se dŽveloppe aussi au sein des citŽs universitaires depuis 1965. Au dŽbut de lannŽe 1968, des rŽsidents de la rŽgion parisienne sŽlvent contre linterdiction de visite des garons chez les filles et vice-versa. Ainsi, le dŽbut de lannŽe 1968 marque un renouveau du mouvement Žtudiant organisŽ ou non par lU.N.E.F.
A la veille de 1968, quel est lŽtat de lU.N.E.F. ?. Il est tout dabord celui dune organisation dŽliquescente :
á Les dettes menacent la survie de lorganisation et Žquivalent approximativement au montant annuel du budget. Elles contraignent le BN ˆ la paralysie : absence de matŽriel, de propagande, interruption de la parution des publications nationales .
á Limplantation gŽographique de lU.N.E.F. se rŽduit considŽrablement. Elle passe de 52 A.G.E. en 1960 ˆ 26 en 1968. Et encore, un certain nombre dentre elles sont des coquilles vides et cessent de payer leurs cotisations .
á La composition politique de lU.N.E.F. ne cesse de sŽtioler aprs la suspension des A.G.E. majos parisiennes en novembre 1967. Seule la mino demeure, rŽduite ˆ trois organisations politiques : lU.E.C., les E.S.U. et le C.L.E.R.. Les affrontements ont essentiellement pour but le contr™le de lorganisation et non lŽlaboration dun projet syndical.
á Enfin, lU.N.E.F. doit faire face ˆ une dŽsorganisation interne : le prŽsident de lU.N.E.F., M. Perraud, dŽmissionne en avril 1968. Il est remplacŽ par J. Sauvageot, qui demeure nŽanmoins vice-prŽsident et non prŽsident.
Toutefois, lU.N.E.F. dispose dun certain nombre datouts pour affronter les ŽvŽnements dans une position correcte :
á Elle possde des contacts avec les centrales ouvrires, mme sils sont Žpisodiques. Ils sont cependant assez forts avec la nouvelle direction du S.N.E.Sup., dobŽdience P.S.U..
á Elle demeure la seule organisation Žtudiante ˆ prŽtention de masse. La F.N.E.F. ne parvient toujours pas ˆ simplanter sur le terrain universitaire et aucun autre syndicat Žtudiant ne rŽussit ˆ Žmerger. Elle reste, ˆ gauche, la seule organisation Žtudiante et tous les groupuscules ont leurs entrŽes.
LU.N.E.F. conna”t donc un affaiblissement numŽrique, politique et financier, malgrŽ des tentatives de redressement. Elle nest plus dŽsormais que le champ clos des luttes entre diffŽrentes organisations politiques Žtudiantes.
Le milieu Žtudiant, ˆ la veille de mai 1968, sinscrit dans un contexte particulier. En effet, la mobilisation estudiantine se fait surtout autour de deux axes : les rŽformes universitaires et lanti-impŽrialisme.
Les rŽformes universitaires sont contenues dans la rŽforme Fouchet, issue dune concertation restreinte (comme la loi DebrŽ sur les Žtudes mŽdicales en 1959) et imposŽe dans les facultŽs de Lettres et de Sciences par le ministre en 1966-1967. Conue sur les suggestions de spŽcialistes de sciences exactes, elle gŽnŽralise un organigramme et des cursus refusŽs par les facultŽs de lettres. Lorganisation des Žtudes se tourne vers une spŽcialisation accrue des formations sur une base disciplinaire et vers deux formations distinctes au second cycle : une filire de formation des enseignants (Licence) et une filire de formation des chercheurs (Ma”trise). A cela sajoute la crŽation dun premier cycle en deux ans sanctionnŽ par un dipl™me et remplaant lannŽe propŽdeutique. La rŽforme vise donc ˆ faciliter la sortie des Žtudiants ˆ tous les niveaux : fin de premier cycle, licence, ma”trise. De plus, la mise en place du systme suppose la sŽlection ˆ lentrŽe des facultŽs, question de plus en plus dactualitŽ en 1966 et 1967. Face ˆ cette rŽforme, les syndicats Žtudiants et enseignants dŽnoncent la mainmise de lŽconomie sur lUniversitŽ, laggravation de la sŽlection sociale et le malthusianisme du gouvernement. De 1965 ˆ 1968, des mouvements restreints se dŽveloppent contre lapplication de la rŽforme Fouchet. (Cf. manifestation du 09.11.1967).La contestation des projets gouvernementaux est donc assez forte.
Le second axe de mobilisation des Žtudiants est extŽrieur au monde universitaire, puisquil sagit de lanti-impŽrialisme. Ainsi, le 21 fŽvrier 1968, lU.N.E.F. appelle aux cotŽs du ComitŽ Viet Nam national, ˆ une journŽe de solidaritŽ anti-impŽrialiste. Elle donne lieu ˆ une importante manifestation au quartier Latin.
Dans ce contexte de mobilisation dune minoritŽ des Žtudiants, personne, et surtout pas lU.N.E.F., na vu venir lexplosion de mai 1968. La situation de lU.N.E.F. est alors critique : difficultŽs financires, abandon de tout projet syndical, luttes internes . Cependant, lU.N.E.F. possde les capacitŽs nŽcessaires pour sadapter au mouvement. Elle est au carrefour de tous les foyers dagitation du monde Žtudiant, puisque tous les groupuscules ont des adhŽrents ou contr™lent des A.G.E. : J.C.R., U.J.C.M.L., C.L.E.R. . De plus, elle possde encore un sigle fŽdŽrateur et porteur, et ses A.G.E., bien que vides en militants, possdent des locaux et de prŽcieuses ronŽos pour tirer les tracts !.
LU.N.E.F. peut donc sadapter au mouvement, mais elle ne peut pas le diriger. Le meilleur exemple demeure le lieu mme de lorigine du mouvement : Nanterre. En effet, la facultŽ des lettres de Nanterre, rŽcente, est trs peu connue par le B.N.. Une A.G.E. existe sur le campus, mais, outre sa faiblesse, elle est aux mains de la J.C.R., et donc trs indŽpendante. Les ŽvŽnements de Nanterre de janvier ˆ mai 1968 se dŽroulent sans aucun contr™le de lU.N.E.F. et dans la quasi-ignorance du B.N. !. Par la suite, si lU.N.E.F. parvient ˆ imposer son sigle, elle ne dirige rien. Ainsi, lors des diffŽrentes manifestations parisiennes, le service dordre de lU.N.E.F. est systŽmatiquement supplantŽ par celui de la J.C.R.. LU.N.E.F. colle donc au mouvement sans le contr™ler, en dŽpit des efforts de J. Sauvageot. Elle prte sa visibilitŽ, son service dordre, son sigle, ses services, son pouvoir dappel ou de pŽtition, mais dans une direction quelle ne ma”trise pas.
Ainsi, lU.N.E.F. possde une nouvelle chance avec la crise universitaire de mai 1968. Cependant, la crise sociale et politique prend rapidement le pas sur la crise universitaire. La fin de mai 1968 ouvre une nouvelle pŽriode pour lU.N.E.F. Elle tente, de mai ˆ dŽcembre 1968, de restructurer le mouvement Žtudiant en rŽformant ses structures, afin dintŽgrer les groupes moteurs de mai 1968 ˆ luniversitŽ, cest ˆ dire les ComitŽs dAction et les groupes gauchistes. La convocation des Assises de lU.N.E.F. ˆ Grenoble en 1968 marque le dŽbut de ce processus, de cette logique. En effet, ˆ cotŽ des A.G.E., traditionnelles structures de lU.N.E.F., une invitation ˆ participer aux travaux est lancŽe aux comitŽs daction. Le but est dŽlaborer une " nouvelle charte " et de lancer le dŽbat sur la rŽforme des structures.
Toutefois, cette tentative aboutit ˆ un Žchec. Certes, lA.G. de Dauphine des 4 et 5 mai 1969 adopte la transformation statutaire de lU.N.E.F. : les anciennes amicales et corpos sont transformŽes en C.A. Mais la donne politique au sein de lU.N.E.F. a ŽvoluŽe : dŽbut 1969, les C.A., les Žtudiants de Rouge (J.C.R.) et les mao•stes de la future " gauche prolŽtarienne "quittent lU.N.E.F., rendant caduques les rŽformes statutaires de lU.N.E.F. DŽsormais, le B.N. P.S.U. se retrouve seul face ˆ deux tendances solidement constituŽes : lU.E.C. et lA.J.S.. Mai 1968, de par ses illusions, ses acteurs, ses structures, appara”t comme une chance ratŽe pour lU.N.E.F. : associŽe tant bien que mal au mouvement, renonant ˆ le diriger, elle est incapable dintŽgrer les forces motrices de lexplosion Žtudiante et de restructurer le mouvement Žtudiant. Le B.N. P.S.U. , confrontŽ ˆ lU.E.C. et ˆ lA.J.S., sort affaiblit de cette pŽriode au moment ou la loi Faure envenime un peu plus les tensions internes.
De nombreuses scissions Žmaillent lhistoire de lU.N.E.F., la plus marquante Žtant celle de 1961 encouragŽe par le gouvernement et donnant naissance ˆ la F.N.E.F. De dŽcembre 1968 ˆ fŽvrier 1971, lU.N.E.F. subit sa dernire grande crise interne, qui sachve par une nouvelle scission.
Mai 1968 a fait na”tre au sein de lU.N.E.F. de nouvelles tensions. Elles se fondent sur lattitude de lU.N.E.F. face aux ŽvŽnements, lŽchec de la refonte du mouvement Žtudiant . Elles se cristallisent autour de la loi Faure de 1968. Proche des anciennes revendications de lU.N.E.F., la loi Faure met en place la participation, cest ˆ dire la prŽsence dŽlus Žtudiants au sein des diffŽrents conseils universitaires. En dŽcembre 1968, le congrs de Marseille tranche la question et refuse la participation, au grand dam de lU.E.C., absente des dŽbats ˆ ce moment lˆ pour protester contre linvalidation de trois de ses huit A.G.E.. Face au boycott pr™nŽ par le B.N. P.S.U. et lA.J.S., lU.E.C. annonce le 14 janvier 1969 son intention de dŽposer partout des listes " DŽfense des IntŽrts Etudiants " aux Žlections universitaires et de crŽer des " ComitŽs pour le renouveau de lU.N.E.F. ". Cette dŽcision marque donc lŽmergence dun nouveau courant au sein de lU.N.E.F. : lU.N.E.F.-Renouveau. Cependant, la dŽcision de participer aux Žlections universitaires pose le problme de lappartenance de lU.N.E.F.-Renouveau ˆ lU.N.E.F., puisquelle va ˆ lencontre dune dŽcision prise par un congrs. Elle se place donc volontairement hors du cadre fixŽ par lorientation adoptŽe au congrs de Marseille en dŽcembre 1968 et provoque une rupture de la " discipline syndicale ". De janvier ˆ avril 1969, lattitude du B.N. oscille considŽrablement, passant dune volontŽ dexclure les Žlus de lU.N.E.F.-Renouveau ˆ une position attentiste et modŽrŽe. Elle sexplique sans doute par le taux de participation des Žtudiants aux Žlections universitaires qui, en dŽpit de lappel au boycott lancŽ par lU.N.E.F., atteint 50%.
Le congrs dOrlŽans en avril 1970 appara”t dŽs lors comme une parenthse. En effet, lŽlection dun nouveau bureau P.S.U. ne cache pas les tensions internes, qui sexpriment au grand jour en octobre 1970. Le B.N., dŽsormais minoritaire et incertain sur le maintien de son engagement au sein de lU.N.E.F., retarde au maximum la dŽlivrance des cartes pour lannŽe universitaire 1970-1971. En novembre, une rŽunion dŽtudiants E.S.U. penche en faveur de lexclusion du courant renouveau. En rŽaction ˆ cette menace, G. Konopnicki puis M.SŽrac saisissent la commission de contr™le composŽe de deux adhŽrents P.S.U., un renouveau et un A.J.S.. Cette nouvelle crise accŽlre la dŽcomposition de lorganisation. Le 5 dŽcembre, lA.J.S. crŽŽe ˆ Dauphine sa propre tendance intitulŽe " UnitŽ Syndicale " et le 10 janvier, le BN annonce sa dŽmission devant le collectif national. Une " dŽlŽgation permanente " est provisoirement mise en place pour pourvoir au remplacement du B.N. dŽmissionnaire et un congrs national est convoquŽ pour les 21-22-23 fŽvrier 1971.
La " dŽlŽgation permanente " ne peut cependant pas tre une solution viable pour les deux tendances. Chacune tente donc de se fonder une lŽgitimitŽ dans et en-dehors de lU.N.E.F.
La tendance " unitŽ syndicale " sappuie sur la lŽgitimitŽ du C.N., o elle est dŽsormais majoritaire depuis le dŽpart du P.S.U.. Le C.N. et une assemblŽe de 140 C.A. convoquent un congrs ˆ Dijon, fief de lA.J.S.. La prŽsence dorganisations syndicales durant les travaux du congrs apporte un surcro”t de lŽgitimitŽ. LU.N.E.F.-UnitŽ Syndicale obtient ainsi le soutien de la F.E.N. et de F.O., sans doute pour faire contrepoids au P.C.F.. LU.N.E.F.-Renouveau tente, face ˆ la commission de contr™le dominŽe par lA.J.S., de jouer la carte de la base. Elle convoque une assemblŽe des C.A. qui, ˆ son tour, appelle ˆ un congrs national ˆ Paris. Cette dŽmarche obtient le soutien de la C.G.T. et du S.N.E.Sup.. Cette " alliance " ou plut™t convergence entre la C.G.T., lU.N.E.F-Renouveau et le S.N.E.Sup. va dailleurs se poursuivre durant plusieurs annŽes, en particulier au sein des conseils duniversitŽ.
Ainsi, la crise permanente dans laquelle senfonce lU.N.E.F. depuis 1965 aboutit ˆ une ultime scission en fŽvrier 1971 et ˆ la crŽation de deux U.N.E.F. distinctes contr™lŽes par lA.J.S. et lU.E.C.. La scission, au niveau national, appara”t donc comme une lutte dappareils politiques par lintermŽdiaire des tendances. De plus, le cadre de la scission se limite ˆ lU.N.E.F. et, hormis les derniers avatars de fŽvrier 1971, les trois tendances luttent dans une mme structure : le collectif national. Toutefois, ce schŽma, valable au niveau national, est-il adŽquat pour les A.G.E. ?.
La scission de 1971 est, au moins pour lUnion Nationale, interprŽtŽe comme laboutissement dune lutte interne entre tendances. Trois tendances principales existent : lU.N.E.F.-Renouveau (U.E.C., quelques socialistes et radicaux de gauche), lU.N.E.F.-UnitŽ Syndicale (A.J.S.) et le P.S.U.. Toutes trois tentent daccaparer la direction du syndicat Žtudiant ˆ leur seul profit personnel. La scission est donc une crise interne, qui engendre lŽclatement de lorganisation. Bien que schŽmatique, cette vision est celle retenue pour la scission de lU.N.E.F. Cependant, au niveau des A.G.E., la scission se dŽroule telle de la mme manire : fonctionnement en tendances, tiraillements et Žclatement ?. Il existe sans doute autant de rŽalitŽs diffŽrentes quil existe dA.G.E. dans les centres universitaires. En effet, des A.G.E. sont alors contr™lŽes par lU.E.C., lA.J.S. (Clermont-Ferrand, beaux-arts), par le P.S.U. (Lyon ), les forces des protagonistes ne sont pas les mmes partout . Une seule constante se dŽgage : les effectifs squelettiques de la plupart des A.G.E.. La crŽation de lU.N.E.F.-Renouveau ˆ Lyon prend un caractre particulier, puisquelle se rŽalise entre lappartenance ˆ lU.N.E.F. et le rejet de lA.G.E.L.
Des tensions existent au sein de lU.N.E.F. ˆ Lyon. LAmicale U.N.E.F. des Sciences, o militent de futurs responsables et leaders de lU.N.E.F.-Renouveau, se dŽtache progressivement de lA.G.E.L. considŽrŽe comme un conglomŽrat de groupes gauchistes : " On a ŽtŽ, on peut le dire, trs ˆ lŽcart de lA.G.E.L. Elle Žtait une faade et navait plus aucune vie. Elle se maintenait sur sa lancŽe, puisquelle avait le bar, le restaurant de lA.G.E.L. en-dessous, la M.N.E.F. ˆ cotŽ. Mais au sens de lU.N.E.F. en tant que telle, cŽtait le vide. [ ]Le poids de lA.G.E.L. comme structure fŽdŽrative sur Lyon Žtait inexistant. "Un malaise latent se dŽveloppe entre lA.G.E.L. et certaines amicales, et se traduit par une autonomie, une distanciation des amicales vis ˆ vis de la structure fŽdŽrative.
Les ŽvŽnements de mai 1968 vont renforcer les oppositions, les lignes de fracture. Jusquau six mai, les incidents de Paris ont peu dinfluence sur les campus de Province. Quelques militants dextrme-gauche tentent de mobiliser la facultŽ des Lettres, mais ils ne rencontrent quune relative indiffŽrence de la part des Žtudiants. Toutefois, un terreau favorable ˆ la contestation existe : les Žtudiants sont confrontŽs sur les deux campus universitaires (Les Quais et la Doua) ˆ des conditions matŽrielles difficiles. Sur le campus de la Doua, des Žtudiants de Droit, de Lettres, et de Sciences cohabitent au milieu dun vaste chantier. Entrepris en 1967, le nouveau campus se transforme dŽs les premires pluies en un vaste bourbier : " La Doua, cŽtait lenfer.[ ] On arrivait, on marchait dans la boue . CŽtait le bout du monde ˆ lŽpoque !. On marchait dans la boue pour arriver aux amphis " Le campus de la Doua, tel Nanterre, est un immense chantier o se retrouvent les Žtudiants. Mais, en dŽpit de cette situation, les ŽvŽnements de mai surprennent la plupart des Žtudiants, mais aussi les acteurs de lŽpoque. Les violences policires contre les manifestants du quartier Latin bouleversent compltement lattitude des Žtudiants. Une divergence dapprŽciation appara”t sur le r™le des diffŽrentes organisations lors des dŽbuts du mouvement. Selon P.Masson, membre du bureau de lA.G.E.L. en 1968, le mouvement a dŽbutŽ ˆ Lyon " par une rŽunion. CŽtait le 5 mai. Quelques jours seulement aprs le dŽbut de lagitation ˆ Paris. Le noyau dur de lA.G.E.L. sest retrouvŽ ˆ la Doua. On a dŽcidŽ de se mobiliser pour soutenir nos camarades parisiens et coordonner les actions sur Lyon. " LA.G.E.L. est donc prŽsentŽe comme Žtant ˆ lorigine du mouvement. Selon P.Maneval, trŽsorier de lAmicale des Sciences en mai 1968, lAmicale des Sciences a lancŽ le mouvement en Sciences et en Lettres, o les groupes gauchistes Žtaient incapables de mobiliser : " Cest vraiment au moment des premiers tabassages au quartier Latin que les Žtudiants ont bougŽ. Et bon, et bien nous on a dit : il faut rŽagir. Sans idŽes prŽconues lˆ-dessus, il fallait protester, ne serait-ce que pour protester contre ce qui sest passŽ. Et, au niveau de la Doua, cela na pas ŽtŽ sans peine. [ ] A tel point que [ ]les gauchistes ont ŽtŽ incapables de mettre en grve leurs amphis de Lettres. Ce sont des adhŽrents de lAmicale des Sciences qui allaient intervenir dans les amphis de Lettres, pour que les Žtudiants se dŽcident ˆ venir ˆ la manif.[ ]Donc, on a mis en grve les amphis, on a organisŽ la premire manif " Il appara”t extrmement difficile de dŽterminer les responsabilitŽs de chacun dans le dŽclenchement du mouvement. Cependant, lAmicale des Sciences semble avoir jouŽ un r™le non-nŽgligeable, puisque lors de la grve du 06.05.1968, 80 % des Žtudiants de sciences et de lI.N.S.A. font grve, et seulement quelques cours supprimŽs en lettres. Le 7 mai, une manifestation, lancŽe ˆ lappel de lU.N.E.F., de lA.G.E.L. et de lU.G.E., rassemble quelques milliers dŽtudiants pour exiger la libŽration des Žtudiants arrtŽs ˆ Paris, la reprise des cours ˆ la Sorbonne et pour protester contre la politique du gouvernement dans le domaine universitaire. DŽjˆ, le mouvement se divise : lAmicale des Sciences et lA.G.E.L. sopposent, adoptent des attitudes diffŽrentes ou signorent volontairement : " On Žtait quand mme entrŽ en contact avec lA.G.E.L. ˆ ce moment lˆ, de faon plus soutenue, pour savoir ce quils comptaient faire. Bien que le courant passait trs mal entre nous pour tout un tas de raisons. " Au fur et ˆ mesure des ŽvŽnements, les relations entre les deux acteurs se dŽtŽriorent. Une sorte de concurrence na”t entre les deux structures. Ainsi, le 9 mai, un meeting annoncŽ depuis quelques jours par lAmicale des Sciences ˆ 18h00 sur le campus de la Doua est doit se retrouver face ˆ un autre meeting convoquŽ ˆ 16h30 ˆ lI.N.S.A. par lA.G.E.L. Meeting de lA.G.E.L. qui ne se tient pas et est remplacŽ par une manifestation ˆ la grande fureur de lUD-C.G.T.. La rupture est petit ˆ petit consommŽe : le 17 mai, dans un communiquŽ de presse, lAmicale des Sciences U.N.E.F. et le S.N.E.Sup Sciences annoncent leur intention de " ne plus se prŽoccuper de directives syndicales nationales tant que celle-ci nŽmaneront pas dinstances statutairement et rŽgulirement rŽunies. "
Les ŽvŽnements de mai 1968 Žtalent au grand jour les antagonismes entre lA.G.E.L. et des adhŽrents de lU.N.E.F. (et donc de fait de lA.G.E.L). De plus, mai 1968 fait na”tre chez certains adhŽrents, et en particulier chez ceux proches de lU.E.C., une rŽflexion sur lŽchec de mai : " Le mouvement sest enflŽ trs vite, mais est redescendu trs vite aussi. Cest lˆ-dessus que saccroche la pensŽe du renouveau de lU.N.E.F. Elle saccroche fortement lˆ-dessus, cest ˆ dire en disant : voilˆ, vous avez vu, mai 68 na fait que traverser [ ] CŽtait largumentaire de lŽpoque pour la rŽnovation. Il tire la leon du fait quil faut organiser le mouvement Žtudiant, puisque, sil ne sorganise pas, il Žchoue. Mais il va beaucoup plus loin, il remonte dans lhistoire de lU.N.E.F. [ ] , quand lU.N.E.F. dŽfendait les intŽrts des Žtudiants [ ] En 68, il ny a pas eu dU.N.E.F. Et cela a dramatiquement manquŽ. On voit bien la correspondance avec les thses politiques de lŽpoque : il a manquŽ [ ] , on dit du cotŽ du P.C.F., un programme daction pour les masses populaires [ ] , cest ˆ dire le programme commun. En correspondance avec a, il yavait lidŽe quil a manquŽ un grand syndicat Žtudiant qui tienne la route et il faut le reconstruire. " LŽchec dune vŽritable transformation de lUniversitŽ est imputŽ ˆ labsence dun vŽritable syndicat Žtudiant, ce que lU.N.E.F. a cessŽ dtre pour certains adhŽrents depuis le milieu des annŽes 60. Par consŽquent, une rŽflexion sengage chez des adhŽrents, souvent proches de lU.E.C. ou de la gauche non-communiste, sur les solutions ˆ apporter pour remŽdier ˆ la crise du syndicalisme Žtudiant. La loi Faure, issue du mouvement Žtudiant, et considŽrŽe par ces mmes adhŽrents comme le seul acquis universitaire de mai, se greffe sur cette rŽflexion. Cependant, dŽs la rentrŽe universitaire 1968-1969, le B.N. rejette la participation, assimilŽe ˆ une tentative dintŽgration du mouvement Žtudiant ˆ lEtat.
Cest donc sur cette amorce de rŽflexion que souvre la rentrŽe universitaire 1968-1969. Comme ˆ chaque dŽbut dannŽe universitaire, lAmicale des Sciences U.N.E.F. tient son AssemblŽe GŽnŽrale. Elle marque lapparition dun nouvel acteur important dans la vie de lU.N.E.F. : lAlliance des Jeunes pour le Socialisme. Bien implantŽe au niveau national (elle contr™le deux A.G.E.), elle semble ne pas stre investit jusque lˆ dans lU.N.E.F. ˆ Lyon. Une nouvelle ligne de fracture souvre alors entre les partisans et les dŽtracteurs de la loi Faure. La crŽation de lU.N.E.F. Renouveau en Sciences est alors engagŽe. Certes, elle na pas de structures, ne possde pas de nom, ni de ligne directrice ˆ long terme . NŽanmoins, des adhŽrents jusque lˆ dispersŽs se retrouvent autour de valeurs, didŽes, danalyses. La loi Faure appara”t vraiment comme le catalyseur des divisions au sein de lU.N.E.F. Les contours de chaque camp commencent ˆ se dessiner, mme sils demeurent encore flous.
A partir de la rentrŽe universitaire 1968-1969, lU.N.E.F.Renouveau prend forme, mme si elle nest encore quun vague rassemblement dadhŽrents autour de quelques valeurs. Elle ne cesse cependant de saffirmer et tente ˆ plusieurs reprises de prendre la direction de lA.G.E.L. Toutefois, lŽchec de lA.G. du 23.05.1969 signifie pour elle labandon de lA.G.E.L.
La prŽparation du congrs de Marseille en dŽcembre 1968 donne corps ˆ lU.N.E.F. Renouveau. En effet, elle choque de nombreux adhŽrents de lU.N.E.F. : le B.N. annonce sa tenue en novembre 1968, tandis que lA.G.E.L., au 11.12.1968, na toujours pas convoquŽ dA.G. ou de congrs. Le 18 dŽcembre, une cinquantaine de militants se rŽunissent et lancent une campagne pour exiger la tenue dune A.G. ˆ Lyon et en faveur de la dŽclaration de lA.G.E. de Lille.
Les Žlections universitaires, fixŽes pour fŽvrier - mars 1969, sont loccasion de donner un nom et une structure ˆ lU.N.E.F. Renouveau. En effet, le 15 janvier 1969, les 8 A.G.E. animŽes par lU.E.C. annoncent quelles prŽsentent des listes aux Žlections aux conseils de gestion et crŽent des comitŽs pour le renouveau de lU.N.E.F. Le nom U.N.E.F.Renouveau est alors celui des listes. Elles sont dŽposŽes dans quelques facultŽs : Sciences et Lettres. Des liaisons entre les diffŽrentes listes sŽtablissent et donnent une cohŽrence ˆ lensemble. Le scrutin, qui se dŽroule entre le 13 fŽvrier et le 24 mars 1969, suscite une forte participation de la part des Žtudiants : 57,6 % en Droit, 66,2 % en MŽdecine et Pharmacie, 54,4 % en Sciences, 47,1 % en Lettres et 69,7 % dans les unitŽs sous dŽrogation . Au total, sur les 408 siges prŽvus ˆ Lyon, 371 sont effectivement attribuŽs. Les rŽsultats sont trs encourageants pour lU.N.E.F.Renouveau. En effet, en dŽpit de ses faibles moyens et du handicap constituŽ par une organisation incomplte et rŽcente, elle obtient sur lensemble des campus 16,5 % des suffrages (soit 1991 voix) et 19,9 % des siges (74 sur 371). A titre dexemple, la F.N.E.F., pourtant implantŽe de longue date, doit se contenter de 2,9 % des voix et de 2,1 % des siges. De plus, lU.N.E.F.Renouveau ne prŽsentait pas de listes dans tous les collges et toutes les facultŽs. Droit, MŽdecine, Gestion, Institut du Travail, Physique NuclŽaire, Etudes Italiennes et NŽo-Latines, Etudes de lOrient, Histoire de lArt, IUT, IEP, IREPS ne rapportent aucune ou trs peu de voix ˆ lU.N.E.F.Renouveau. Les rŽsultats de certaines U.E.R. tŽmoignent par contre dune rŽelle implantation, influence. Elle obtient 100 % des suffrages dans les U.E.R. de MathŽmatiques (382 voix sur 586 votants), de Biologie Dynamique (49 voix sur 71 votants), 71,6 % en Physique, 51,4 % en Chimie- Biochimie, 53,6 % en Sciences de la Nature, 51,6 % en Etudes Franaises, 63,0 % en Sciences Psychologiques, Sociologiques, Ethnographiques et PŽdagogiques. LU.N.E.F.-Renouveau dispose alors dun rŽseau dŽlus et surtout dune lŽgitimitŽ tirŽe des urnes.
Durant cette pŽriode, elle se structure davantage : des sections syndicales (lŽquivalent des C.A.) sont entirement aux mains de lU.N.E.F.-Renouveau comme ˆ lI.N.S.A. ou en Sciences, tandis que des comitŽs pour le renouveau de lU.N.E.F. sont fondŽs en MŽdecine et en Lettres. Jusquici, lU.N.E.F.-Renouveau, mme si elle rompt plusieurs fois la discipline syndicale et prend ses distances avec lA.G.E.L., nest pas totalement indŽpendante, autonome. Ainsi, elle participe ˆ lAssemblŽe GŽnŽrale du 23.05.1969 au sige de lA.G.E.L. Elle exprime alors la volontŽ de faire fonctionner les instances rŽgulires de lU.N.E.F. et de lA.G.E.L. Pour les Renseignements GŽnŽraux, lA.G. ,convoquŽe par lU.N.E.F.-Renouveau, a pour but de semparer du bureau. En effet, les E.S.U., bloquŽs au mme moment au congrs de la M.N.E.F. ne participent pas aux dŽbats . LA.J.S. bŽnŽficie pour sa part du renfort de militants dautres villes universitaires, et en particulier dAnthony et de Aix- en- Provence. Trois ˆ quatre cents militants se retrouvent vers 21 heures dans les locaux de lA.G.E.L., rue F.Garin. Mis en difficultŽ, F.Perronnet, prŽsident de lA.G.E.L. parvient cependant ˆ se dŽgager de ce mauvais pas, gr‰ce ˆ laide des E.S.U. enfin libŽrŽs du congrs de la M.N.E.F., dont la sŽance est, pour loccasion, ŽcourtŽe. Vers 23h30, la salle est ŽvacuŽe au milieu des injures et des rglements de compte. La sŽance reprend une fois les cartes vŽrifiŽes. Une centaine de militants est ainsi ŽcartŽe, tandis que des militants E.S.U. de diffŽrentes villes semblent pouvoir pŽnŽtrer librement dans la salle. Les dŽbats reprennent au milieu des injures et, au petit matin, les responsables de lA.G.E.L. affirment avoir obtenu lexclusion des Žlus de lU.N.E.F.-Renouveau. LA.G. du 23.05.1969 est la dernire tentative de lU.N.E.F.-Renouveau pour faire fonctionner les instances rŽgulires. Son Žchec opre une modification de son attitude envers lA.G.E.L. dans un sens plus radical. Elle abandonne dŽsormais toute prŽtention sur lA.G.E.L. et se rend indŽpendante de fait. Il existe alors deux U.N.E.F. ˆ Lyon : lA.G.E.L. affiliŽe ˆ LU.N.E.F. et lU.N.E.F.-Renouveau.
3 . La structuration de lU.N.E.F.-Renouveau, organisation syndicale indŽpendante.
Aprs lŽchec de lA.G. du 23.03.1969, la structuration de lU.N.E.F.-Renouveau progresse ˆ nouveau et lorganisation syndicale devient progressivement indŽpendante. Au dŽbut, les diffŽrentes structures sont dispersŽes, multiples et sans liens entre elles : sections syndicales, comitŽs pour le renouveau de lU.N.E.F. Elles existent paralllement aux C.A . et sont indŽpendantes de lA.G.E.L. Ainsi, le comitŽ pour le renouveau de lU.N.E.F. de Lettres compte une centaine dadhŽrents et dispose de sa propre propagande : tableau daffichage, journal ˆ diffusion restreinte. Des comitŽs se crŽent en avril 1969 en droit et en sciences Žconomiques et intgrent quelques membres dUniversitŽ 70 et des anciens adhŽrents du C.A. En septembre 1969, un nouveau pas est franchi dans la structuration de lorganisation. Une structure confŽdŽrale chapeaute dŽsormais les associations de base au niveau de lA.G.E. : le collectif des comitŽs de Lyon de lU.N.E.F. pour son renouveau. DirigŽ par P.Maneval et N.Chambon, il se veut un " gouvernement parallle " ˆ lA.G.E.L. et sinscrit dans la suite logique de lŽvolution de lU.N.E.F.-Renouveau. Des reprŽsentants de chaque comitŽ ou section syndicale sigent au collectif. LU.N.E.F.-Renouveau est alors un syndicat indŽpendant de lA.G.E.L. : elle a ses propres structures, son propre mode de fonctionnement interne. Lors du congrs dOrlŽans, elle envoie sa propre dŽlŽgation composŽe de trois adhŽrents. Ils assistent aux travaux du congrŽs, peut-tre en concurrence avec la dŽlŽgation de lA.G.E.L..
Mais surtout, lU.N.E.F.-Renouveau conduit ses propres actions et fait preuve dune activitŽ dŽbordante. Des diffusions de tracts ont lieu dans la plupart des universitŽs pour informer les Žtudiants sur lU.N.E.F.-Renouveau, sur les diffŽrentes rŽformes comme les CFPM. Elle participe pleinement au mouvement Žtudiant de janvier - fŽvrier 1970 dans les facultŽs lyonnaises, mme si durant tout le conflit, elle soppose ˆ la fois ˆ lA.G.E.L. et aux groupes gauchistes. LA.G.E.L. pr™ne, en particulier en lettres, la grve illimitŽe. Le 26.01.1970, lors dune A.G. en Histoire GŽographie, lU.N.E.F.-Renouveau soppose ˆ la grve ou accepte lŽventualitŽ dune grve limitŽe et votŽe dŽmocratiquement dans les amphithŽ‰tres. Les diffŽrentes A.G. mettent aux prises lU.N.E.F.-Renouveau avec les militants de Front Uni, de lAJS, de la gauche prolŽtarienne. En mars 1970, elle mne seule une campagne contre la sŽlection en mŽdecine, contre la sŽlection et le dŽmantlement de lU.E.R. en sciences Žconomiques et pour le retrait de la circulaire Guichard sur les langues en lettres. A lI.N.S.A., elle organise un rŽfŽrendum sur son projet de rŽforme des structures de lŽtablissement.
LU.N.E.F.-Renouveau, ˆ partir de mai 1969, devient de fait une organisation syndicale indŽpendante de lA.G.E.L. : elle possde ses propres structures, dŽveloppe ses propres analyses et actions. Cependant, de par sa participation aux congrs nationaux, elle affirme son attachement ˆ lU.N.E.F..
4.La crŽation de lA.G.E.L.-U.N.E.F., mai 1971.
La pŽriode du renouveau conna”t sa concrŽtisation avec, au niveau national, le congrs de lU.N.E.F ˆ Paris, et , au niveau de Lyon, par la fondation de lA.G.E.L-U.N.E.F en 1971.
Depuis son Žchec ˆ lAssemblŽe GŽnŽrale de mai 1969, lU.N.E.F-Renouveau se structure toujours davantage. En septembre 1969, elle se dote dun " collectif des comitŽs U.N.E.F. pour son renouveau ", qui rassemble toutes les structures de lU.N.E.F-Renouveau ˆ Lyon. La dŽmission du Bureau National P.S.U. le 10 janvier 1971 accŽlre brutalement le cours des ŽvŽnements.
Contrairement au niveau national o le P.S.U. se retire totalement de lU.N.E.F en laissant face ˆ face les deux tendances UnitŽ Syndicale et Renouveau, le P.S.U. et les E.S.U. lyonnais dŽcident de conserver le contr™le de lA.G.E.L. En fŽvrier 1971, ˆ loccasion de linauguration de ses nouveaux locaux fournis par la municipalitŽ lyonnaise rue Richerand, lA.G.E.L. annonce quelle rompt ses relations avec lU.N.E.F. Elle prend prŽtexte de la nouvelle situation de lU.N.E.F : dŽmission du B.N, affrontement entre deux tendances . LU.N.E.F. nest plus, pour lA.G.E.L., " lorganisation reprŽsentative et progressiste des Žtudiants ". Face ˆ cette nouvelle situation, lA.G.E.L. affirme vouloir garder, perdurer la tradition du mouvement Žtudiant issue du congrs de Grenoble en 1946 .
Dans le mme temps, la situation au niveau des U.E.R. et universitŽs devient extrmement confuse. En effet, les deux tendances de lU.N.E.F. tiennent des congrs sŽparŽs en fŽvrier et mars 1971, ˆ Dijon pour lU.N.E.F-UnitŽ Syndicale, ˆ Paris pour lU.N.E.F-Renouveau. La prŽparation des congrs est marquŽe par la crŽation dune multitude de nouveaux C.A. (phŽnomne dŽjˆ engagŽ en dŽcembre 1969), tandis que lU.N.E.F-Renouveau annonce en fŽvrier 1971 dans plusieurs communiquŽs de presse " la rŽnovation de C.A. ". Un communiquŽ de presse envoyŽ au Progrs le 16 fŽvrier 1971 dŽclare : " Les adhŽrents U.N.E.F. de la facultŽ de Droit/Sciences Economiques de Lyon, rŽunis en A.G. le 12 fŽvrier ont dŽcidŽ ˆ lunanimitŽ de rŽnover le C.A U.N.E.F.. [ ]. Ceci dŽmontre que la volontŽ des Žtudiants de recrŽer un syndicat de masse seul capable de lutter pour dŽfendre les intŽrts des Žtudiants et pour une UniversitŽ dŽmocratique nest pas un vain mot ". En rŽalitŽ , chacun est dŽsormais chez soi et les rŽunions ne rassemblent pas lensemble des adhŽrents de lU.N.E.F.. La crŽation de C.A. U.N.E.F. par lU.N.E.F-Renouveau se fait dans le contexte de la convocation dune A.G. extraordinaire des prŽsidents de C.A. ˆ Paris le 14 fŽvrier par lU.N.E.F-Renouveau, A.G. qui dŽcide de tenir le congrs de lU.N.E.F. ˆ Paris au mois de mars 1971. Il est donc nŽcessaire pour lU.N.E.F-Renouveau de rassembler le maximum de C.A., gage de lŽgitimitŽ du congrs.
Dans ce contexte, rupture des relations entre A.G.E.L. et U.N.E.F. et prŽparation du congrs de lU.N.E.F-Renouveau en mars 1971, lU.N.E.F-Renouveau de Lyon rŽcupre ˆ son profit le nom A.G.E.L.. Cependant, Žtant donnŽ que lA.G.E.L. est toujours dŽtenue par le P.S.U., elle prend le nom dA.G.E.L-U.N.E.F, le tiret faisant toute la diffŽrence. Son premier congrs se tient ˆ lI.N.S.A. les 19 et 20 mai 1971 et marque laboutissement, la concrŽtisation du renouveau ˆ Lyon. Il rassemble de nombreux C.A. (Lettres, Droit, Architecture, Conservatoire de Musique, Sciences Economiques, Sciences, I.N.S.A., Centrale, Etudes paramŽdicales, MŽdecine, PrŽpas) et obtient la lŽgitimitŽ de diverses organisations politiques ou syndicales : UD-C.G.T., U.N.C.A.L., Mouvement de la Paix, U.E.C.F., G.U.P.S., U.E.U.F., reprŽsentants des Žtudiants khmers.
III. Une fondation sur des bases syndicales et sur lacceptation de la cogestion.
La mise en place dun programme syndical rŽpond ˆ lessence, ˆ la dŽfinition mme dun syndicat, cest ˆ dire la dŽfense dintŽrts communs ˆ une catŽgorie. Il se compose dun certain nombre de revendications, qui portent essentiellement sur la dŽfense des intŽrts des Žtudiants. Il sinscrit tout dabord dans le cadre de la dŽfense des acquis de mai 1968.
Le deuxime acquis de mai 1968 ˆ dŽfendre est, hormis la cogestion, le principe de lautonomie pŽdagogique des universitŽs. Cette autonomie, accordŽe par la loi Faure, demeure trs restreinte en raison de lorganisation trs centralisŽe de lEtat. En effet, le Ministre de lEducation Nationale continue ˆ dŽfinir les programmes des Žtudes pour les dipl™mes nationaux et les modalitŽs de leur sanction. Au maintien des acquis de mai, valeur nationale des dipl™mes, abandon provisoire de lidŽe de sŽlection, lU.N.E.F.-Renouveau Žlargit la notion dautonomie pour revendiquer la mise en place de conseils dorientation composŽs dŽtudiants et denseignants, la crŽation dun contr™le continu, lobjectivitŽ des cours et le droit ˆ la critique.
Autonomie pŽdagogique accrue des universitŽs tout en maintenant le cadre de la valeur nationale des dipl™mes, ce qui peut appara”tre comme paradoxal, augmentation du budget et des moyens allouŽs ˆ lEnseignement SupŽrieur, droit de regard des Žtudiants sur le contenu des cours, lU.N.E.F.-Renouveau reprend ainsi ˆ son compte " lesprit de mai " ˆ travers ses revendications. Syndicat rŽformiste, elle dŽfend ainsi les idŽes, modŽrŽes, dun mouvement o les courants de pensŽe qui la nourrissent (en particulier les communistes) ont tenu une place marginale et ˆ contre-courant.
Sur les questions concernant les conditions dŽtude des Žtudiants, les positions de lU.N.E.F-Renouveau ne marquent pas de rupture par rapport aux annŽes prŽcŽdentes. En fait, la diffŽrence avec le B.N. P.S.U. se fait sur lordre des prioritŽs. Lˆ o lU.N.E.F-Renouveau considre les revendications matŽrielles comme le but premier dun syndicat Žtudiant, les autres tendances, et en particulier le P.S.U., mettent en avant les problmes politiques. Par exemple, le journal Etudiant de France, dans son numŽro de mai 1969, aborde le problme des examens, mais le reste est consacrŽ ˆ des questions politiques : lU.D.R., la guerre du Vietnam, lEspagne, la lutte contre le fascisme et limpŽrialisme. La ligne, lorientation syndicale de lU.N.E.F-Renouveau, centrŽe autour de revendications concrtes, est profondŽment rejetŽe par les autres tendances. Tout le mŽpris envers cette orientation se concrŽtise, sexprime dans le slogan chantŽ par les gauchistes ˆ chaque manifestation de lU.N.E.F-Renouveau : " Des gommes, des crayons, et demain la rŽvolution ".
Les revendications de lU.N.E.F-Renouveau demeurent assez traditionnelles. Elles sarticulent autour de deux domaines : le domaine pŽdagogique et le contr™le des connaissances.
Dans le domaine pŽdagogique, lU.N.E.F-Renouveau sengage trs nettement en faveur de la pluridisciplinaritŽ des Žtudes. Elle sinscrit ainsi dans lavant mai 1968, pŽriode durant laquelle de nombreux dŽbats ont eu lieu autour du thme de la pluridisciplinaritŽ. Ainsi, elle est au centre des dŽbats du colloque de Caen en 1966. ImposŽe par la loi Faure de 1968 dont elle est un maitre-mot, elle ne reste pourtant souvent quun vu pieux et son application est alŽatoire suivant les facultŽs. Outre la pluridisciplinaritŽ, lU.N.E.F-Renouveau revendique le maintien de la valeur nationale des dipl™mes, la prioritŽ des T.D. sur les C.M. dans les heures denseignement et le droit ˆ la critique et ˆ lobjectivitŽ des cours. Le droit ˆ la critique des cours est en particulier formulŽe dans les filires de Droit et de Sciences Economiques. Elle se concrŽtise sur le terrain par lorganisation de confŽrences, et ce, bien aprs la pŽriode du renouveau. Ainsi, en mars 1978, lA.G.E.L.-U.N.E.F organise ˆ Lyon III une confŽrence sur " le droit tel quon nous lenseigne ". Lautre grande prŽoccupation de lU.N.E.F-Renouveau concerne le contr™le des connaissances. La rŽforme du contr™le des connaissances, revendication dŽjˆ ancienne, surgit brutalement au milieu du mouvement de mai avec lapproche des dates des examens. En effet, les Žtudiants dŽbattent longuement dans les AssemblŽes GŽnŽrales du boycott ou non des examens. A Lyon, de multiples A.G. (Lettres, Psychologie, Anglais, Histoire-GŽographie ) votent le " boycott des examens dans leur forme traditionnelle ". Le refus des examens saccompagne de deux revendications : la crŽation de commissions paritaires pour Žtablir les modalitŽs de sanction de lannŽe universitaire 1967-1968 et une rŽforme totale du systme universitaire. Cependant, les positions sont extrmement diverses et des Žtudiants pr™nent la disparition pure et simple des examens. Les revendications de lU.N.E.F-Renouveau, en ce qui concerne le contr™le des connaissances, demeurent modŽrŽes. Favorable au maintien dexamens densemble, elle demande simplement lintroduction du contr™le continu des connaissances. Les revendications de lU.N.E.F-Renouveau, dans le domaine pŽdagogique et sur le contr™le des connaissances, reprennent certaines prŽoccupations et mots dordre du mouvement de mai. LamŽlioration des conditions dŽtude passe aussi par la crŽation de postes de professeurs, de nouveaux b‰timents .
Les revendications concernant lamŽlioration des conditions de vie des Žtudiants partent toutes dun prŽsupposŽ : le refus de la sŽlection sociale. LU.N.E.F-Renouveau souhaite en finir avec " lUniversitŽ bourgeoise ", qui sŽlectionne les Žtudiants en fonction de leur origine sociale. Par consŽquent, elle lutte pour la " dŽmocratisation de lUniversitŽ " et porte un certain nombre de revendications : la gratuitŽ de lEnseignement SupŽrieur, le dŽveloppement des uvres universitaires et lAllocation dŽtudes. LAllocation dŽtudes est un projet dŽjˆ ancien de lU.N.E.F.. En effet, lors du congrs de Grenoble de 1946, lŽlaboration de la " Charte de lŽtudiant " dŽfinissant celui-ci comme un " jeune travailleur intellectuel " entra”ne simultanŽment la crŽation du projet dAllocation dŽtudes adoptŽ dŽfinitivement au congrs dArcachon. Plusieurs fois modifiŽ, il est progressivement abandonnŽ par lU.N.E.F. au cours des annŽes 60. LU.N.E.F-Renouveau reprend l Allocation dŽtudes ˆ son compte et lui assigne trois objectifs : mettre un terme au salariat Žtudiant, donner ˆ tous les Žtudiants les mmes chances de rŽussite quel que soit son milieu dorigine sociale et permettre ˆ tous les jeunes daccŽder ˆ lUniversitŽ. Cependant, les critres dattribution sont profondŽment remaniŽs. Si, dans le projet de loi de 1951, lAllocation dŽtudes sapplique ˆ tous les Žtudiants sans distinctions, la revendication de lU.N.E.F-Renouveau assortit lobtention de lAllocation dŽtudes de critres diffŽrents : critres sociaux en premier cycle, critres sociaux et universitaires en second cycle et critres universitaires en troisime cycle. VersŽe douze mois douze, indexŽe au cožt de la vie et dun montant suffisant pour vivre sans autres ressources, elle vise avant tout ˆ supprimer le salariat Žtudiant. Des allocations complŽmentaires existent et son financement est ŽlaborŽ dans le projet de loi de lU.N.E.F.. Lallocation dŽtudes constitue la revendication centrale de lU.N.E.F-Renouveau en matire daide sociale.
La dŽfense des libertŽs politiques et syndicales ˆ lUniversitŽ est une prŽoccupation constante de lU.N.E.F-Renouveau. Jusquen 1968, les organisations dites " reprŽsentatives des Žtudiants " par lEtat sont celles qui sigent au Centre National des uvres. Ainsi, lors de la scission de la F.N.E.F. en 1961, le gouvernement De Gaulle/DebrŽ attribue trois siges ˆ la nouvelle organisation au dŽtriment de lU.N.E.F.. Les activitŽs politiques et syndicales sont alors tolŽrŽes, mais demeurent, en thŽorie, interdites. Le mouvement de mai 1968 entra”ne une Žvolution. La mise en place de la cogestion entra”ne de fait la reconnaissance des organisations Žtudiantes. Mais aucun cadre lŽgal ne fixe les libertŽs syndicales ou politiques. Lattitude de ladministration, qui tolre plus ou moins bien les activitŽs syndicales, est primordiale. Lexercice des libertŽs politiques et syndicales ˆ lUniversitŽ nest reconnu quen 1984 avec larticle 50 de la loi Savary.
La dŽfense des libertŽs politiques et syndicales garde donc aprs 1968 toute son actualitŽ. A cette revendication sajoutent le rejet de toute ingŽrence policire ˆ lUniversitŽ et le maintien des franchises universitaires
Elle sappuie avant tout sur une distinction des objectifs des luttes, de leur portŽe. En effet, deux " types " de luttes sont distinguŽes, apparaissent : les luttes immŽdiates et les luttes gŽnŽrales.
Les luttes immŽdiates sont considŽrŽes comme catŽgorielles. En effet, leurs objectifs sont essentiellement universitaires et les acteurs sont les Žtudiants. Pour aboutir, elles doivent obtenir le soutien de lensemble des Žtudiants, cest ˆ dire engager la masse des Žtudiants dans laction. La conception de " lutte de masse " est indissociable de celle de lutte immŽdiate. La " lutte de masse " implique la sensibilisation des Žtudiants aux problmes, puis leur implication dans le mouvement. Elle affirme donc lexistence dintŽrts communs aux Žtudiants et la possibilitŽ dune Žlaboration de revendications communes partagŽes par les Žtudiants aux delˆ des divergences politiques. Ces revendications ne peuvent donc qutre universitaires, sans prŽalable politique. Pour lU.N.E.F.-Renouveau, une situation commune donne donc une base ˆ des intŽrts communs, ˆ des luttes. Toutefois, ces luttes ne sont pas exemptes de dangers et, en particulier, du " rŽformisme " et de labsence de perspectives globales.
Afin dŽviter ces Žcueils, lU.N.E.F.-Renouveau distingue un deuxime type de luttes : les " luttes gŽnŽrales, politiques ". MenŽes en collaboration avec les autres couches de la sociŽtŽ, elles visent ˆ faire aboutir des revendications de fond, comme, par exemple, " la dŽmocratisation de lenseignement ˆ tous les niveaux ". Elles nŽcessitent la recherche de lunitŽ daction avec les syndicats enseignants ou ouvriers, comme le S.N.E.Sup. ou la C.G.T.. Toutefois, les luttes gŽnŽrales sinscrivent dans un cadre prŽcis et restreint, puisque lU.N.E.F.-Renouveau dŽnonce " lutopie ", " les luttes [ ] purement idŽologiques ", sans dŽbouchŽ concret dans le monde universitaire. Il sagit avant tout dŽviter le gauchisme et de se couper des Žtudiants.
Contrairement aux apparences, ces deux types de luttes ne sopposent pas, ne sont pas contradictoires. Au contraire, les luttes immŽdiates peuvent dŽboucher sur des luttes " gŽnŽrales ". En effet, lexistence dune situation reconnue dintŽrts convergents, de luttes communes peuvent engendrer une prise de conscience des Žtudiants dune situation plus large. Cette Žvolution dŽpasse les cadres Žtroits des luttes immŽdiates en direction des luttes gŽnŽrales, plus politiques.
Outre cette distinction, lU.N.E.F. Renouveau pr™ne la dŽmocratie des luttes et, en particulier, la dŽmocratie directe : toute action revendicative doit tre dŽterminŽe dans chaque amphi ou T.D.. Elle tente ainsi de sopposer aux mŽthodes des groupes gauchistes : A.G. dŽtudiants, comitŽs de grve . Ces structures sont rejetŽes, car jugŽes antidŽmocratiques, non-reprŽsentatives. Souvent contr™lŽes par les groupes gauchistes, elles offrent peu de libertŽ dexpression aux adhŽrents de lU.N.E.F.-Renouveau. Les structures traditionnelles du mouvement Žtudiant sont donc rejetŽes.
La distinction, thŽorique, entre " luttes immŽdiates " et " luttes gŽnŽrales " permet ˆ lU.N.E.F.-Renouveau de se procurer un espace de libertŽ et de manuvre entre le corporatisme, le rŽformisme et les visŽes rŽvolutionnaires des groupes gauchistes.
Enfin, la fondation de lU.N.E.F.-Renouveau se fait sur un dernier point : la cogestion, cest ˆ dire la participation de lU.N.E.F. aux Žlections universitaires et aux diffŽrents conseils des universitŽs et facultŽs.
VotŽe en octobre et novembre 1968 par lAssemblŽe Nationale et le SŽnat, la loi dorientation a pour r™le essentiel de remettre en marche un systme universitaire profondŽment dŽstabilisŽ, paralysŽ et dŽcrŽdibilisŽ par la crise universitaire de mai 1968. A la suite des revendications portŽes par le mouvement de mai 1968, un volet de la loi est consacrŽ ˆ la participation ou cogestion. Outre la participation de tous les personnels ˆ la gestion des universitŽs, elle prŽvoit la prŽsence active de dŽlŽguŽs Žtudiants aux diffŽrents conseils avec les mmes droits que les reprŽsentants enseignants et non- enseignants. Cette innovation est importante, puisquelle modifie et implique de nouvelles relations sociales entre Žtudiants, enseignants et personnels. La loi concde aussi une extension du pouvoir des conseils ˆ travers un certain nombre de dispositions. Ainsi, elle prŽvoit la crŽation dune catŽgorie dŽtablissements publics dirigŽs par des conseils composŽs majoritairement de reprŽsentants des personnels et d usagers. Les conseils, surtout duniversitŽ, possdent de nombreuses attributions : ils interviennent dans le domaine institutionnel, pŽdagogique, administratif et financier. Ainsi, les conseils dŽterminent, dans un cadre lŽgislatif fixŽ par lEtat, les statuts de luniversitŽ, les structures internes (nombre dU.E.R.). Ils peuvent aussi dŽbattre et dŽcider des relations avec les autres Žtablissements, du contenu des programmes, mŽthodes, des modalitŽs dexamen, des problmes administratifs concernant la vie de luniversitŽ (contrats, constructions ), de lŽlaboration, du vote et du contr™le du budget . La loi dorientation donne donc aux diffŽrents conseils, et en particulier au conseil duniversitŽ, de nombreuses prŽrogatives et un pouvoir dŽcisionnel important. Le prŽsident duniversitŽ, Žlu par le conseil duniversitŽ, possŽde le pouvoir exŽcutif, puisquil applique les dŽcisions du conseil duniversitŽ.
La nouvelle loi va donc plus loin que lancienne revendication de lU.N.E.F. En effet, lU.N.E.F. milite depuis plusieurs annŽes pour la participation des Žtudiants avec des compŽtences Žlargies dans les diffŽrentes institutions et conseils des universitŽs. Cependant, elle ne demande alors quune participation ˆ titre consultatif . Ainsi, en mars 1963, la F.G.E.L. U.N.E.F. demande la participation de deux de ses membres ˆ lassemblŽe de facultŽ avec voix consultative. De plus, lU.N.E.F. soppose alors au principe dŽlections Žtudiantes libres au nom de lunicitŽ de la reprŽsentation Žtudiante.
ImposŽe aux " mandarins " et aux professeurs conservateurs hostiles ˆ lŽmancipation des ma”tres-assistants, la rŽussite de la cogestion, et donc de la loi dorientation, dŽpend surtout de la rŽussite de cette greffe sur le monde Žtudiant. En effet, sans engagement massif des Žtudiants dans la gestion, la participation perd toute crŽdibilitŽ et remet en cause lŽdifice universitaire issu de la loi dorientation.
Pour juger de la rŽussite ou non de ce pari, il faut sintŽresser de prŽs ˆ lŽvolution sur une longue pŽriode (1969-1993) de la participation Žtudiante aux diffŽrents scrutins universitaires.
LŽlection des dŽlŽguŽs, puis Žlus, Žtudiants a pris diffŽrentes formes depuis 1968. De 1969 ˆ 1984, les Žtudiants aux conseils dU.E.R. sont Žlus au suffrage universel direct, cest ˆ dire par lensemble des Žtudiants. En gŽnŽral, le scrutin se dŽroule sur une seule journŽe et les siges sont rŽpartis ˆ la proportionnelle avec une prime au vainqueur. LŽtalement du scrutin sur une seule journŽe nencourage pas la participation massive des Žtudiants (nombreux sont les Žtudiants nayant cours que quelques jours) et certaines universitŽs ou facultŽs se font gloire datteindre des taux dabstention records. Pour le conseil duniversitŽ, le suffrage universel indirect est mis en place : les Žlus dU.E.R. Žlisent parmi eux les Žlus Žtudiants au conseil duniversitŽ. Une interruption des Žlections a lieu entre 1984 et 1986 aprs le vote de la nouvelle loi dorientation, dite loi Savary. En effet, les universitŽs devant adapter leurs statuts gardent provisoirement les conseils prŽcŽdemment Žlus. De 1986 ˆ 1994, tous les Žlus Žtudiants, aux conseils dU.F.R. et aux conseils centraux (Conseil dAdministration, Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire, Conseil Scientifique), sont Žlus au suffrage universel direct. Devant les taux de participation dŽrisoires, des universitŽs tentent de provoquer au sein du milieu Žtudiant un regain de citoyennetŽ, une prise de conscience, en allongeant la durŽe du scrutin sur deux jours ou en favorisant linformation, la publicitŽ des Žlections.
La participation des Žtudiants conna”t, de 1969 ˆ 1994, une Žvolution diffŽrenciŽe selon les disciplines, mme si, sur le long terme, une dŽsaffection croissante appara”t nettement. On peut diffŽrencier deux Žvolutions diffŽrentes : les Sciences exactes et les Sciences humaines et sociales dun cotŽ, le Droit et la MŽdecine de lautre.
Les Sciences exactes et les Sciences humaines et sociales connaissent une Žvolution rapide vers une indiffŽrence quasi-gŽnŽrale. En effet, les Žlections universitaires de 1969 montrent un incontestable intŽrt des Žtudiants. Les taux de participation sont alors trs importants : prs de 50 % au niveau national. A Lyon, la participation est assez massive : 49,7 % ˆ luniversitŽ Lyon II, 44,59 % pour lU.E.R. de MathŽmatiques, 50,23 % en Physique, 55,1 % en Chimie et Biochimie, 73,09 % en Sciences de la Nature, 57,25 % en Biologie dynamique, 55,55 % en Physique nuclŽaire. Toutefois, les taux de participation dŽcroissent rapidement et laissent la place ˆ un dŽsintŽrt profond et massif de la part des Žtudiants. Ainsi, dŽs 1970, le taux de participation tombe ˆ 25,6 % ˆ luniversitŽ Lyon II. Il demeure par la suite systŽmatiquement infŽrieur ˆ 20 %, quand ce nest pas moins. En 1992, la participation ˆ lŽlection de lU.E.R. de Lettres ˆ Lyon II devient pratiquement nulle : 2,7 % des Žtudiants se sont dŽplacŽs pour aller voter !. La dŽsaffection des Žtudiants de Sciences Humaines et Sociales et de Sciences Exactes appara”t durable et profondŽment ancrŽe : les divers mouvements Žtudiants ne provoquent pas de sursauts de citoyennetŽ Žtudiante ou dintŽrt pour les Žlections. Ainsi, en fŽvrier 1974, seuls 13,4 % des Žtudiants se rendent aux urnes lors des Žlections dU.E.R. ˆ Lyon II. Quelques mois auparavant se dŽroulait le mouvement contre la suppression des sursis Žtudiants et contre la crŽation du D.E.U.G . De multiples raisons peuvent expliquer cette profonde dŽsaffection : absence " desprit de corps " chez les Žtudiants de ces filires (faible intŽgration ˆ luniversitŽ, absence de vie Žtudiante dans des campus isolŽs et excentrŽs, faible perception des enjeux, indiffŽrence du milieu Žtudiant, prŽsence rŽduite des Žlus Žtudiants au sein des divers conseils ) . Linfluence des mouvements gauchistes pr™nant le boycott et refusant la participation ne semble pas jouer un r™le essentiel. Il nest certes pas possible de mesurer limpact de ces mouvements lorsquils pr™nent le boycott. Cependant, il est possible dobserver, dŽvaluer les consŽquences dun changement dattitude. Or, au dŽbut des annŽes 80, lU.N.E.F-ID dŽcide de participer aux Žlections universitaires. Cette dŽcision nengendre pas daugmentation systŽmatique des taux de participation. Ainsi, lU.E.R. de Lettres de Lyon II enregistre un taux de participation de 7,7 % en janvier 1982 et de 7,12 % en dŽcembre 1982, alors que lU.N.E.F-ID passe, dans le mme temps, de 0 ˆ 7 Žlus sur 10.
LŽvolution est trs diffŽrente pour les filires de Droit et de MŽdecine. La participation des Žtudiants est, certes, minoritaire, mais elle demeure importante avec un taux rŽgulirement supŽrieur ˆ 30 % Jusquen 1984. LU.E.R. de MŽdecine de Lyon-Nord est une bonne illustration : le taux de participation est, hormis en janvier 1981, supŽrieur ˆ 30 % : 34,8 % en novembre 1972, 41,8 en dŽcembre 1974, 69,5 % en dŽcembre 1976, 33,5 % en dŽcembre 1977, 60,0 % en dŽcembre 1979, 20,7 % en janvier 1981, 42,2 % en dŽcembre 1982 et 51,0 % en janvier 1984. En Droit, la participation demeure importante, mais dun moindre niveau : autour de 30 %. Cependant, elle devient beaucoup plus faible et alŽatoire ˆ la fin des annŽes 80 et au dŽbut des annŽes 90. A cette participation soutenue sajoutent les effets des mouvements Žtudiants. En effet, ils peuvent entra”ner ponctuellement des regains de participation. La corrŽlation est particulirement forte en MŽdecine lors des mouvements doctobre 1975 et davril 1979, suivis tous deux de fortes hausses de la participation. Ainsi, le taux de participation ˆ lU.E.R. de MŽdecine Lyon-Nord passe de 33,0 % en dŽcembre 1978 ˆ 60,0 % en dŽcembre 1979. La plus forte participation des Žtudiants de MŽdecine et de Droit sexplique par une situation souvent opposŽe ˆ celle des facultŽs de Sciences Exactes ou de Sciences Humaines et Sociales. En effet, une forte cohŽsion entre les Žtudiants sest maintenue au fil des annŽes : les traditions " folkloriques " perdurent, des associations Žtudiantes ˆ vocation corporatiste sont fermement implantŽes (ANEPF, CCEML, ACEML, AAEPL, AAPL, Corpo Lyon III), les effectifs sont rŽduits une fois passŽ lobstacle du numerus clausus ou du premier cycle, lintŽgration ˆ lUniversitŽ est forte, une relative satisfaction ˆ lŽgard de lInstitution existe, le milieu Žtudiant est trs structurŽ, les inquiŽtudes sur lavenir sont faibles et la professionnalisation forte . Tous ces facteurs favorisent un taux de participation des Žtudiants aux Žlections universitaires plus ŽlevŽ.
Une Žvolution diffŽrente selon les disciplines appara”t : lindiffŽrence gagne vite les Žtudiants de Sciences Exactes ou de Sciences Humaines et Sociales, tandis que le Droit et la MŽdecine rŽsistent plus longtemps. Cependant, une tendance de fond ˆ une dŽsaffection des Žtudiants vis ˆ vis des diffŽrents scrutins universitaires se fait jour. Elle est accentuŽe par lattitude de ladministration, (peu encline souvent ˆ faire de la publicitŽ pour les Žlections ) et par linstauration de diverses mesures visant ˆ rŽduire la reprŽsentation Žtudiante au sein des conseils. La cogestion savre donc, en ce qui concerne la participation des Žtudiants, un Žchec, puisquelle ne rŽussit pas ˆ regrouper derrire elle la masse des Žtudiants. Une Žtude sur la participation qualitative des Žlus Žtudiants ˆ la gestion de lUniversitŽ et des facultŽs serait sans doute beaucoup plus nuancŽe.
En refusant de suivre la position adoptŽe par lU.N.E.F. au congrs de Marseille, lU.N.E.F.-Renouveau dŽveloppe sur la cogestion une analyse originale au sein du mouvement Žtudiant. Ni collaboration avec ladministration, ni simple acte de reprŽsentation des Žtudiants, la cogestion est ŽrigŽe comme un " instrument des luttes revendicatives ".
En effet, la participation est jugŽe utile aux Žtudiants. La cogestion nest pas vŽcue comme une rŽsignation, un simple acte de prŽsence. Au contraire, elle est action, lutte. Elle est jugŽe utile aux Žtudiants pour diffŽrentes raisons. Elle offre aux Žtudiants la possibilitŽ dobtenir des informations. Elus ˆ part entire, les dŽlŽguŽs Žtudiants ont accs ˆ tous les documents rendus publics pendant les conseils. Mais surtout, la cogestion ou participation est considŽrŽe comme un instant de lutte. LU.N.E.F.-Renouveau affirme la possibilitŽ dobtenir de nouveaux droits et de lutter contre les rŽformes nŽfastes dans les conseils. Ainsi, en fŽvrier 1969, lU.N.E.F.-Renouveau compte sur les conseils afin de lutter contre les aspects nŽgatifs de la loi dorientation et de dŽfinir ou Žclaircir certains aspects imprŽcis.
Toutefois, la cogestion nest pas considŽrŽe comme un moyen de lutte ˆ part entire. Lutilisation de la cogestion par lU.N.E.F.-Renouveau se fait dans une dŽmarche prŽcise. Elle devient acceptable et utilisable si des conditions particulires sont rŽunies. Ainsi, la corrŽlation est Žtablie entre cogestion/lutte syndicale/crŽation dun " vŽritable syndicat ". Pour lU.N.E.F.-Renouveau, une corrŽlation doit sŽtablir entre laction des Žlus dans les conseils (vote, motion ), la mobilisation des Žtudiants afin de soutenir laction des Žlus (occupation de la salle du conseil, pŽtitions ), et le relais des ces actions dans les autres conseils et au niveau national. La cogestion devient un " instrument des luttes revendicatives " si ces 3 actions sont menŽes. Ainsi, lU.N.E.F-Renouveau affirme la possibilitŽ de luttes ˆ partir des conseils des universitŽs. Cette position appara”t alors comme originale, ˆ la fois ŽloignŽe des corpos et de lU.N.E.F., puis de lU.N.E.F.-UnitŽ Syndicale.
c. Le rejet du boycott.
Composante de lU.N.E.F., la tendance Renouveau pr™ne une position radicalement opposŽe ˆ lanalyse de la cogestion dŽveloppŽe et adoptŽe par lU.N.E.F. au congrs de Marseille, cest ˆ dire le boycott des Žlections universitaires.
En effet, dŽs la parution de la loi Faure ˆ la fin de lannŽe 1968, le B.N. et le C.N. rejettent la participation aux Žlections universitaires et appellent au boycott. Cette position, soutenue conjointement par le P.S.U. et lA.J.S., est rŽaffirmŽe au congrs de Marseille en dŽcembre 1968. A la participation, considŽrŽe comme une intŽgration du mouvement Žtudiant ˆ lEtat, lU.N.E.F. oppose le contr™le du systme universitaire par le mouvement Žtudiant en lutte. Les formes de ce contr™le ne sont toutefois pas prŽcisŽes. En effet, lU.N.E.F., Žtant donnŽ son Žtat de faiblesse, est dans lincapacitŽ de tenir ce r™le, tandis que la mobilisation Žtudiante (dont lexpression la plus visible est lA.G.) ne dure que quelques jours ou semaines et demeure trop ŽphŽmre. Aprs la scission de 1971, cette analyse est partiellement reprise par lU.N.E.F.-UnitŽ Syndicale.
Cette analyse est rejetŽe par lU.N.E.F.-Renouveau, mme si un consensus sŽtablit sur la volontŽ de lEtat dintŽgrer le mouvement Žtudiant par lintermŽdiaire de la cogestion. Le boycott nest pas repoussŽ demblŽe par lU.N.E.F.-Renouveau. Bien au contraire, il est considŽrŽ comme un moyen daction acceptable, une " mŽthode bonne ", si il vise ˆ court terme la destruction des institutions universitaires.Mais le contexte nest plus jugŽ comme favorable : le mouvement Žtudiant est dŽsormais divisŽ, des acquis ont ŽtŽ obtenus aprs mai 1968 . Le boycott appara”t dŽs lors pour lU.N.E.F.-Renouveau comme une " absurditŽ ", puisquelle laisse les mains libres au gouvernement pour remettre en cause les acquis dans les conseils.
La participation aux Žlections universitaires est donc un pilier de la reconstruction de lU.N.E.F., la cogestion devient un des piliers de laction syndicale. Concluant ˆ linverse du PSU et de lextrme-gauche, lU.N.E.F.-Renouveau rejette le boycott et affirme le r™le des conseils dans les luttes. Cette analyse se rapproche de celle des grandes centrales syndicales ouvrires et va constituer pendant 13 ans la ligne de scission " officielle ", puis de sŽparation entre les deux branches concurrentes issues de lU.N.E.F..
La scission de lU.N.E.F a donc deux rŽalitŽs : une nationale et une locale. Au niveau national, la scission de lU.N.E.F est vŽcue comme une lutte interne, entre tendances dirigŽes par des appareils politiques, cest ˆ dire lU.E.C, lA.J.S et le P.S.U. La situation de lU.N.E.F. est, depuis 1963, celle dune organisation en crise : le nombre de ses adhŽrents et de ses implantations diminue, les finances sont exsangues et le projet syndical en ruine . Pourtant, lU.N.E.F. devient un enjeu pour les partis politiques et leurs organisations de jeunesse. En effet, avec la normalisation des organisations de jeunesse comme lU.E.C. au milieu des annŽes 60, les dŽbats politiques ne peuvent plus se mener dans ses structures et de dŽplacent vers le seul lieu de confrontation possible : lU.N.E.F.. Laprs-mai 68 est trs difficile pour lU.N.E.F., puisquelle Žchoue dans sa tentative de recomposition du mouvement Žtudiant et conna”t une exacerbation sans prŽcŽdent de ses tensions internes avec ladoption et lŽlaboration de la loi Faure. Les opposants et partisans de la cogestion saffrontent longuement et crŽent une nouvelle ligne de fracture au sein de lorganisation. Le dŽpart du B.N. contr™lŽ par le P.S.U. en janvier 1971 laisse face ˆ face les courants Renouveau et UnitŽ Syndicale, qui tiennent trs rapidement des congrs sŽparŽs. A travers lencha”nement des ŽvŽnements, il sagit donc bien dune scission entre deux tendances ayant des conceptions opposŽes du syndicalisme Žtudiant. Jusquau moment de la rupture, et en dŽpit des entorses rŽpŽtŽes ˆ la discipline syndicale par certaines tendances, le cadre des luttes reste lU.N.E.F. o cohabitent au sein des mmes instances les diverses tendances.
Au niveau local, les faits offrent une vision diffŽrente des ŽvŽnements. En effet, au lieu de scission, le terme de fondation serait plus adŽquat. La crŽation de lU.N.E.F-Renouveau ˆ Lyon se fait entre lappartenance revendiquŽe ˆ lU.N.E.F et le rejet de lA.G.E.L.. Vague rassemblement dindividualitŽs plus quorganisation structurŽe, lU.N.E.F-Renouveau tente, jusquen mai 1969, de faire fonctionner les diffŽrentes instances de lA.G.E.L., dont le bureau est aux mains du P.S.U.. Aprs lŽchec de lA.G. du 24 mai 1969, lU.N.E.F-Renouveau se structure progressivement et devient une organisation syndicale autonome avec son propre fonctionnement interne, ses propres initiatives et sans relations avec lA.G.E.L.. LA.G.E.L-U.N.E.F., crŽe en mai 1971 et concrŽtisation du renouveau ˆ Lyon, nest donc pas issue dune scission, mais appara”t comme une vŽritable fondation reposant sur trois bases : un programme syndical, une conception des luttes et lacceptation de la cogestion.
Chapitre 2. Milieu Žtudiant et syndicalisme Žtudiant face ˆ la " massification " de lEnseignement SupŽrieur et ˆ la crise de lUniversitŽ : 1971-1994.
I. Une UniversitŽ en proie ˆ la " massification " de lEnseignement SupŽrieur.
Au niveau national, on observe de toute Žvidence un changement dans la taille de lUniversitŽ. Les effectifs Žtudiants passent dune base 100 ˆ la rentrŽe 1959, ˆ lindice 430 ˆ la rentrŽe 1977 et ˆ lindice 721 en 1993. En un peu plus de trente ans, le nombre dŽtudiants a ŽtŽ multipliŽ par 7. De 186 101 en 1959, il passe ˆ 615 326 en 1969, 858 085 en 1980, 1 036 600 en 1988 et 1 403 827 en 1993. Durant notre pŽriode dŽtude, lUniversitŽ double de volume et prend vŽritablement un caractre de masse. Elle a absorbŽ lessentiel de la demande de dipl™me aprs le baccalaurŽat, puisque les effectifs des grandes Žcoles nont pas ŽvoluŽ dans les mmes proportions. On peut distinguer diffŽrentes phases de croissance, chacune caractŽrisŽes par des rythmes et des moteurs diffŽrents. Jusquen 1968, on assiste ˆ la poussŽe, croissance la plus importante. En effet, les effectifs sont multipliŽs par 3 en 10 ans. (1959-1969). Le rythme de croissance annuel demeure soutenu, puisquil dŽpasse constamment 10 % par an et atteint 15 % en 1962-1963, puis en 1963-1964. Elle doit accueillir chaque annŽe entre 20 000 et 40 000 bacheliers supplŽmentaires. Le baby-boom explique en partie seulement cet accroissement. Dautres phŽnomnes mŽritent dtre ŽclairŽs : laccroissement des taux de scolarisation et le dŽsir croissant des bacheliers de poursuivre leurs Žtudes. Les taux de scolarisation, cest ˆ dire " la proportion des jeunes qui, dans chaque classe d‰ge, frŽquentent un Žtablissement scolaire, et qui sont indŽpendants du volume dŽmographique des cohortes dŽmographiques ", progressent de faon continue de 1960 ˆ 1970 pour les classes d‰ges au-dessus de 16 ans. Une part croissante de jeunes ont accs au baccalaurŽat, puis ensuite ˆ lUniversitŽ. Un vŽritable parallŽlisme sopre entre deux phŽnomnes : la dŽmocratisation (mme limitŽe) de lEnseignement Secondaire et laspiration dune part croissante des bacheliers ˆ poursuivre leurs Žtudes.
De la rentrŽe universitaire 1968-1969 ˆ 1987-1988, la croissance devient plus faible et plus rŽgulire. Certes, luniversitŽ doit encore absorber ˆ chaque nouvelle rentrŽe universitaire des dizaines de milliers de nouveaux Žtudiants ( entre 3000 et 40 000), ce qui ne se produit pas sans heurts. Mais le plus gros de la vague est passŽ, et le taux de croissance demeure fort modeste : moins de 5 % par an. Une vŽritable " dŽsinflation " du nombre dŽtudiants se produit entre 1973-1974 et 1986-1987, puisque le taux de croissance annuel tombe la plupart du temps en-dessous de 2 %. La rentrŽ 1986-1987 marque un extrme : les effectifs progressent de 0,3 %, cest ˆ dire de 2888 nouveaux Žtudiants par rapport ˆ la rentrŽe universitaire 1985-1986. Cette faible croissance rŽsulte en partie de la baisse de la fŽconditŽ ˆ partir de 1963-1964. Aprs 1964 et les annŽes de baby-boom, la situation se renverse : la fŽconditŽ flŽchit rapidement pour atteindre un minimum en 1976. Elle oscille ensuite entre 1,80 et 1,90 enfant par femme, tandis que le nombre des naissances tombe ˆ 770 000 par an pendant les annŽes 70. (au lieu de 881 000 en 1971). La corrŽlation appara”t ensuite Žvidente : des classes d‰ges moins nombreuses accdent au secondaire, puis, Žventuellement, au supŽrieur. Toutefois, cette explication nest valable que pour le milieu des annŽes 80 : les lycŽens accŽdant ˆ luniversitŽ en 1985 sont nŽs aux alentours de 1967 . .
Les vŽritables causes sont donc ailleurs. Les conditions daccueil favorisent sans doute la dŽsaffection des nouveaux bacheliers pour les universitŽs. Mais surtout, le ralentissement de la croissance Žconomique et laffaiblissement des illusions sur une promotion sociale par les Žtudes universitaires apparaissent comme les principaux freins ˆ la croissance numŽrique des Žtudiants.
La rentrŽe 1988-1989 marque une reprise nette de laccroissement des effectifs Žtudiants. Le nombre dŽtudiants passe de 989 461 ˆ 1 036 600 en 1988-1989, 1 236 934 en 1991-1992 et 1 403 827 en 1993-1994, ce qui correspond ˆ une hausse de 42 % !. DŽsormais, prŽs dun jeune sur deux de 18 ˆ 22 ans est Žtudiant. Ce bouleversement sexplique tout dabord par la gŽnŽralisation progressive de laccs ˆ lEnseignement SupŽrieur. De 30 % dune classe d‰ge au dŽbut des annŽes 70, le taux daccs au baccalaurŽat explose au milieu des annŽes 80 pour dŽpasser 50 % au dŽbut des annŽes 90. En 1995, il atteint 67 %.
% de bacheliers par gŽnŽration | |
1850 | 1,3a |
1900 | 1,8a |
1950 | 5,9 - 4,4b |
1970 | 18,5 - 21,5b |
1975 | 22,2 - 29,9b |
1983 | 27,9 |
1987 | 32,8 |
1988 | 36 |
1992 | 51,2 |
1994 | 58 |
Source : Quid 1995, p 1332. | |
a. Garons seulement. | |
b. Garons - Filles. |
Cet essor sexplique par le dŽveloppement, ˆ cotŽ des bacs gŽnŽraux, des bacs technologiques et professionnels, mais surtout par la volontŽ affichŽe des pouvoirs publics " damener 80 % dune classe d‰ge au niveau bac ". A cela sajoute le souhait massivement exprimŽ par les bacheliers de poursuivre des Žtudes. Dans un contexte de crise Žconomique et de ch™mage massif, la rŽussite scolaire demeure " le meilleur passeport pour lascension sociale " et la meilleur protection contre le ch™mage. Cependant, luniversitŽ nest plus la seule destination des bacheliers. La diversification de loffre denseignement supŽrieur : universitŽs, IUT, STS, Žcoles dingŽnieur , a permis dŽviter un raz de marŽe de bacheliers sur luniversitŽ.
LuniversitŽ conna”t donc, de 1969 ˆ 1993, un changement de dimension engagŽ au dŽbut des annŽes 60. LuniversitŽ Žlitiste des annŽes 50 et 60 cde la place ˆ une universitŽ de masse par le nombre.
LŽvolution de luniversitŽ lyonnaise sinscrit dans ce contexte national de massification. Cependant, deux obstacles ne permettent pas une Žtude complte : les donnŽes lacunaires ou indisponibles pour certaines pŽriodes comme 1968-1976, et lalternance irrŽgulire de deux unitŽs de compte : le nombre dinscriptions ou le nombre dŽtudiants. (un Žtudiant ayant la possibilitŽ de prendre plusieurs inscriptions, ce qui modifie considŽrablement le nombre rŽel dŽtudiants.). LŽvolution nationale se reproduit ˆ Lyon avec une croissance importante des effectifs : 57 000 Žtudiants en 1976, 78 000 en 1986, 102 000 en 1992, 110 000 en 1994. Elle se situe dans la moyenne nationale. Ainsi, pour une base 100 en 1976, les effectifs Žtudiants ˆ Lyon atteignent 188 en 1993. ( au niveau national : 100 en 1975, 174 en 1993).
Contrairement au niveau national o deux nettes poussŽes peuvent tre observŽes , la croissance des effectifs Žtudiants se fait ˆ un rythme rŽgulier, mme si une lŽgre accŽlŽration se produit de 1987 ˆ 1994. La progression des annŽes 1987-1994 reste nŽanmoins infŽrieure ˆ laugmentation des effectifs au niveau national :
Les effectifs Žtudiants en France, 1959-1993
Date | Effectifs | Indice |
1959 | 186101 | 100 |
1963 | 326311 | 175 |
1967 | 509198 | 274 |
1969 | 615326 | 331 |
1970 | 647625 | 350 |
1975 | 807911 | 434 |
1980 | 858085 | 461 |
1981 | 883657 | 475 |
1982 | 905198 | 486 |
1983 | 930268 | 500 |
1984 | 949844 | 510 |
1985 | 967778 | 520 |
1986 | 970666 | 521 |
1987 | 989461 | 532 |
1988 | 1036600 | 557 |
1989 | 1080600 | 580 |
1990 | 1146900 | 616 |
1991 | 1236934 | 664 |
1992 | 1313208 | 706 |
1993 | 1403827 | 754 |
Source : FREMY (D., M.), Quid 1995, Robert Laffond, 1994, p.1329.
Elle appara”t mme faible par rapport ˆ dautres universitŽs. Ainsi, les universitŽs de Lille comptent 72 500 Žtudiants en 1987 et 118 000 environ en 1993, soit une augmentation de 62,7 % en 6 ans . Le cas est identique pour luniversitŽ de Limoges, de taille pourtant radicalement diffŽrente. Pourtant, la progression du pourcentage de bacheliers par gŽnŽration dans lAcadŽmie de Lyon est similaire ˆ lŽvolution nationale. Une aire de recrutement moindre des universitŽs lyonnaises peut expliquer cette croissance " modŽrŽe ". En effet, une ville universitaire exercent une attraction sur un territoire variable, dans lequel elle attire et draine vers elle la majoritŽ des nouveaux bacheliers. Or, laire de recrutement des universitŽs lyonnaises appara”t rŽduite, en raison de la concurrence dautres p™les universitaires : Grenoble ˆ lest, Saint-Etienne et Clermont-Ferrand ˆ louest et Dijon au nord.
Ainsi, luniversitŽ Žvolue profondŽment de 1971 ˆ 1994. Le processus de massification de lEnseignement SupŽrieur, et de luniversitŽ en particulier, amorcŽ dans les annŽes 60, sachve au milieu des annŽes 90. A lUniversitŽ dŽlite des annŽes 50 sest substituŽe une UniversitŽ de masse par le nombre. A Lyon, une forte croissance des effectifs peut-tre observŽe durant cette pŽriode, mais sans particularitŽs notables. Elle fait cependant exploser les vieux campus du centre-ville hŽritŽs des premires annŽes de la IIIe RŽpublique. Afin dabsorber ces flots de nouveaux Žtudiants, de nouveaux campus sont amŽnagŽs de 1967 ˆ 1994. Deux gŽnŽrations se succdent : les campus ŽloignŽs du centre-ville durant les annŽes 70 (Lyon I Doua dŽbutŽ ˆ la fin des annŽes 60 et Lyon II Bron), puis rŽintŽgrŽs au dŽbut des annŽes 90 (Lyon III Manufacture). DŽs lors, une dichotomie appara”t entre ces deux gŽnŽrations de campus. Tandis que les campus intŽgrŽs au centre-ville connaissent peu de mouvements Žtudiants, les campus situŽs ˆ Bron ou Villeurbanne, souvent construits rapidement, connaissent de multiples problmes matŽriels et deviennent des zones sensibles pour la propagande et le dŽveloppement des groupes gauchistes, des syndicats et des mouvements Žtudiants.
LuniversitŽ conna”t, de 1971 ˆ 1994, un phŽnomne de massification par le nombre. Cependant, une vŽritable dŽmocratisation se produit-elle ?. Il ne sagit pas de la dŽmocratisation interne de lUniversitŽ (dŽpŽrissement de la hiŽrarchie rigide des relations entre enseignants et Žtudiants ), mais de la dŽmocratisation externe, cest ˆ dire de son recrutement. En effet, laccroissement des effectifs na pas forcŽment pour corollaire laccs de toutes les classes sociales, de tous les sexes, ˆ une formation universitaire.
La dŽmocratisation se pose tout dabord pour les classes sociales. Des facteurs ont favorisŽ au cours des trois dernires dŽcennies laccs de toutes les classes sociales ˆ luniversitŽ : absence de sŽlection pour les bacheliers postulant ˆ lentrŽe des universitŽs, hormis quelques filires, assouplissement du rŽgime des examens . Toutefois, la dŽmocratisation sociale du recrutement se heurte ˆ la structure mme des Žtudes universitaires : complexitŽ du cursus universitaire, cožt financier, allongement de la durŽe des Žtudes . La dŽmocratisation du baccalaurŽat a fait sauter lobstacle social du lycŽe, rŽservŽ jusquaux annŽes 70 aux enfants de la bourgeoisie. Cependant, la poursuite dŽtudes, le type de bac diffŽrent selon les classes sociales.
Mais la dŽmocratisation externe de lUniversitŽ ne passe pas exclusivement par laccs de toutes les catŽgories sociales aux formations universitaires. Elle passe aussi par laccs des deux sexes ˆ lUniversitŽ. Trs majoritairement composŽe dŽtudiants dans les annŽes 50, lUniversitŽ change profondŽment durant les dŽcennies suivantes. LinŽgalitŽ entre filles et garons se rŽsorbe fortement durant la pŽriode 1960-1980. La population Žtudiante, composŽe de 40,0 % de filles en 1959-1960, sŽquilibre pour atteindre50,0 % de filles ˆ la rentrŽe 1980-1981. Cette tendance saccentue de 1980 ˆ 1994 et un renversement se produit. DŽsormais, les Žtudiantes sont majoritaires : 53,1 % en 1989.
Les Žtudiantes en France
(en % du total des Žtudiants)
1900 | 3,5 |
1929 | 22,9 |
1939 | 30 |
1949 | 33,1 |
1959 | 38,4 |
1967 | 43,5 |
1969 | 45,5 |
1975 | 47,6 |
1980 | 49,7 |
1981 | 50,5 |
1982 | 49,7 |
1983 | 50,5 |
1984 | 51 |
1985 | 51,2 |
1986 | 51,6 |
1987 | 52,2 |
1988 | 52,7 |
1989 | 53,1 |
Source : FREMY (D., M.), Quid 1995, Robert Laffont, 1994, p.1329.
Mais cette Žvolution cache mal la persistance de nombreuses inŽgalitŽs. En effet, les filles font des Žtudes plus courtes et deviennent minoritaires au-delˆ du premier cycle et en particulier dans le troisime cycle. Elles se dirigent peu dans certaines disciplines comme certains IUT, les sciences exactes, la mŽdecine, les sciences Žconomiques et de gestion . Ainsi, ˆ Lyon II, la filire de sciences Žconomiques et de gestion compte, ˆ la rentrŽe 1996-1997, 46,1 % dŽtudiantes, contre 61,8 % en Histoire et 81,7 % dans la facultŽ des langues.
LUniversitŽ conna”t, de 1971 ˆ 1994, une trs lŽgre dŽmocratisation. En effet, la massification par le nombre a rendu possible un accs plus large des filires universitaires ˆ des classes sociales dŽfavorisŽes ou aux deux sexes. Cependant, des inŽgalitŽs demeurent : une sŽlection sopre toujours dans le choix de la filire, dans la durŽe des Žtudes, dans les chances de rŽussite ( accs ne rimant pas avec obtention dun dipl™me). Au final, lUniversitŽ des annŽes 70 ˆ 90 est en mutation lente, mais elle garde de nombreux traits de continuitŽ avec le passŽ.
II. Des rŽformes nombreuses sources de conflits et de mouvements Žtudiants.
Face ˆ lafflux de nouveaux bacheliers et ˆ son cortge de difficultŽs matŽrielles et pŽdagogiques, aux mutations de la sociŽtŽ et du marchŽ du travail , les ministres successifs de lEducation Nationale ont tentŽ, le plus souvent sans rŽussite, de rŽformer lEnseignement SupŽrieur. Souvent ŽlaborŽes sans concertation avec les milieux enseignants et Žtudiants, elles deviennent des sources de conflits et de mouvements Žtudiants.
Un " mai rampant " persiste au dŽbut des annŽes 70 et favorise, gŽnŽralise la contestation ˆ de nouveaux publics ou mŽcanismes du systme scolaire : concours de recrutement des enseignants du secondaire en mai 1969, lycŽes techniques et gŽnŽralistes de 1969 ˆ 1974 o les C.A.L, objets dune lutte acharnŽe entre les communistes de la J.C. et les groupes dextrme-gauche, jouent un r™le de premire place, fermeture provisoire de lE.N.S. en 1971. A luniversitŽ, ce " mai rampant " appara”t tout dabord lors de la grve en lettres et sciences ˆ Lyon en 1970. En Lettres, elle dure plus dun mois, puisquelle sŽtend du 20.01. au 25.02. Elle trouve son origine dans la circulaire Guichard sur les examens. Elle est votŽe ˆ linitiative de lU.E.L. (Union des Etudiants Lyonnais, considŽrŽe comme trs modŽrŽe par les R.G..), afin, semble til, de contrer les groupes gauchistes et de contr™ler le mouvement. La grve, lancŽe par lU.E.L., obtient trs rapidement le soutien de lA.G.E.L. et se gŽnŽralise aux trois facultŽs lyonnaises, cest ˆ dire lettres, sciences et droit. Cependant, le consensus contre la circulaire Guichard Žclate rapidement et les diffŽrents acteurs adoptent des positions opposŽes. Les modŽrŽs, qui ont lancŽ la grve, dŽveloppent des revendications corporatistes, propres ˆ chaque facultŽ. Les groupes gauchistes dŽpassent le cadre Žtroit des revendications corporatistes et universitaires et, ˆ la critique de la loi Faure, rajoutent des mots dordre politiques gŽnŽraux. Enfin, les communistes, groupŽs au sein de lU.E.C. craignent, selon les R.G., dtre dŽpassŽs et hŽsitent ˆ sengager pleinement. A ces divisions entre les diffŽrents protagonistes sajoute le pourrissement de la grve, ce qui engendre durant le mois de fŽvrier des situations diverses selon les facultŽs et des " alliances " peu conventionnelles. La reprise du travail se fait rapidement en droit puis en sciences o elle est favorisŽe par une opposition commune ˆ la grve illimitŽe A.J.S./ U.E.C./ModŽrŽs. En lettres, la grve sŽternise jusquˆ la fin du mois de fŽvrier, puis une reprise samorce ˆ partir du 25.02. La fin de la grve ne signifie cependant pas la fin de lagitation. En effet, des mouvements Žtudiants multiples, mais de brve durŽe et de faible ampleur, Žclatent jusquen mars 1970 ˆ lI.N.S.A., en lettres, en sciences Žconomiques, en mŽdecine et en sciences.
Un second grand mouvement Žtudiant a lieu en mars 1973 avec la lutte contre la loi DebrŽ sur les sursis Žtudiants et contre la crŽation du D.E.U.G.. La loi DebrŽ, du nom du ministre de lintŽrieur, vise ˆ rŽduire, et parfois supprimer, les sursis militaires accordŽs aux Žtudiants afin de leur permettre dachever leur cursus. Elle se trouve en conjonction avec la loi instaurant le D.E.U.G. ˆ la place du D.U.E.S. en premier cycle universitaire. Cette conjonction va favoriser la mobilisation au-delˆ du monde Žtudiant, puisque les lycŽens participent activement ˆ ce mouvement. Toutefois, le mouvement se divise rapidement entre organisations de la gauche traditionnelle (socialistes et communistes) et dextrme-gauche. Les manifestations des 23 et 24 mars sont ˆ ce sujet Žloquentes. En effet, une manifestation organisŽe par lUD-C.A.L., le M.J.C.F., lA.G.E.L.-U.N.E.F., lU.G.E. et le CDJ-C.G.T. a lieu le 23 mars 1973 et draine environ 500 Žtudiants et lycŽens. Le 24 mars 1973, une autre manifestation prŽparŽe par lU.N.C.A.L. et lextrme-gauche rassemble plusieurs milliers de lycŽens. Dans le mme temps, le mouvement sorganise hors des syndicats Žtudiants et lycŽens, puisque des comitŽs divers se crŽent au niveau local et national : " comitŽ de coordination lyonnaise Žtudiante ", " coordination des comitŽs contre la loi DebrŽ ", " commission de coordination " . Dautres mouvements revendicatifs nationaux ont lieu : rŽforme dOrnano en Architecture en septembre 1971, projet de crŽation des CFPM en fŽvrier 1972, plan Vedel en mai 1972, rŽforme Fontanet en fŽvrier 1974.
A cette trame nationale et ˆ ses rŽpercussions locales, des mouvements essentiellement locaux se superposent. Ils se distinguent par leur soudainetŽ, leur caractre mobilisateur Žventuellement important et par leur brivetŽ. Ainsi, un meeting organisŽ par le CA U.N.E.F. I.N.S.A. le 02 fŽvrier 1971 afin de protester contre lexclusion de deux Žlves regroupe 800 Žlves. Il est suivi du vote dune motion concernant la pŽnurie matŽrielle et la sŽlection, et aboutit ˆ la rŽintŽgration des deux Žtudiants. Toujours en fŽvrier 1971, une grve Žclate au Conservatoire de Musique et dArt Dramatique et a pour objectif une amŽlioration des conditions de vie et dŽtudes. Soutenue par lU.N.E.F-Renouveau, elle aboutit ˆ la crŽation dun CA U.N.E.F.. De multiples autres mouvements ont lieu : incidents ˆ la citŽ universitaire de Jussieu aprs lexclusion dun Žtudiant africain en avril 1970, partition de luniversitŽ Lyon II et crŽation de luniversitŽ Lyon III en dŽcembre 1973 . Aux mouvements purement universitaires se greffent des mobilisations sur la base dune rŽvolte politique. Ainsi, lU.N.E.F-Renouveau lance une journŽe daction contre la guerre du Vietnam le 14 mai 1970 et organise des rassemblements, meetings, signatures de pŽtition, collectes .
Dans le contexte dune vie Žtudiante trs instable, encore relativement politisŽe et militante, de nombreux conflits Žclatent. Au quasi-traditionnel mouvement Žtudiant annuel de dimension nationale sajoutent de multiples conflits ˆ enjeux locaux. Ils se greffent sur un mme terreau : rŽformes universitaires ou concernant les Žtudiants, conditions de travail, autoritarisme de ladministration. Le r™le des groupes dextrme-gauche demeure important et leur audience dŽpasse souvent le cercle restreint des militants et sympathisants, comme lors des manifestations contre la suppression des sursis.
Contrairement ˆ la rŽforme du IIIe cycle, un mouvement Žtudiant se dessine rapidement et prend de lampleur pour devenir national. ConformŽment aux conflits prŽcŽdents, les groupes gauchistes encadrent fortement le mouvement lors de ses dŽbuts. Une concurrence sŽtablit ˆ Lyon entre lU.G.E.L-U.N.E.F., lA.G.E.L-U.N.E.F .et les mouvements gauchistes. Cependant, le conflit prend rapidement une nouvelle dimension : une coordination nationale est crŽŽe avec la participation des deux U.N.E.F.. A Lyon, une alliance de circonstance se noue entre lA.G.E.L-U.N.E.F. et la L.C.R. pour le contr™le de la coordination. Des comitŽs de lutte grent le mouvement ˆ la base avec les syndicats Žtudiants. Le mouvement atteint son apogŽe le 15 avril 1976 : les manifestations rassemblent dans toute la France 200 000 Žtudiants. Cependant , en dŽpit de ce nouveau climat, le mouvement tra”ne en longueur et senlise face ˆ lintransigeance du nouveau secrŽtaire dEtat. Les mots dordre des groupes gauchistes trouvent de moins en moins dŽchos chez les Žtudiants et le mouvement sachve dans " un profond sentiment de lassitude " et sur quelques concessions du gouvernement.
Le mouvement Žtudiant contre la rŽforme du second cycle appara”t comme le " dernier remake dun scŽnario dagitation ". En effet, le dŽmarrage du conflit sinscrit dans la tradition des mouvements du dŽbut des annŽes 70 : mobilisation importante des Žtudiants, forte prŽsence et contr™le des groupes gauchistes . En dŽpit de quelques concessions, le mouvement marque un tournant : stratŽgie de pourrissement jouŽe par le gouvernement, perte dinfluence des groupuscules gauchistes, lassitude des acteurs, rŽduction de la capacitŽ mobilisatrice du monde Žtudiant .
Dans ce contexte, les rares mouvements Žtudiants nationaux demeurent de faible ampleur ou cantonnŽs dans des secteurs particuliers de lEnseignement SupŽrieur. En 1977, la rŽforme Haby, du nom du ministre de lEducation Nationale de mai 1975 ˆ avril 1978, touche les grandes Žcoles. Le conflit porte principalement sur la constitution de deux conseils pŽdagogiques : un conseil des professeurs dŽcidant de lorientation des Žlves et un conseil de classe purement consultatif. En 1979, un nouveau secteur est concernŽ : les Žtudes mŽdicales. La rŽforme, ŽlaborŽe par le ministre de la SantŽ Mme Veil, provoque une forte mobilisation des Žtudiants en mŽdecine. Ainsi, ˆ Lyon, la journŽe dinformation et de manifestation du 21 mars place Bellecour regroupe 1000 Žtudiants. Une autre manifestation a lieu le 3 avril devant le Rectorat et la D.A.S.S.. Trs rapidement, le mouvement se structure et se dote dune " coordination des Žtudiants ", plus ou moins proche de lA.G.E.L-U.N.E.F. Le seul mouvement dampleur national et " global " a lieu en dŽcembre 1979 avec le vote par lAssemblŽe Nationale de lamendement Ruffenacht. Cette mesure appara”t rapidement comme antidŽmocratique, puisquelle rŽduit le nombre de siges accordŽs aux Žtudiants et donne aux seuls professeurs de rang A, les fameux " mandarins ", le droit de candidature et dŽlection au poste de prŽsident duniversitŽ. Par consŽquent, les enseignants, les assistants et les Žtudiants sont exclus de lŽlection des prŽsidents duniversitŽ. Dautres mesures avaient prŽcŽdŽ lamendement Ruffenacht : application stricte du quorum pour les Žlections universitaires en 1975, nomination des directeurs dIUT par le gouvernement en 1978 . La premire rŽaction provient des conseils duniversitŽ : les conseils des trois universitŽs lyonnaises votent la suspension des cours le mardi aprs-midi en signe de protestation. Une mme unanimitŽ se retrouve parmi les syndicats et associations Žtudiantes. Sans aller jusquˆ lunitŽ daction, lA.G.E.L-U.N.E.F, la CERRA (C.L.E.F., Žtudiants modŽrŽs), la Corpo Lyon III, lUD-C.G.T., le S.N.E.Sup., le SNECS, le SNAU, le SNB, le SNEP, le SNPCEN, le SNPESB, le SNTRS et le Syndicat Autonome adoptent des positions proches et critiquent le projet. Seule lU.N.E.F-UnitŽ Syndicale, au nom du refus de la cogestion, appelle les Žlus Žtudiants ˆ dŽmissionner et dŽnonce le " dernier carrŽ de la participation Sauvage ". Mais, en dŽpit de ce contexte favorable, la mobilisation Žtudiante tarde ˆ prendre et reste faible : la manifestation du 18 dŽcembre 1979 organisŽe par lA.G.E.L-U.N.E.F ne rassemble que quelques centaines dŽtudiants. Un dernier mouvement Žtudiant national a lieu en avril-mai 1983. Le dŽclencheur universitaire de ce conflit est la prŽparation dune nouvelle loi dorientation de lEnseignement SupŽrieur par le nouveau gouvernement de gauche. ProfondŽment modifiŽe lors de son passage devant lAssemblŽe Nationale, la premire Žbauche propose une sŽlection entre les cycles, une rŽforme des premiers cycles, une premire expŽrience de contractualisation Etat / UniversitŽ et de nouveaux statuts aux facultŽs (crŽation des U.F.R.). Le mouvement prend rapidement un tour politique. En effet, lU.N.I. (Syndicat de droite regroupant enseignants et Žtudiants) et les associations dŽtudiants modŽrŽs (Corpo Lyon III) investissent rapidement le mouvement. Cependant, seuls les secteurs, filires rŽputŽes " conservatrices " adhŽrent rapidement au mouvement. Ainsi, ˆ Lyon, le mouvement de grve touche essentiellement les facultŽs de droit et dAES de luniversitŽ Lyon III. Les universitŽs Lyon I et Lyon II demeurent ˆ lŽcart du conflit. Ce mouvement se superpose ˆ la lutte des Žtudiants en mŽdecine contre le projet de rŽforme des Žtudes mŽdicales. Les mobilisations Žtudiantes apparaissent donc, au niveau national, plus espacŽes dans le temps et dune ampleur relativement faible.
A linverse, de multiples conflits se dŽveloppent en lien avec le contexte universitaire local. Ils ont souvent pour origine les conditions dŽtude, la dŽfense dŽtudiants Žtrangers menacŽs dexpulsion ou linstauration par une universitŽ de droits dinscription supplŽmentaires. Ainsi, en dŽcembre 1979, lA.G.E.L-U.N.E.F, lU.G.E. et le SNEP lancent une action, afin de protester contre linstauration ˆ Lyon I dune cotisation pour le sport. Une manifestation dun genre un peu particulier a lieu le 13 dŽcembre rue de la RŽpublique : 200 Žtudiants jouent au ballon sur la voie publique, puis manifestent jusquau Rectorat o une dŽlŽgation est reue. Les conflits peuvent parfois prendre un caractre violent. Ainsi, en juin 1977, ˆ la suite dune rocambolesque affaire d " admissibles-recalŽs " ˆ Lyon I, un comitŽ de dŽfense, soutenu par lU.G.E.L-U.N.E.F., sŽquestre pendant toute une nuit une soixantaine de professeurs. Les mouvements locaux ont donc un cadre restreint : facultŽ, filire ou mme annŽe dŽtude, amphithŽ‰tre, et peuvent possŽder un fort potentiel mobilisateur.
Le mouvement Žtudiant de 1976 inaugure donc une nouvelle pŽriode. Une conjonction entre une capacitŽ de mobilisation plus faible du monde Žtudiant et un changement de tactique du pouvoir engendre une absence de mouvements nationaux et globaux. DŽsormais, le mouvement Žtudiant sexprime de faon plus ponctuelle et sattache davantage ˆ la situation locale.
Au milieu des annŽes 80, une nouvelle situation voit le jour avec le dŽveloppement de mouvements Žtudiants marquŽs par des revendications strictement universitaires. Elle peut appara”tre comme laboutissement dune longue Žvolution du monde Žtudiant. En effet, les mouvements des annŽes 70 ont pour base la dŽfense de grands principes, lengagement en faveur de projets de sociŽtŽ alternatifs ou dune autre politique universitaire. Ces thmes de mobilisation connaissent, ˆ partir du milieu des annŽes 70, un effacement progressif de leur audience. Dans le mme temps, les Žtudiants prennent davantage de distance ˆ lŽgard des organisations politiques ou syndicales.
Cette Žvolution aboutit, dans les annŽes 80 et 90, au dŽveloppement de deux sentiments chez les Žtudiants : la peur de la rŽcupŽration politique et limportance dŽsormais confŽrŽe aux Žtudes, synonymes dŽsormais de rŽussite sociale et surtout de protection ou dŽchappatoire face au ch™mage. Il se produit ˆ la fois un rejet du politique et une forte capacitŽ mobilisatrice du monde Žtudiant si les valeurs auxquelles il est attachŽ sont remises en cause, cest ˆ dire la libertŽ et lŽgalitŽ daccs ˆ lUniversitŽ. La mobilisation Žtudiante se rŽalise dŽsormais sur des revendications concrtes (locaux, droits dinscription, sŽlection, valeur des dipl™mes ) et rejette avec force le spectre de la politisation.
Les mobilisations Žtudiantes de la fin des annŽes 80 et des annŽes 90 reposent donc sur des revendications universitaires. Cet aspect appara”t clairement lors des mouvements Žtudiants de 1986, 1994 et 1995. La lutte des Žtudiants contre le projet Devaquet ˆ la fin de lannŽe 1986 est ˆ cet Žgard la plus significative. La mobilisation des Žtudiants a pour base lopposition au projet dAlain Devaquet, ministre de lEnseignement SupŽrieur du nouveau gouvernement de droite dirigŽ par J.Chirac. ElaborŽe en mai 1986, la loi Devaquet sinscrit dans lorientation libŽrale du gouvernement : instauration de la sŽlection, hausse des droits dinscription, Žlargissement de lautonomie des universitŽs. Lors de son passage devant le SŽnat, elle ne suscite pas de critiques ou doppositions particulirement fortes. Les syndicats Žtudiants tentent alors de mobiliser, mais en vain . Tout change pourtant ˆ lautomne 1986. Un appel ˆ la grve lancŽ par une coordination nationale dirigŽe par lU.N.E.F-ID lors dEtats GŽnŽraux ˆ la Sorbonne trouve rapidement un Žcho dans les universitŽs. A Lyon, la grve dŽbute ˆ partir du 24 novembre 1986 dans les universitŽs Lyon I et Lyon II, Lyon III restant hors du mouvement. SpontanŽ, le mouvement prend rapidement de lampleur et se structure, sorganise sous limpulsion de militants syndicaux, en particulier de lU.N.E.F- ID. Ainsi, ˆ Lyon I, lAssemblŽe GŽnŽrale met en place un comitŽ de grve auquel participe le prŽsident de lU.G.E.L-U.N.E.F- ID, Christophe Borgel. A Lyon II, des comitŽs daction sont crŽes en fonction des filires et sont chapeautŽs par un " comitŽ de coordination ". La mobilisation appara”t demblŽe extrmement forte et se fonde presque essentiellement sur lopposition ˆ toute tentative de sŽlection ˆ lentrŽe de luniversitŽ. Un seul objectif : le retrait du projet Devaquet, sans autre proposition ou revendication. LimitŽ dans ses objectifs, le mouvement se distingue aussi par son rejet du politique. Il se traduit par la volontŽ des Žtudiants de se distancier du politique et par une exigence de dŽmocratie au sein du mouvement. La grve est contr™lŽe par lAssemblŽe GŽnŽrale des Žtudiants et un fort refus de toute rŽcupŽration par une organisation politique ou syndicale se manifeste parmi les Žtudiants. Lors de la manifestation du 27 novembre 1986 ˆ Lyon, qui rŽunit entre 20 000 et 40 000 Žtudiants, une consigne votŽe par les A.G interdit aux organisations syndicales de dŽployer leurs banderoles. Le mouvement Žtudiant de 1986 conna”t en rŽalitŽ deux phases : au dŽbut, la mobilisation contre le projet Devaquet est trs forte et se rŽsume au seul objectif de retrait. La mort de Malik Oussekine le 5 dŽcembre ˆ Paris lors de la terrible rŽpression de la manifestation entra”ne la dŽmission dA. Devaquet le 6 dŽcembre et le retrait du projet le 8 dŽcembre. Le mouvement conna”t alors une seconde phase o, sous limpulsion des syndicats Žtudiants, les mots dordre dŽmocratiques et Žthiques prennent le pas sur les revendications universitaires. Forte au dŽbut, vŽritable rŽaction Žmotionnelle, Žpidermique, la mobilisation saffaiblit trs rapidement. Certes, la manifestation organisŽe pour protester contre les violences policires et en hommage ˆ Malik Oussekine rassemble plus de 25 000 Žtudiants, lycŽens et parents ˆ Lyon. Mais dŽs le 11 dŽcembre, les cours reprennent dans les lycŽes et les collges. Le mouvement Žtudiant de 1986 conjugue les nouveaux aspects de la mobilisation Žtudiante rejet du politique, peur de la rŽcupŽration, importance donnŽe aux Žtudes, forte capacitŽ mobilisatrice sur les questions universitaires, r™le des mŽdias ˆ la fois relais des revendications Žtudiantes et facteur dinfluence sur les ŽvŽnements .
Les mouvements Žtudiants des annŽes 86-94 apparaissent comme laboutissement dune longue Žvolution. Changement dans la forme tout dabord, avec une prise de distance trs nette vis ˆ vis du politique. Cette distanciation se traduit par la systŽmatisation des nouvelles formes dorganisation apparues dans les annŽes 70, et en particulier des coordinations. Seules structures reconnues comme lŽgitimes par le mouvement, elles sont fondŽes sur la dŽsignation de reprŽsentants " indŽpendants " des syndicats et Žlus en A.G. Les structures et lexpŽrience des militants syndicaux sont utilisŽes, mais sous le contr™le de lA.G. ou de la coordination. Les syndicats Žtudiants, ŽcartŽs des feux de la rampe, demeurent tout de mme prŽsents. Ainsi, en 1995, la coordination Žtudiante Žlue ˆ Lyon II comprend 3 militants de lU.N.E.F- ID, 2 de lU.N.E.F et 1 de Lutte Ouvrire. Les militants syndicaux, et en particulier les responsables, possdent souvent seuls les capacitŽs danalyse, dexpression et lexpŽrience nŽcessaires dans ces situations peu coutumires pour la plupart des Žtudiants. Cependant, ils ne contr™lent pas totalement le mouvement. Mais le mouvement Žtudiant a aussi ŽvoluŽ sur le fond. Les ressorts de la mobilisation ont changŽ : les revendications universitaires peuvent seules dŽsormais susciter lintŽrt des Žtudiants. " Laction collective Žtudiante des annŽes 80/90 exprime la force de la demande sociale dŽducation de couches de plus en plus diversifiŽes de la population qui sopposent ˆ tout ce qui viendrait entraver la libertŽ daccs ˆ lUniversitŽ ou mettre en cause les conditions de la rŽussite ".
III. La place de lA.G.E.L-U.N.E.F au sein du mouvement Žtudiant.
Les syndicats Žtudiants tiennent donc un r™le capital dans linformation des Žtudiants, en particulier au dŽbut de la mobilisation. Leur accs privilŽgiŽ ˆ linformation (reprŽsentation nationale, participation aux diffŽrents conseils universitaires, interlocuteurs des autoritŽs universitaires ) les rendent inŽvitables dans le dŽclenchement dun mouvement. De plus, ils sont souvent les seuls ˆ disposer des capacitŽs nŽcessaires pour informer les Žtudiants : militants et adhŽrents, imprimerie pour lA.G.E.L-U.N.E.F, liens avec les grandes centrales syndicales, les partis politiques, expŽrience dans la rŽdaction dun tract, capacitŽs dexpression .
Hors deux, la circulation de linformation ˆ grande Žchelle devient extrmement difficile. Lintervention de lA.G.E.L-U.N.E.F pour informer les Žtudiants se fait selon diffŽrentes modalitŽs. Les AssemblŽes GŽnŽrales ne sont pas, jusquau milieu des annŽes 80, le moyen dinformation privilŽgiŽ. En effet, ouvertes ˆ tous, elles sont difficilement contr™lables et offrent aux groupes gauchistes la possibilitŽ de sexprimer et de peser sur les dŽbats. LA.G.E.L-U.N.E.F est donc rŽticente face aux A.G. : " on commenait ˆ faire monter la pression dans les T.D. avec des interventions , et cela dŽbouchait toujours sur une A.G. o se retrouvait tout le ramassis de crapules possibles [ ], et aussi des Žtudiants normaux [ ]. Elles ont toujours ŽtŽ la plaie ces A.G., parce quelles sont profondŽment antidŽmocratiques, dans la mesure o ne sexpriment lˆ-dedans que les professionnels de la politique et de lagitation, et o lŽtudiant de base ne peut pas parler. ".Mais elle a son r™le, son importance, dans la mesure o elle fait prendre conscience ˆ un mouvement de sa force.
Un changement sopre pourtant progressivement. En 1992, lA.G.E.L-U.N.E.F prend linitiative de convoquer une A.G. pour informer les Žtudiants sur la rŽforme Jospin. Cette Žvolution provient avant tout du r™le, au sein du mouvement Žtudiant, dont lU.N.E.F. veut se doter. Dans les annŽes 70, lU.N.E.F., mme si elle nen est pas capable, revendique la direction des luttes. Au congrs de Toulouse en 1990, lU.N.E.F., considŽrablement affaiblie et ˆ peine remise du mouvement Žtudiant de 1986, modifie la nature de son intervention au sein du mouvement Žtudiant : " (le mouvement Žtudiant de 1986) nous a amenŽ ˆ rŽflŽchir sur notre orientation et ˆ dŽcider dinverser notre dŽmarche. Jusque lˆ, nous intervenions porteurs dun projet pour lEnseignement SupŽrieur et nous ne laissions aux Žtudiants que la possibilitŽ de nous soutenir [ ]cest le dŽbat qui a ŽtŽ au centre du congrs de Toulouse en 1990 et nous a amenŽs ˆ redŽfinir lU.N.E.F. comme un outil pour rassembler les Žtudiants ". LU.N.E.F. redŽfinit donc sa place au sein du mouvement Žtudiant : elle se veut un outil, un instrument pour rassembler les Žtudiants au lieu de les contr™ler, elle se met au service du mouvement Žtudiant en favorisant la circulation de linformation .
Outre les A.G., linformation se fait par les innombrables tracts ou par voie daffichage. La rŽforme Fontanet en 1974 est ainsi longuement dissŽquŽe et ŽpluchŽe dans les tracts : situation de lUniversitŽ, analyse de la rŽforme Fontanet, propositions de lA.G.E.L-U.N.E.F.
Enfin, lA.G.E.L-U.N.E.F informe les Žtudiants par lintermŽdiaire des interventions en amphis ou dans les T.D. Elle tente alors de privilŽgier la discussion avec les Žtudiants et dinstaurer un dialogue. Lintervention en amphi appara”t systŽmatique : projet de rŽforme des Žtudes mŽdicales en fŽvrier 1980, licenciement des vacataires en novembre 1978 . Il existe une vŽritable volontŽ de discuter et dexpliquer aux Žtudiants. LA.G.E.L-U.N.E.F, mais aussi les autres syndicats et associations, assume un r™le essentiel dans linformation des Žtudiants.
LincapacitŽ de lA.G.E.L-U.N.E.F ˆ contr™ler les mouvements Žtudiants se traduit concrtement par lapparition de structures ŽphŽmres propres au mouvement : les coordinations Žtudiantes .Le conflit gŽnre ses propres structures et responsables en dehors des organisations syndicales traditionnelles. Elles sont le plus souvent mises en place par les A.G. Ainsi, en avril 1979, une " coordination des Žtudiants " organise la lutte contre la loi Veil de rŽforme des Žtudes mŽdicales. Bien que participant ˆ la coordination, lA.G.E.L-U.N.E.F ne dŽtient quun contr™le mŽdiocre sur le mouvement en raison de son implantation incomplte dans les CHU. LU.N.E.F. des annŽes 50 et 60 Žtait capable de regrouper derrire elle les diffŽrentes sensibilitŽs du monde Žtudiant et apparaissait comme la seule organisation capable de reprŽsenter les Žtudiants et le mouvement Žtudiant. Or, lU.N.E.F. issue de la scission de fŽvrier 1971 ne reprŽsente plus quune fraction du monde Žtudiant. En concurrence avec dautres organisations et confrontŽe ˆ un dŽsir de diversitŽ du monde Žtudiant, elle nappara”t plus comme une structure apte ˆ prendre en compte toutes les aspirations dun mouvement revendicatif.
Si lA.G.E.L-U.N.E.F analyse rapidement et avec luciditŽ son incapacitŽ ˆ faire dŽmarrer et aboutir un mouvement Žtudiant, elle tarde ˆ accepter la nouvelle donne. Elle garde son attitude rŽtive vis ˆ vis des nouvelles formes dorganisation, attitude encore trs influencŽe par le mythe de la " grande U.N.E.F. ", seule organisation reprŽsentative des Žtudiants. Jusquen 1975-1976, elle fait preuve dune trs grande rŽticence et mŽfiance envers ces nouvelles formes dorganisation. ConsidŽrŽe comme un aveu de sa propre faiblesse, elle participe trs rarement ˆ leur mise en place. Cependant, elle modifie progressivement sa position ˆ partir de 1973. A partir de 1975-1976, elle est beaucoup plus nuancŽe et pragmatique dans son attitude. Au niveau national, la grve contre la rŽforme du second cycle (1976) rassemble pour la premire fois au sein dune coordination nationale lU.N.E.F. et lU.N.E.F.-UnitŽ Syndicale. Toutefois, le gouvernement ne reconna”t aucune lŽgitimitŽ ˆ la coordination et reoit sŽparŽment les deux syndicats. Au niveau local, une attitude pragmatique prŽdomine. Certes, lA.G.E.L-U.N.E.F demeure mŽfiante, mais elle comprend rapidement que cest le seul moyen de faire dŽmarrer un mouvement. Au lieu de se retrouver en concurrence avec les coordinations, elle investit dŽsormais des militants au sein de ces structures ŽphŽmres. A la fin des annŽes 80, lA.G.E.L-U.N.E.F sinscrit dans le cadre dune collaboration Žtroite avec les coordinations . En 1990, le congrs de Toulouse rŽaffirme cette position et lŽrige en orientation syndicale.
Avec lapparition de nouvelles formes dorganisation, lU.N.E.F. collabore et simplique de plus en plus auprs des diffŽrents acteurs du mouvement Žtudiant. Toutefois, lA.G.E.L-U.N.E.F garde son indŽpendance vis ˆ vis du mouvement Žtudiant.
La logique unitaire ne lemporte jamais sur la logique propre du syndicat. Elle nhŽsite pas, lorsquelle juge un mouvement contraire aux intŽrts des Žtudiants, ˆ sopposer et ˆ pr™ner dautres formes daction ou une autre orientation. Le mouvement Žtudiant de 1983 a particulirement mis en exergue ce cas de figure. La grve des Žtudiants de la facultŽ de mŽdecine en avril 1983 ne rencontre que son opposition et son hostilitŽ. Tout en jugeant lŽvolution des discussions engagŽes ˆ Paris comme " satisfaisante ", lA.G.E.L-U.N.E.F dŽnie au mouvement de grve toute lŽgitimitŽ et, au contraire, tente dorganiser les non-grŽvistes. Elle dŽnonce ple-mle les piquets de grve musclŽs devant les CHU, les A.G. non reprŽsentatives (elles rassemblent la plupart du temps 600 ˆ 700 Žtudiants sur 3000), limpasse dans laquelle senfonce le mouvement .Elle rŽagit mme en organisant une A.G. des non-grŽvistes et en demandant lintervention des autoritŽs universitaires pour assurer le " droit de suivre les cours ". Face au mouvement dans les facultŽs de Droit et de Sciences Humaines et Sociales, lA.G.E.L-U.N.E.F sengage encore davantage, puisquelle soutient ouvertement la rŽforme Savary. A Lyon II, elle contre les partisants de la grve (U.N.E.F-ID, C.E.L.F ) en montant une rŽunion dinformation sur le projet de loi avec deux dŽputŽs de la majoritŽ P.S.-P.C.F. : J.J Queyranne et G Hage.
En dŽpit de son incapacitŽ ˆ lancer et ˆ faire aboutir des mouvements Žtudiants, lA.G.E.L-U.N.E.F garde une certaine indŽpendance et dŽveloppe ses propres thmes, fait avancer ses idŽes lors dun conflit. Elle sait sopposer avec force face ˆ des conflits quelle juge inopportuns.
De 1971 ˆ 1994, lUniversitŽ Žvolue considŽrablement et conna”t une " massification ". La progression numŽrique du monde Žtudiant est constante avec une forte poussŽe de fivre de 1988-1989 ˆ 1994. Les effectifs passent de 615 326 Žtudiants en 1969 ˆ 1 403 827 en 1993. Le mme phŽnomne se produit ˆ Lyon o les 2 puis 3 universitŽs accueillent 110 000 Žtudiants en 1994, contre 57 000 en 1976. Durant notre pŽriode, lUniversitŽ double de volume et absorbe lessentiel de la demande de dipl™mes aprs le baccalaurŽat. Cependant, au-delˆ de cette massification par le nombre, lUniversitŽ sest encore peu dŽmocratisŽe. Beaucoup plus que les classes sociales les plus dŽfavorisŽes, ce sont les classes moyennes qui profitent de lamorce de dŽmocratisation. De multiples inŽgalitŽs persistent : salariat Žtudiant, poursuite dŽtude selon lorigine sociale, selon le sexe . De plus, lUniversitŽ remplit de plus en plus difficilement son r™le " dascenseur social " et ne garantit plus une Žclatante trajectoire professionnelle ou une protection contre le ch™mage.
Le milieu Žtudiant change aussi durant cette pŽriode. Les thmes de mobilisation du dŽbut des annŽes 70, cest ˆ dire la dŽfense de grands principes et lengagement en faveur de projets alternatifs, laissent progressivement la place ˆ deux sentiments : la peur de la rŽcupŽration politique et la peur de ne pouvoir rentrer dans la vie active de faon satisfaisante. A partir du milieu des annŽes 80, le monde Žtudiant dŽveloppe une forte capacitŽ mobilisatrice si les valeurs auxquelles il est attachŽ sont remises en cause, cest ˆ dire la libertŽ et lŽgalitŽ daccs ˆ lUniversitŽ. le monde Žtudiant se mobilise dŽsormais sur des revendications concrtes.
LUniversitŽ et le milieu Žtudiant des annŽes 70 et 90 apparaissent peu favorables au syndicalisme Žtudiant. Pourtant, celui-ci sadapte ˆ ce nouveau contexte. Ainsi, lA.G.E.L-U.N.E.F trouve trs rapidement sa place au sein du mouvement Žtudiant. Certes, elle doit vite abandonner ses vellŽitŽs de contr™le du mouvement Žtudiant, mais elle garde nŽanmoins un r™le essentiel ˆ travers linformation des Žtudiants, sa place dans les coordinations .