Tmoignage d'Antoine Zamichiei, sur le 74e congrs (Toulouse) et son contexte dans l'AGE de Nancy, qu'il prsidait alors
J'apporte ici mon tmoignage de prsident de l'AGE de Nancy quant au droulement du 74e congrs de l'UNEF et aux vnements en rapport qui l'ont prcd. Je n'vite pas la polmique et mon exposition des faits est sans dtours, mais c'est dans un esprit de bienveillance que je le confronte toutes les mmoires.
Le 74e congrs de Toulouse en 1990 tend tre prsent comme un moment de reprise en main de l'UNEF par L'UEC. Certes, il y avait fortement de a. Le Bureau National de l'UEC tait la manÏuvre. Mais, il a surtout oppos deux regards sur lĠUNEF et ses perspectives. Ë la fin des annes 80, commencent circuler les chiffres de l'orga, jusque l soigneusement dissimuls, et l'on prend conscience que le grand syndicat tudiant a des allures de groupuscule. LĠUEC et le PCF en vinrent ne considrer lĠUNEF quĠau travers du prisme du nombre de ses adhrents, ce que commentait amrement Ronan Kerrest, qui avait remplac Catherine Jouanneau, dmissionnaire lĠautomne 1989 du secrtariat gnral de lĠUNEF. C'est cette poque que des dirigeants de l'UEC ont commenc penser que l'UNEF n'tait pas indispensable, d'autant qu'ils taient soumis la faiblesse de leur propre orga et qu'ils tendaient l'apprcier, sur le terrain de l'activit, comme une concurrence. Saurons-nous jamais ce que furent les changes entre lĠUEC et le PCF quant ce quĠil devait advenir de lĠUNEF et les motivations qui les animaient ? Peut-tre partageaient-ils, certes dans une approche messianique qui excluait tout dbat au sein du syndicat tudiant, une vritable propension la runification des deux UNEFs ce que nĠexprimera publiquement le PCF que quelques annes plus tard. Quoi quĠil en soit, le scnario dĠun encadrement de la fin de lĠUNEF avait fait son chemin, mme sĠil est difficile dĠaffirmer que la volont de ses acteurs de le mener terme tait inbranlable lĠaube du 74e congrs.
Moi-mme et les prsidents de l'Association Gnrale des tudiants de Nancy (AGEN) qui m'ont prcd et que j'ai connus - Laurent Wild, Patricia Daguerre et Fabien Almras - ne partagions pas une telle analyse. Nous tions tous membres de l'UEC, mais nos nergies avaient toujours t tournes vers le maintien et le dveloppement du syndicalisme tudiant et nous considrions que la disparition de l'UNEF aurait t une perte immense. Ses dimensions taient groupusculaires, mais son influence tait ponctuellement considrable. Nous ne l'avons jamais mis en concurrence avec l'UEC. La thmatique de la runification syndicale nous tait indiffrente car les orga se ressemblaient trop peu pour tre miscible lĠune dans lĠautre : il y aurait forcment un perdant et lĠpoque lĠUNEF TC (tout courtÉ) tait la plus expose. Peu avant le congrs, Stphane Leoni, qui dirigeait l'UEC Nancy, a reu la consigne d'un de ses responsables nationaux, d'une prise de contrle de l'AGEN. Apriori, il tait reproch au prsident de l'AGEN que j'tais, bien qu'estampill communiste, et sans doute galement ceux qui m'ont prcd puisque je ne m'tais pas dparti des pratiques antrieures, de ne pas promouvoir l'activit de l'UEC. Manifestement, ledit responsable n'avait pas compris les relations Nancy qui existaient entre l'UNEF et l'UEC. Si les communistes la marquaient fortement de leur empreinte, l'immense majorit des adhrents de l'AGEN - et des militants actifs - n'taient pas affilis l'UEC. Stphane Leoni, qui n'avait aucun moyen d'excuter ce qui lui tait demand et qui n'y adhrait pas, s'en est confi Fabien Almras qui m'en a alert. La tentative de contrle a pris une autre voie, plus stupfiante, avec un appel d'un responsable national du PCF (je ne donnerai pas directement son nom... mais je peux dire qu'il tait d'un ge avanc et qu'il avait t anciennement responsable l'orga du parti) au secrtaire fdral de Meurthe-et-Moselle, Jean-Claude Mignon. Ce dernier n'y a bien sr pas donn suite tant la demande (une initiative personnelle ? Qu'est-ce qu'elle nous dit de l'image intriorise de l'UNEF dans les instances communistes ?) lui tait incongrue. Je ne l'ai pas su immdiatement. Fabien Almras et Patricia Daguerre, auxquels le secrtaire fdral s'en tait ouvert, ne m'en ont inform qu'au cours du congrs pour ne pas attiser inutilement des tensions lors de sa prparation. Ce sont des scnarii qui se sont reproduits dans la plupart des AGEs.
Ë l'ouverture du congrs, les jeux taient faits. La salle tait acquise la reprise en main voulue par le BN de l'UEC. Le dclencheur de cette reprise en main a peut-tre t la volont exprime par quelques membres du BN de l'UNEF, quelques mois avant le congrs, d'ouvrir le champ de rflexion du syndicat trop maintenu dans une perspective exclusive d'un front du refus. Il faut bien sr remettre cette volont dans le contexte de l'poque, pour ne pas tomber dans la caricature. Tous ceux qui ont connu les locaux de l'UNEF, rue Pailleron, Paris, la fin des annes 80 le confirmeront : on pouvait ouvrir n'importe quel tiroir, il tait vide. En dpit de quelques plumes admirables, comme celle de Marc Rossetti, la production intellectuelle de l'UNEF tait insignifiante et il s'agissait de l'toffer quelque peu. Le congrs de Toulouse a sanctionn les tenants supposs de ce petit pas (toutes les personnes sanctionns ne sĠtaient pas forcment exprimes dans le sens dcrit). J'avais quitt la tribune au dbut de ce congrs pour marquer mon refus dĠtre associ aux attaques orchestres qui se multipliaient contre des membres du BN sortant. C'tait mieux que de rester le seul la tribune qui ne se levait pas pour les applaudir. C'est un rquisitoire contre Frdrique Le Brun qui m'en avait fait partir. J'avais rejoint Nicolas Briand, issu du BN sortant et plus avis que moi, qui s'tait gard d'y monter. Il m'a chuchot que j'aurai d prserver mes chances dĠtre lu. Je l'ai t quand mme. Frdrique Le Brun, ric Marazanoff, et d'autres, plus durement frapps par les consignes de vote ont disparu du BN. Parmi mes camarades de tribune, quelques-uns n'adhraient pas aux flots d'accusations virulentes, mais ils en taient rduits mimer des applaudissements pour ne pas se dpartir de la claque soutenue de la salle. Je me souviens de Renan Kerrest qui a d peser en une fraction de seconde s'il fallait consentir applaudir. Il a fait un choix qui lui a permis de continuer jouer un rle dans le maintien de l'unit de l'UNEF. Il tait conscient qu' la suite de ce congrs, personne mieux que lui ne pourrait retisser les liens rompus dans les clats de la confrontation.
Ce congrs a t, au final, crateur de divisions et gaspilleurs des nergies rares dont se nourrissait le syndicat. Des forces vives y ont t teintes librant de lĠespace pour lĠentrisme de groupes structurs qui allaient vite entrer en confrontation avec lĠinstance nationale. Mais plus encore, la direction nationale de l'UEC s'est autorise cette reprise en main, car l'UNEF ne lui apparaissait plus que comme une orga de second plan, que l'on pouvait maintenir (combien de temps?) flot, mais dont la prennit n'tait pas un impratif. Qui pouvait ignorer que l'UEC, dont les forces avaient t un des piliers du Renouveau de l'UNEF, n'avait plus cette poque les moyens humains de maintenir de front, sur une base resserre autour de ses militants, sa propre activit et celle de l'UNEF ? Il ne s'agissait pas seulement de faire vivre l'instance nationale, mais une base suffisante d'AGEs. Par del les vicissitudes ultrieures (et le financement tatique qui a pu temporairement changer la donne), le terrain tait prpar la disparition de l'UNEF une dcennie plus tard.