CNESER 2002: notre dŽclaration du 18 mai Retour ˆ la page principale CNESER 2002 | ˆ la page d'accueil |
Pour une liste de rassemblement syndical au CNESER
La question de la représentation étudiante na jamais été posée avec autant dacuité.
On a longtemps considéré la condition étudiante comme transitoire, et privilégiée. Cette idée demeure aujourdhui encore, alors que pourtant les faits la démentent.
On a parlé, beaucoup, de " démocratisation " de lUniversité. Aujourdhui, sa massification est un fait : la majorité de chaque classe dâge a, a eu ou aura le statut étudiant.
Ce devrait être un progrès. Mais à cette massification a correspondu une dégradation dune part du statut détudiant, dautre part des bénéfices que chacun peut espérer tirer du fait davoir été étudiant.
Ce nest pas le fait dune fatalité, mais dune politique constamment et délibérément menée par les gouvernements qui se sont succédé, quelle que soit leur étiquette. Depuis plus de trente ans, le pouvoir a répondu à laugmentation du nombre détudiants par la dégradation de la condition détudiant et de la qualité des études.
On parle, depuis la loi Faure de 1969, de laccumulation des réformes qui serait la preuve de la difficulté quil y a à changer lUniversité. Cest oublier que toutes ces réformes, sans exception, allaient dans le même sens, nétaient que les étapes dune unique réforme, dont les objectifs sont aujourdhui en passe dêtre atteints.
Cette réforme tient en un mot : privatisation.
Dans le contexte global dune idéologie qui fait de la réduction des dépenses publiques un objectif premier, lEtat finance de moins en moins lenseignement supérieur. Lidée que cest à la société de financer la formation des futurs travailleurs recule devant une logique commerciale. Le financement est reporté, dune part, sur les " usagers " ou " consommateurs " ; baisse de laide sociale, hausse exponentielle des frais dinscription (en 1984, la carte détudiant coûtait 100F, sécu comprise). Dautre part, on présente comme un progrès la participation, marginale, des entreprises privée. Mais, en échange, on leur livre le contenu de nos formations.
Les principales réformes ne sont que les étapes de cette privatisation. La loi Faure a instauré lautonomie des Universités, autant dire leur soumission à des intérêts privés. La loi Savary (1984) la renforcée, en particulier en ouvrant leurs conseils à des personnalités extérieures. La réforme de 1997, préparée par Bayrou, appliquée par Allègre, a cassé, par la semestrialisation, la cohérence de lannée universitaire, diminué la part des enseignements fondamentaux, instauré une logique de bachotage permanent, remis en cause les conditions dexamen (avec en particulier la possibilité donnée aux Universités de remettre en cause la session de septembre). Le plan U3M dAllègre a officialisé le changement total de fonction de lenseignement supérieur : non plus donner une formation intellectuelle et professionnelle pour la vie, mais satisfaire les exigences à court terme du patronat. Les licences professionnelles, quil a créées , sont ainsi des diplômes bidon, dont lépreuve essentielle est un stage sans garantie de paiement, noté par le patron.
La réforme que Lang a laissée en partant, et dont Ferry a déjà dit quil lappliquerait, achève largement le travail : sous couleur d " harmonisation européenne ", elle marque en effet la fin de la valeur nationale des diplômes. Un diplôme ne sanctionnera plus désormais lacquisition dun niveau de connaissances et de compétences dans un domaine précis, mais laccumulation par létudiant dun certains nombres de points dans des matières variées, à charge pour lui de le faire valoir pour trouver ensuite un emploi sans garantie de durée puisque de tels " diplômes " seront rapidement périmés.
La même logique a dicté une politique scandaleuse à légard des étudiants étrangers. Seuls sont considérés comme intéressants ceux qui peuvent payer et rapporter . Allègre a créé lagence Edufrance pour promouvoir les universités françaises auprès de ceux-là. Dans le même temps, on persécute tous les autres, principalement issus des pays francophones dAfrique. Depuis la circulaire Sauvé-Marchand de 1991, cest la police qui décide lesquels sont de vrais étudiants et expulse les autres : la carte détudiant délivrée par une Université ne suffit plus.
Laccélération de cette politique de casse ces dernières années a été rendue possible par lincapacité des étudiants à sorganiser pour se défendre au niveau national. La réforme Devaquet de 1986, la réforme Jospin de 1992 avaient échoué devant leur mobilisation : Devaquet navait même pas rêvé ce que Lang a décrété et que Ferry sapprête à appliquer.
La précarisation croissante de la condition étudiante a diminué la capacité de mobilisation, leffacement des organisations progressistes sur les facs en a détruit les cadres. Cest ainsi quon a pu arriver à un quasi monopole dune soi disant représentation étudiante par des professionnels de la chose qui, au mieux, ne sont que très peu étudiants, le plus souvent, et toujours sagissant des dirigeants, ne le sont pas du tout. Les réformes qui ont cassé lUniversité publique ont en même temps (ce nest pas un hasard) favorisé cette fausse représentation. La loi Faure la instaurée, la loi Savary la perfectionnée. Jospin, en 1992, a complété le système avec la notion d " organisation nationale représentative ". Avec la réforme Lang, nous atteignons un sommet, déjà envisagé par Bayrou : grâce à la " validation des expériences ", lactivité de " représentant " permettra dobtenir de ces fameux point qui composeront les diplômes mécano. Traduction : les élus étudiants disciplinés seront diplômés ès-qualité. Remarquable cynisme !
Ainsi il ny a pas de raison de sétonner de lire, dans le bilan des élus au CNESER de lUNEF-ID (qui a entre-temps cessé dêtre ID) que la réforme Lang ne remet pas en cause les acquis étudiants. Cest une conception de la représentation des intérêts étudiants qui se passe de commentaire.
Nous savons tous comment ces représentants sont élus. Les jours délection, alors que rien nest fait de sérieux par ladministration (on la comprend) pour susciter lintérêt des étudiants, des brigades bureaucratiques des différentes " organisations nationales représentatives " débarquent et nous assomment de leur propagande. La large majorité ne se sent pas concernée. Une minorité (moins de dix pour cent en moyenne) va voter, surtout pour eux.
Des résistances se manifestent localement mais, le système conçu pour cela aidant, sont restées jusquà aujourd'hui locales.
Face à cela, le besoin est criant dune organisation nationale, vraiment syndicale et vraiment étudiante, pour exprimer le refus de la logique à luvre depuis plus de trente ans, pour défendre, collectivement et individuellement, les étudiants qui en sont victimes. Cette organisation ne peut naître de la simple addition de structures qui, localement, résistent. Mais en sunissant sur cet objectif clair, elles peuvent se donner les moyens dun saut qualitatif.
Les élections du CNESER, cur du système de la fausse représentation, peuvent aujourdhui en être la première étape. Si toutes les organisations qui refusent la casse de lUniversité publique sunissent, elles peuvent, malgré les obstacles légaux, constituer une liste. Si tous les élus étudiants de ces organisations ou indépendants qui considèrent quils sont élus pour défendre les intérêts de leurs mandants lui donnent leur voix, cette liste peut avoir au moins un élu. Un élu qui, au contraire de tous les autres, représenterait les véritables intérêts des étudiants de France en
et, dans ses votes, en rejetant,
Avoir un tel élu, sur onze, ne saurait être une fin en soi. En lobtenant, nous arracherons la reconnaissance de notre union comme organisation nationale représentative, et les moyens afférents. En constituant une telle liste, nous aurons déjà créé la dynamique dunion qui, si nous nous engageons à la poursuivre, permettra la construction et la structuration dune force représentant les véritables intérêts des étudiants de France, sinscrivant dans le cadre dans le cadre de lensemble des mouvements progressistes français et internationaux.
Si chacun assume ses responsabilités, ce but peut être atteint.
Le 18 mai 2002.